Juillet 2015 (1/2)

8 minutes de lecture

Voilà, c’est la fin…

Mercredi 1er Juillet 2015, les au-revoirs sur le quai de la gare avec les copains de la fac ont été un supplice pour Amy et nous passons le trajet en train jusqu'à l’aéroport blottis l’un contre l’autre dans le silence de nos sanglots entrecoupés de baisers tendres.

Nous sommes au milieu de l’aérogare de Charles de Gaulle et cette toute dernière étreinte, ce tout dernier baiser, signent le point final de notre histoire. Je suis effondré, Amy ne semble pas mieux que moi, pourtant, depuis plusieurs semaines, le deal était devenu clair entre nous. Son pays, sa famille lui manquaient beaucoup trop, elle ne se voyait pas rester ici, loin d’eux. Je n’ai pas encore fini mes études, vivre loin de mes racines, de mes parents et de Clémence me semble impossible, après tout ce que j’ai vécu et quelque part, j’ai toujours un infime espoir de retrouver Caro.

Nous avons pourtant profité à fond de cette dernière année de fac, partageant mon studio, visitant la région, passant un maximum de temps ensemble en Avignon ou à Lézan.

La fin à beau être actée depuis longtemps, la souffrance est monumentale. Bien sûr qu’avec ma licence j’aurais pu enseigner le français aux Etats-Unis, bien sûr qu’elle aurait pu rester en France pour poursuivre sa scolarité ou enseigner l’anglais. Mais nos vies ne sont plus compatibles, nos projets diffèrent, nos avenirs sont tracés dans nos têtes et ils ne collent pas ensemble. Alors, plutôt que de laisser l’un de nous malheureux, loin des siens, nous avons décidé de nous arrêter là, j’ai déjà vécu une relation à distance, même courte, je ne veux pas recommencer et surtout ne pas l’imposer à Amy, j’ai compris la leçon!

- Sweetie… On se l’est déjà dit des dizaines de fois, mais je vois pas quoi te dire d’autre, alors merci, merci de m’avoir réparé, de m’avoir guéri, merci de m’avoir aimé, merci pour tous ces moments passés avec toi. On savait que ça finirait comme ça et pourtant, on a eu le courage de continuer jusqu’à la fin.

Tu sais je me dis que le hasard n'existe pas… On dit qu'on rencontre des personnes pour une des deux raisons essentielles: c'est une leçon ou c'est une bénédiction. Pour moi, tu as été les deux.

- Darling… All these months spent with you... I will never be able to forget them... You have illuminated my life during all these days, I had a wonderful time with you. If you only knew... How upset you have me. From the first smile exchanged. Even my heart broke. (Chéri... Tous ces mois passés avec toi... Je ne pourrai jamais les oublier... Tu as illuminé ma vie pendant toutes ces journées, j'ai passé de merveilleux moments avec toi. Si tu savais... À quel point tu m'as bouleversé. Dès le premier sourire échangé. J'ai le cœur brisé.)

- Amy… Ca m'est complètement égal que tu partes… Mais laisse-moi au-moins ton rire. Et puis ton sourire. Tes yeux, histoire de… Et puis tes mains, disons qu'j'les aime bien. Laisse-moi ton parfum aussi, il y en a d'autres, là où tu vas. Laisse-moi aussi le son de ta voix, autre part que dans mes souvenirs. Ca m'est complètement égal que tu partes... Mais reste.

- Juss, tu sais très bien que je ne peux pas rester, j’ai besoin de retrouver ma famille, mon pays, tout comme toi. On était d’accord la-dessus…

- Je sais, mais c'est trop dur…

- Non, c’est pas dur, c’est juste que tu as peur…

- C’est vrai, peur de ne pas arriver à me relever une nouvelle fois, peur de ne pas arriver à trouver quelqu’un qui me corresponde aussi bien que toi…

- Je comprends que tu aies peur de tout recommencer. Mais réalise que cette fois tu recommences avec de nouvelles connaissances et de l’expérience. Tout va bien se passer. De belles choses arrivent. Crois en toi. Puis t’es pas tout seul Darling, t’as encore les filles, David, Clémence surtout…

- Et toi t’as plus personne…

- Si, j’ai ma famille…

- Good luck. Good road. I will never forget you, and if ever, by the greatest chance, you change your mind, or if you go back to France, give me a sign… Aurevoir Amy Sweetie… (Bonne chance. Bonne route. Je ne t'oublierai jamais, et si jamais, par le plus grand des hasards, tu changes d'avis, ou si tu reviens en France, fais-moi un signe...)

- J’y compte bien… Au revoir Darling… Je t’aime…

L’annonce du début de l’embarquement annonce la fin de ce moment, de notre histoire d’amour, de ces vingt mois d’une relation aussi épanouissante qu’inattendue.

Nous nous embrassons une dernière fois avant qu’elle ne passe les contrôles réglementaires.

A peine m’a-t-elle quitté que je sens toutes mes forces me fuir. Je m’installe sur un siège, face à la piste, attendant que son avion quitte le point d’embarquement, se dirige vers la piste et qu’il ne prenne son envol, emportant avec lui un morceau de mon cœur. Je laisse les larmes couler de longues minutes, ici, assis au milieu de tous ces inconnus, scrutant avec désespoir l’horizon où a disparu son avion.

La douleur est terrible, assommante, mais je trouve quand même au fond de moi la force de me relever pour rejoindre le quai de la gare. Le retour est un véritable chemin de croix, je passe plus d’une heure au téléphone avec Clémence qui fait tout son possible pour me réconforter.

Si elle savait seulement, en ce moment, à quel point sa présence me manque, comme j’aimerai qu’elle soit ici, à mes côtés, qu’elle me serre dans ses bras, sentir sa main dans mes cheveux et entendre le doux murmure de sa voix au creux de mon oreille.

Sur le quai de la gare d’Avignon, mes amis m’attendent, immédiatement Caro et Claire se précipitent pour me prendre dans leurs bras avant que je ne m’écroule, mais nos larmes sont salvatrices. Je me rends compte que je ne suis pas le seul à souffrir de ce départ et je leur suis reconnaissant de partager ça avec moi.

C’est ensuite David qui prend le relais, à peine rentrés chez moi, il me balance mes baskets à la figure.

- Enfile ça, on va aller transpirer un peu. Tu verras comme ça fait du bien!

- T’es sur de toi?

- T’as une autre idée? Tu préfères rester ici à te morfondre?

- T’as raison, ça ne peut pas me faire de mal. Vous restez là les filles?

- Ouais… On risque pas de vous accompagner, ça, tu peux en être sûr…

Nous partons faire le tour de l'île de la Motte, le long des berges du Rhône, nous discutons du départ d’Amy et je dois dire que mettre des mots sur ma douleur m’aide à l'apaiser un peu.

Nous terminons la séance par une course au sprint jusqu’à la voiture, à laquelle nous arrivons quasiment en même temps, à bout de souffle, mais finir cette sortie de cette façon me soulage, je n’ai, pour le moment, plus la force d’être triste.

Nous passons, tous les quatre, la soirée au Red Sky, comme très souvent, et je me remémore celle passée ici avec Amy pour Halloween, qui avait en quelque sorte, marqué le début de notre relation, le retour chez moi, main dans la main, la nuit passée sur mon lit à discuter, ce premier baiser, si doux, si tendre, notre premier réveil côte à côte… Les larmes roulent de nouveau silencieusement sur mes joues, je me lève soudain et quitte la terrasse surprenant tout le monde.

- Juss!!!

- Laissez-moi tranquille!!!

- Où tu va?

- Laisse-moi je t’ai dit!!!

- Justin!!! Reviens…

- Caro, laisse-le… Il a besoin d'être seul, il a besoin de temps pour digérer, faire son deuil…

Soudain, le monde extérieur n’existe plus, plus rien n’a d’importance maintenant. J’avais espéré tout au long de ma relation avec Amy qu’elle pourrait changer d’avis. J’ai tout fait pour qu’elle ait envie de rester, parce que je savais que cette séparation me ferait souffrir, une nouvelle fois. A croire que j’aime ça, que j’aime ces séparations douloureuses, que j’aime me faire du mal. Mais j’en ai marre de tout ça, marre de toujours espérer et de toujours être déçu à la fin. J’erre au gré des rues peuplées de touristes pour me retrouver rapidement au bord du Rhône, je longe le fleuve sur quelques centaines de mètres avant de m’asseoir sur un carré de pelouse un peu à l'écart.

“Well arrived home, I miss you... But it's better this way… Everyone kiss you”

"Bien arrivée chez moi, tu me manques... Mais c'est mieux ainsi... Tout le monde t'embrasse"

“ Okay, maybe you're right… Good luck for the future…”

" D'accord, tu as peut-être raison... Bonne chance pour l'avenir..."

Je sais qu’elle a raison, c’est mieux ainsi… Pourtant, je ne suis pas encore sûr d’arriver à accepter ce nouvel échec, d’arriver à passer au-dessus de cette tristesse qui me serre le cœur et d’arriver à me relever une nouvelle fois.

- Allo?

- Juss, t’es où?

- Bonsoir Clémence…

- T’es où espèce d’abruti?

- Ben, en Avignon…

- Je le sais bien… Mais t’es où là? Tout le monde te cherche…

- Qu’est ce qui est difficile à comprendre quand je demande qu’on me laisse tranquille?

- Rien… Mais ils s’inquiètent, il parait que tu t’es barré comme ça, d’un coup, en pleurant…

- Je vois pas ce qu’il y a d’inquiétant…

- Ce que tu as fait il y a quelques années peut-être…

- J’ai juste besoin d’être seul, au calme, pour classer les souvenirs de ces derniers mois et les ranger bien au fond de ma tête, dans un coin où je suis sûr qu’ils resteront bien enfouis.

- D’accord, mais t’es où?

- Au bord du Rhône…

- Fais pas de conneries Justin!!!

- Facile à dire…

- Je t’en supplie Juss…

- Clems… Merci de t’inquiéter, mais…

- T’as besoin d’être seul… J’ai compris… Mais… Ne fais pas le con, je crois qu’Amy s’en remettrait pas… Et nous non plus…

- Je sais pas quoi faire…

- Serre les dents, appuie-toi sur nous autant que tu en as besoin, avec le temps ça passera… Je préviens juste Claire…

- Merci Soeurette…

- De rien… Je suis désolée de ne pas être près de toi…

- T’en a assez fait comme ça…

- A bientôt frérot… Soit fort… Si t’as besoin, n’hésite pas à appeler, Nico n'est pas là cette nuit…

- Merci, à bientôt petite sœur… A la vie, à la mort…

- A la vie, à la mort…

Entendre sa voix au téléphone me remonte un peu le moral, je sais qu’elle a raison, que c’est juste un mauvais moment à passer, que je dois lutter contre les pensées suicidaires qui essaient de reprendre le dessus, que je n’ai pas le droit de les abandonner de cette façon.

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