Août 2014 (1/3)

6 minutes de lecture

Ma dernière journée avec les enfants est éprouvante émotionnellement, tous sont tristes que la fin soit déjà là et je dois en consoler plus d’un, leur promettant de les retrouver l'année prochaine.

Cette journée d’au-revoirs se passe à la halle des sports à Anduze. Nous aménageons une petite scène sonorisée pour ceux qui ont souhaité présenter leur travail, la salle est décorée avec les dessins des plus petits et tous les travaux qu’ils ont réalisés au cours du mois, avec leurs animateurs.

Je suis heureux de retrouver tous les enfants et leurs animateurs réunis pour préparer la petite fête, partager ce genre de moment est ce qui me donne le plus envie de poursuivre dans l’enseignement et justifie pleinement mon choix.

L'après-midi avec les parents est parfaite, ils sont ravis de voir le travail réalisé par leurs petits et me le font savoir, les plus grands qui avaient choisi de présenter leur travail sur scène assurent comme des chefs devant les regards fiers des familles.

Clems et Nico viennent eux aussi me rendre visite et me dire au revoir, puisque je dois prendre mon train très tôt le lendemain. J’ai même droit à quelques petits cadeaux avant de quitter tout le monde en m’excusant, mais je dois faire un dernier point sur mes bagages avant de me coucher tôt après un dernier appel impatient à Amy.

Samedi 2 Août 2014, 16h06 heure locale, je pose enfin le pied sur le sol des Etats-Unis après les contrôles réglementaires, le soleil brille, l’air est chaud, la foule dense et malgré l’angoisse je suis heureux. Amy qui vient de me sauter dans les bras ne peut s'empêcher de pleurer entre deux baisers, blottie contre moi.

- Sweetie? Are you okay?

- Oui… C’est juste… C’était trop long, trop dur, depuis la mort de Granny, tu m’as vraiment manqué…

- Honey, rassure moi…

- Oui mon coeur?

- Tu as gardé quelques kilos de côté pour me regarnir tout ça?

- You're stupid Juss!

- Oui, je sais, mais ça marche, tu souries au moins…

- Thanks…

- J’aime bien… T’as l’air vraiment en forme en tout cas, je suis ravi que tu joues le jeu et que tu prennes notre road-trip au sérieux.

- C’est gentil, allez on y va, mes parents vont s'impatienter.

- Il sont avec toi?

- Non, ils sont restés à Highland Falls.

Ici, tout est démesuré, l’aéroport, les buildings, les autoroutes, les voitures, je ne sais où poser mes yeux tellement tout est différent de chez moi, de ma petite campagne. Nous traversons, dans l’énorme pick-up familial, le Queens, l’île de Manhattan, le pont George Washington, longeons l’Hudson, j’en profite pour envoyer un message à mes parents et Clémence avec quelques photos. Peu de temps après l’entrée dans le Harriman State Park, le décalage horaire à raison de moi une première fois.

Je ne me réveille que quelques centaines de mètres avant qu’Amy n’engage l'immense voiture dans l’allée d’une maison gigantesque devant laquelle m’attendent en rang serré une demi-douzaine de personnes.

- Oh fuck!!!

- AMY!!!

- Sorry… Look at them, it looks like they're expecting the Pope's visit. (Regardez-les, on dirait qu’ils attendent la visite du pape.)

- It's okay Sweetie, I look like a zombie, but it makes me so happy to meet them, and I'm sure now that it's mutual. (C'est bon Sweetie, j'ai l'air d'un zombie, mais ça me fait tellement plaisir de les rencontrer, et je suis sûr maintenant que c'est réciproque. )

Nous descendons de voiture et, main dans la main, allons à leur rencontre, je reconnais immédiatement chacun des visages grâce aux photos qu’Amy nous montre constamment.

- Family, this is Justin. Justin, my family. So this is…

- Wait, let me do it. Mary, Teddy, Willy, Charlie and Joe, and GrandPa’ Eddy? Am I good?

- Very well!!! You rock Darling!!!

- I’m very happy to meet you.

- We’re happy to.

Je m’empresse d’aller les saluer chaleureusement, en commençant par Mary, le modèle réduit et blond de sa grande sœur, du haut de ses quatorze ans, tatouages et piercings en moins, qui vient immédiatement me serrer dans ses bras et m’embrasser trois fois, comme c’est la tradition chez moi.

Ted, l'aîné de la fratrie avec ses vingt et un ans, me serre franchement la main en me regardant droit dans les yeux, je sens qu’il essaye de m’impressionner mais le sourire qu’il affiche après que je réponde à sa poigne virile et son regard, me laissent penser que j’ai réussi le premier test, physiquement il me dépasse d’une bonne tête et ses larges épaules montrent qu’il est plutôt sportif, à l’inverse de son petit frère.

Willy est le plus frêle des quatres enfants, à dix sept ans je sais qu’il est plutôt branché ordinateurs que terrain de sport, pourtant sa poignée de main est sèche, virile elle aussi, il doit bien cacher son petit jeu derrière son regard franc. En le voyant je me doute qu’il a dû se faire bousculer un peu à l'école, mais avec l’intervention de ses deux sœurs, au caractère bien trempé, ça n’a pas dû se reproduire souvent.

Quand je regarde Charlie, je comprend immédiatement d’où les deux filles tiennent leur charme, les cheveux raides d’un noir de jais, des yeux d’un bleu sublime, sombre et brillant à la fois, à l’instar de sa fille, elle viens m’embrasser à trois reprises avant de poser sur moi un regard tendre.

Je crois que c’est Joe qui incarne le mieux le mythe du père protecteur avec ses filles, une armoire à glace, professeur de sport, coach de l’équipe de football de l’université, pourtant son regard laisse transparaître une grande sympathie et son sourire me montre qu’il m’apprécie, certainement parce que je rends sa grande fille heureuse.

GrandPa’... Le père de Charlie m’a immédiatement mis à l'aise et surtout provoqué un fou rire général, “I may pass for an old gay but I send you your three kisses! Tradition above all!!!”... ("Je risque de passer pour un vieux gay mais je vais te faire tes trois bises ! La tradition avant tout ! !!"...) J’ai accepté avec plaisir, tout en lui glissant quelques mots de réconfort suite au drame qu’il venait de vivre. Son regard a suffit comme réponse, le même que sa fille et ses petites filles, profond, sincère et magnifiquement marine.

Nous visitons l’immense maison et je comprends beaucoup mieux pourquoi Amy se sent à l'étroit en Avignon, le salon doit faire la taille du garage de mes parents, la cuisine deux fois la taille de mon studio, salle de bain et garage compris, la salle à manger est impressionnante, à l’étage, six chambres, trois salles de bains avec toilettes et baignoires, au second, une salle de jeux et un bureau. GrandPa’ vit seul, maintenant, dans un petit appartement, mitoyen au garage dans lequel pouvaient entrer quatre voitures, en plus des vélos, de la moto de Ted et des machines de musculation que se partageaient père et fils.

- Sweetie, it’s so huge. It’s… Wahou… I'm impressed… (Sweetie, c'est tellement énorme. C'est... Wahou... Je suis très impressionné…)

- It's USA baby!!! Want to get some sleep? (C'est les USA, bébé ! !! Tu veux faire un petit somme ?)

- Only with you… (Seulement avec toi... )

- Obviously! (Évidemment !)

- Let me take my bags in the car. (Laisse-moi prendre mes bagages dans la voiture.)

- Do you need some help? (Tu as besoin d'aide ?)

- Gladly. (Volontiers.)

Je ne prends même pas le temps de vider ma valise, je m'écroule sur le grand lit qui m’accueille avec douceur, accompagné par deux bras qui m’étreignent et une bouche gourmande qui vient me dévorer.

J’ai du mal à me rendre compte que je suis à plusieurs millier de kilomètres de chez moi, qu’une immense étendue d’eau me sépare de ma famille et de mes amis, que cette démesure qui m’oppresse est bien réelle.

- Sweetheart?

C’est une douce secousse qui me tire de mes songes.

- Eh?... Sweetie?...

- Oui, c’est moi…

- Pourquoi?

- On va passer à table, tu viens?

- Oui, j’arrive… Laisse-moi juste le temps de reprendre mes esprits…

Pour toute réponse, elle vient poser ses mains sur mes joues, coller ses lèvres sur les miennes et mélanger sa langue à la mienne

- Comme ça?

- Sweetie!!! Là tu m’embrouille l’esprit plus qu’autre chose.

Je quitte à regret le nid douillet, pour passer à la salle de bains des filles me redonner une apparence acceptable avant ce premier repas de famille. Un bon coup de brosse, un petit chignon sur le dessus du crâne, un peu d’eau sur le visage et je suis présentable pour rejoindre la famille dans la salle à manger.

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