Putain de vieux!
Thèse :
Je suis vieux, eh oui, vieux, VIEUX, coupable de vieilleries, de rides sur le visage.
Vieux et… BABY BOOMEUR… J’ose à pein’ l’avouer, messieurs et mesdames dans la fleur de l’âge.
Coupable d’être né entre parenthèses : après une grande guerre, avant le grand fiasco climatique annoncé. Je suis vieux mais je ne baisserai pas les yeux. Vieux et alors ! Boomeur et alors !
Parabole :
Il était une fois – de trop évidemment – Quelque part dans les cieux, un jour, bien avant de naître,
cet alter qui allait devenir moi me dit entre la deuxième et la troisième éternité :
– Si tu naissais ? Moui… pourquoi pas !
j’ai regardé le calendrier et j’ai pris la mappemonde. J’ai pointé mon index et j’ai touché un point.
J’ai dit : – C’est là que je vivrai ! C’aurait pû être au large d’un océan, au pôle Nord ou Sud, en Patagonie, en Utopie.
Mon index dénonçait un coin de l’Europe, prés de la méditerranée, en pleine cambrousse.
Pas beaucoup d’voitures ni de modernité à l’époque. Pas d’télé, juste la radio et le chauffage au « mazout » dans les écoles.
Ça puait la guerre par les crevasses de la terre et les blessures ouvertes dans les têtes.
Mais le monde était souriant. On regardait demain avec entrain. Demain ce serait mieux pour nos z ‘enfants ! Demain, plus de maladies ni de pauvreté. Aaah ! Vive le Progrès ! On y croyait.
J’ai lancé la grande roue du temps. Elle a tourné, tourné et puis s’est arrêtée sur le 19 juin 19 cents et des poussières.
– Je nais ce jour-là, j’ai décidé.
J’ai grandi en pleine Trente Glo-rieuses, (rieuses, de temps à autre) dans une petite niche d’avantages (désolé !), frappé par la Boulimie de Consommation, le sexe à gogos, l’obsolescence en tout genre et j’ai bouffé, bouffé et rigolé, pleuré dans l’ébriété de ces folles années.
Message :
Si je pousse le raisonnement jusqu’au bout, moi petit boomeur dilapideur sans remords, j’ai choisi de naître dans cette période faste et destructrice, en petit égoïste bien conscient que ses enfants en baveraient à cause de son insouciance coupable. Je l’ai fait exprés, là ! Rien que pour vous narguer.
Et si je vais jusqu’au bout du bout, au fin fond du ridicule, je dirai : vous avez fait exprés de naître à la fin du cycle, quand tout foutait le camp, juste pour me montrer du doigt et me lancer : – Il faut un bouc émissaire, ce sera toi ! Tu n’avais qu’à naître en d’autres temps. L’avenir nous donne le dernier mot. Nous décidons que tu es coupable pour avoir dévoré nos lendemains avant la fin du chant.
Votre façon de voir ne tient pas la route. Je n’ai rien choisi, rien, j’ai flirté avec l’air du temps, dénoncé l’orgie consumériste au sein même de ses temples de ses messes, ses prêtres et ses évêques. J’ai braillé : Club de Rome, Club de Rome ! Réfléchi avec Dumont-l’écolo mais les joueurs de flûte du moment ont charmé la troupe jusqu’au bord du gouffre. On est devant.
Faudrait lever les yeux, regarder plus loin que le cul de son voisin, ne plus le pousser sans rien voir
jusqu’à ce qu’il tombe dedans. Faire le mouton noir au lieu de s’entre-déchirer.
Antithèse :
Boum, boum, ça fait boum, baby-boum et re-boum-papy-boum ! Putain de vieux, ça parle toujours d’un temps qui reviendra pas. Putain de vieux, tu oses dégoûtant, tu oses ?! T’as tout bouffé, t’as tout raflé, t’as tout baffré et moi, le jeune, je jeûne et je déguste. Je ramasse les miettes d’un monde émondé ! Le vieux a bu et le jeune trinque. Les bouts qui restent m’appartiennent maintenant, dé, dégage, ringard, dégage avant que je commette l’irréparable.
Vous, tous les vieux résidents du monde d’avant, vous vieux du vent ! Putain de vieux, avec ses leçons à trois balles qu’il déballe du soir au matin, remballe, et ça fait l’étonné et ça bave sur le jeune, le vieux, oui, ça salive naturellement. À la grande lessive ! Faites tourner les tambours !
Roulez, roulez le vieux dans sa salive.
Sa peau se débine par toutes les béances de son pantalon, elle retombe en plis, double plis voire triple, elle se plie, elle se replie, se déplie, retombe sur ses hanches en accordéon. Sa peau sent le sapin et c’est super.
Putain de vieux, je ne sais pas comment mais ça se reproduit, sûr, aussi vite que les rats ces scélérats. Et quand la corona est là, on ferme la boutique à double tour pour eux, c’est pas sérieux !
Et moi jeune je jeûne, je le rabâche, je bouffe les restes, le trognon d’un monde usé jusqu’à la corne.
Vous vieux, vous nous laissez la faim entre les dents et la fin du monde sur les bras. On aurait bien voulu en profiter à plein, croquer dans la terre goulûment, on ne pourra pas, non,
il ne nous restera que la promesse de lendemains trop vilains, la rigueur d’une fade résilience, des guerres de migrations, des épidémies, pan ! Pandémie.
Dame Nature se fâche, elle en a plein le dos des vieux…vieux poux tout glaireux, bouh!
Circulez, circulez, y a plus rien à voir, plus rien à avoir, on va fermer l’humanité.
Et fermer pour fermer, on claquera le couvercle de vos cercueils, on prendra pas le deuil mais ça me soulagera moi, moi le djeuns, qui vais me ramasser le changement de climat en pleine poire.
Putain de vieux, tu t’es saoulé jusqu’au coma éthylique, coma idyllique, j’ai envie d’ajouter. En vie, envie de viande, envie de biftons, envie, vie de profit, de profiter mon vieux, putain de vieux !
Putain de vieux, t’es mon père, t’es ma mère et j’en crève !!
Synthèse :
Allez vieux, je t’en veux pas, tout ça c’est pour rire mais c’est pas pour dire, t’en as fait du dégât l’ignorant débile.
Viens on va bouffer chez les Gafam, ils ont du pain sur la planche. Mon vieux, l’avenir est dans le Trans. On migrera sur Mars et tant pis pour le citoyen lambda , il mourra sûrement sur place. Nous, demain on quitte la place.
« Et l’on sera fécond, l’on croîtra, l’on se multipliera, remplira le monde, on l’assujettira, le dominera... ». Comme disait… disait qui déjà ?
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