Juillet 2015 (2/2)

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“Et je sais que je ne t'oublierai pas. Je t'aimerais sûrement différemment. Je ne penserais pas à toi tous les jours, mais je sais que parfois ça sera ton visage, tes yeux, la douceur de ta peau, toi, qui manqueront un peu à ma vie. A mon bonheur.”

Après un long moment d’errance, de questionnement et de doutes, il est presque trois heures du matin lorsque je passe la porte de mon petit studio pour essayer d’aller dormir un peu.

- Hey Juss! T’es enfin là!!!

- Coucou les copines… Vous m’attendiez?

- Hors de question de rentrer chez nous sans savoir que t’étais bien rentré!

- Et Dav?

- Il est parti se coucher chez lui… Comment tu vas?

- Un petit peu mieux, merci… Je suis désolé les filles, mais je suis crevé… J’ai besoin de dormir… Vous restez là cette nuit?

- Je crois que c'est mieux… Tu veux une petite place?

- Entre vous deux? Avec plaisir.

- Et demain… Enfin toute à l'heure, on t’aide à boucler tes valises et on t’accompagne dans ton nouveau chez-toi…

- Merci… Bonne nuit…

Je les embrasse bruyamment sur les joues et m’affale entre elles, terrassé par la fatigue, la tristesse et la douleur, mais les savoir à mes côtés me réconforte.

Dès demain, je prendrai mes quartiers près d’Aix en Provence pour deux ans, à l'ESPE pour mon master MEEF, nous serons séparés, mais je sais pouvoir compter sur tous pour nous retrouver dès que possible.

J’ai choisi, dès l’annonce de la décision définitive d’Amy, de quitter Avignon et mon studio pour fuir tous ces lieux que nous avons fréquenté ensemble, de m’éloigner de tous ces souvenirs qui me rappellent beaucoup trop le bonheur des mois passés ici en sa compagnie.

J’aurais pu choisir Montpellier, mais Clémence, ayant trouvé un poste aux urgences du CHU, diplôme d’infirmière en poche, était restée sur place et avait emménagé avec Nico et si je veux rebondir je dois le faire loin d’elle, loin d’eux. Nîmes aurait pu être un bon compromis, proche de chez moi, de mes amis en Avignon et de Montpellier, mais j’y avais passé beaucoup trop de temps avec Clems et Amy à visiter les Arènes, la Maison Carrée, les Jardins de la Fontaine. Alors après Avignon, Aix me semble un bon point de chute, dans la longue liste des villes Provençales d’art et d’histoires .

Le lendemain, les filles effectuent un aller-retour chez elles pour aller se changer et récupérer quelques cartons vides supplémentaires. Je prends le temps d’une longue douche, puis me pose devant un café et le cadre photo de Clémence, dans lequel j’ai glissé une photo d’Amy et moi, une de celles de notre première soirée d’Halloween, pour réfléchir quelques minutes.

Je me demande toujours ce que j’ai pu faire de mal et surtout à qui, pour être puni une troisième fois de la sorte. J’ai toujours essayé de faire de mon mieux pour qu’elles soient heureuses avec moi, parce que les voir ainsi faisait à mon bonheur, mais ça n’a pas suffit à les retenir près de moi.

C’est vrai que pour Amy, je connaissais déjà le dénouement, même si j'avais espéré qu’elle change d’avis jusqu'à la dernière minute, qu’avec Clems, si j’avais pas foiré mon bac, ça aurait pu continuer, seul l’avenir avec Caroline demeure pour moi un mystère, parce que je n’ai jamais eu d’explications sur son départ précipité, je crois que c’est ce qui me gène le plus et la principale raison pour laquelle je n’ai pas encore totalement fait le deuil de notre histoire...

Ma nuit a été courte, la lutte contre cet abattement est épuisante, mais lorsque j’aurai quitté les lieux, je garde espoir de rapidement remonter la pente.

Les filles sont super efficaces et en moins de trois heures mes quelques affaires et provisions restantes sont emballées et chargées dans nos trois voitures avec le coup de main de David.

- C’est bon Justin?

- Allez-y, j’arrive… J’ai juste besoin de quelques secondes…

Mon regard embrasse la petite pièce à vivre, vide, j’y revois Clémence sortant de la salle de bain enroulée dans sa serviette au petit matin, mon tas de bouquins et de cahiers qui m’attendaient sur la table quand je rentrais de mes séances de sport, Amy, allongée nue sur mon lit, je repense à ce premier repas de fêtes et à notre première nuit d’amour. J’ai tout juste le temps d’essuyer mes larmes lorsque j’entends des pas approcher.

- Ah Justin, vous êtes là… Je vois que vous n’avez pas perdu de temps…

- Bonjour Mr Boissier, j’avais pas trop envie de m’éterniser.

- Je vous comprends. Un nouveau départ dans une nouvelle ville, ça vous fera du bien… Puis Aix est aussi une ville agréable, au moins autant qu’Avignon.

- Je vous rends les clefs, tout est en ordre, si vous voulez vérifier les placards et l’état du studio, le garage. Au fait, j’y ai laissé mon vélo, j’en ai plus besoin maintenant, il pourra servir a quelqu’un……

- Merci, je sais que je peux vous faire confiance, je ne vais pas repasser derrière vous… Bonne continuation, et bon courage Justin.

- Merci Mr Boissier… Au revoir.

Je file sans me retourner en fermant la porte du studio sur trois années de souvenirs, lance les clés de ma voiture à Claire et lui laisse le volant, je ne me sens pas en état de conduire. Dav et Caro nous filent le train pour le trajet, ma pilote tente de faire la conversation, mais je crois que rien ne peut me faire desserrer la mâchoire pour le moment, sauf peut-être le retour d'Amy, les cigarettes que je fume pour essayer de me détendre ou une visite inattendue de Clémence.

- Je suis désolé Claire, c’est pas super joyeux comme trajet…

- Je te comprends Juss, ça doit pas être simple à gérer pour toi, mais regarde au final: Caroline, t’en a chié, t’as failli y rester trois fois, mais tu t’es relevé; Clémence, t’es arrivé à t'en remettre, grâce à nous, à Amy, vous êtes même restés amis malgré la distance et vos vies. Alors je vois pas pourquoi ce serait différent cette fois…

- Parce que je suis fatigué… Parce que j'en ai marre et parce que j’ai peur de recommencer et de me ramasser encore une fois… Parce que je vais me retrouver seul, loin de vous, loin de Clémence, très loin d’Amy…

- Tu sais ce que je me dis souvent dans ces moments-là, où tout va de travers, où t’as l’impression que rien ne te soulage? Je me dis que les épreuves sont douloureuses, mais nécessaires. Parce que nous en sortons plus forts. Parce qu'après elles, nous serons plus avisées. Parce qu'après elles, nous irons mieux et ferons mieux.

- Mouais… Faut voir…

- Arrête de dramatiser Juss… Tu prends un nouveau départ et je suis presque sûre que tu vas rapidement trouver une nouvelle fille à rendre heureuse…

- J’aimerais que tu aies raison…

- Bon explique-moi où on va là, parce que je suis paumée…

Je retrouve dans ces quelques phrases réconfortantes toute la positivité de Claire, cet optimisme qu’elle affiche en toutes circonstances.

Nous traversons le village des Milles, passons devant le Mémorial du Camp puis longeons l’aérodrome, pour arriver au bout du chemin où je retrouve ma propriétaire.

Julie est la nièce d’un voisin de mes parents, nous nous sommes connus il y a longtemps, quand, plus jeune, elle venait passer les vacances d’été à Lézan et je garde un très bon souvenir d’elle. Aussi, quand je l’ai contactée pour avoir quelques infos sur le coin et savoir si elle n’avait pas des contacts pour un logement à louer, elle m’a immédiatement proposé celui qu’ils venaient d’installer avec son compagnon, dans un coin de leur terrain. Quatre conteneurs maritimes accolés et empilés sur deux niveaux, presque soixante mètres carrés, plus du double de mon studio Avignonnais: une vraie chambre, spacieuse et lumineuse, des rangements, une vraie cuisine, une salle de bain avec baignoire, une petite terrasse extérieure ombragée, un bardage en bois pour l’isolation extérieure et l’esthétique…

Le tout en pleine nature et à vingt minutes en voiture de l’école, ou trente en bus, un luxe absolu pour moi, si je prends en compte l'immense piscine avec filtration naturelle qu’ils me laissent à disposition.

- Salut Julie.

- Justin? Ah ben merde alors!!! Je t’aurai pas reconnu!!!

- Ouais, j’ai un peu changé…

- Un peu? T’as surtout l’air au trente sixième dessous…

- Je t’expliquerai… Je te présente mes amis, enfin ceux de la fac, Claire, Caro et coach David.

- Bonjour. En tout cas je suis contente de t’accueillir, Manu arrivera plus tard après le boulot. Viens je te fais visiter ton petit coin de paradis.

- On te suit.

- Tu vois, depuis les dernières photos, l’herbe a poussé, on a planté une haie, comme ça t’es tranquille dans ton coin, et couvert la terrasse pour l’été. L'intérieur, tu connais déjà, la pièce de vie avec la cuisine ouverte et équipée, le poêle à granulés pour l’hiver dans le coin, là t’as les toilettes et en haut, la salle de bains, un dressing, le bureau et la chambre. On a mis quatre panneaux solaires sur le toit, pour économiser l’électricité.

- Whaou, c’est super chaleureux, lumineux, ça va te changer de ton placard à balais…

- N’empêche que vous y étiez bien dans mon placard à balais, non?

- C’était… Intimiste… Mais là… Je suis jalouse…

- Merci Julie… Dav, tu sors la glacière?

- Oh que oui!!!!

Nous nous installons sur la terrasse et trinquons à mon nouveau chez-moi en partageant une bière bien fraîche, avant de vider les trois voitures et de dispatcher les cartons dans leurs pièces respectives. Julie réapparaît rapidement avec une bonne nouvelle.

- Vous restez tous ce soir? Manu ramène de quoi faire un barbecue…

- On avait prévu d’aller boire quelques verres sur le Cours Mirabeau pour passer la soirée, Justin a besoin de se changer les idées…

- Vous aurez le temps, après manger, à cette saison ça bouge tous les soirs.

Effectivement, je dois dire qu’elle avait raison. Après un barbecue gargantuesque au cours duquel nous faisons la connaissance de Manu, son compagnon, nous filons sur le Cours Mirabeau et nous nous installons à la terrasse du Four Courts, un pub qui me rappelle un peu le Red Sky en plus grand et plus fréquenté. Le groupe de musique à l'intérieur joue assez fort, et depuis la terrasse nous profitons de la musique tout en discutant tranquillement en sirotant nos pintes de bière. Le quartier est noir de monde, vivant et animé, je remarque immédiatement que beaucoup de groupes de filles prennent une verre près de nous.

Ces constats me laissent espérer que mon célibat ne durera pas longtemps, même si je n’ai pas forcément envie de nouer immédiatement une relation amoureuse, je pense pouvoir trouver un peu de compagnie pour passer de belles soirées ou de chaudes nuits quand le besoin s’en fera vraiment ressentir.

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