Août 2015 (1/4)

8 minutes de lecture

“Mon amour,

Il y a des matins où tu me manques.

Je n’ai pas honte de te le dire, la honte, c’est pour ceux qui ne sont pas fous.

En fait, ce n’est pas que le matin.

C’est le jour et la nuit et ça pourrait aller jusqu’à l’infini.

Comme c’est drôle la vie sans toi.

Ça ressemble à une soirée sans alcool. Une nuit sans baisers. A des habitudes que je ne prendrai jamais.

Mon amour, je crois que je suis triste.

J’oublie de regarder quand je traverse. Je me crois le dimanche les lundis. J’ai des airs de hors-piste un jour de tempête.

Faut dire que t’étais mieux qu’un mois de juillet.

Mieux que les fois où je t’avais imaginé.

Je t’embrasse Sweetie…

Justin”

“ Justin… That's really cute of you, I'm glad to finally hear from you. I see that you haven't lost any of your poetic pens and that makes me happy. I often miss you too… Take good care of yourself Darling… Sweet kisses. Amy Sweetie.”

" Justin... C'est très touchant de ta part, je suis contente d'avoir enfin de tes nouvelles. Je vois que tu n'as rien perdu de ta plume poétique et ça me fait plaisir. Tu me manques souvent toi aussi... Prends bien soin de toi Darling... Doux baisers. Amy Sweetie".

Mes sentiment pour elle sont toujours puissants, je ressens toujours de la tristesse quand je pense à elle, à nous, mais ça à tendance à s'estomper au fil des jours.

Il faut dire que Manu et Julie ne me laissent pas beaucoup de temps pour penser, tout comme Clémence avec qui j’ai repris les appels réguliers et qui n’allait pas tarder à venir passer quelques jours avec Nico pour découvrir la région.

Julie avait ouvert, avec deux amis, un petit cabinet de médecines alternatives: reiki, sophrologie, musicothérapie par les fréquence sonores et je fais partie de leurs premiers cobayes. Le patient idéal, il paraît, ouvert, réceptif et surtout en demande… Les séances avec l’un ou l’autre m’ont beaucoup aidé mentalement, tout comme le sport.

Manu, lui, cultive des fruits et légumes non loin de là et les vend, le matin, sur les marchés des environs. Associé avec divers producteurs, qui proposent des produits locaux, artisanaux, et frais, il participe à leur élaboration chaque après-midi. Lorsque la saison se fait plus fraîche, il entretient les jardins de particuliers, taille leurs arbres, leurs haies, nettoie leurs piscines. C’est un sacré bosseur qui ne compte pas ses heures et avec qui le courant passe plutôt bien.

Je parcours les forêts environnantes plusieurs fois par semaine, poussant jusqu’au Luberon tout proche, la Sainte-Victoire voisine, les Calanques, avec des préférence pour celles d’En-Vau et de Port-Pin, moins fréquentées. Et le soir, quand je rentre je retrouve souvent Julie au bord de la piscine.

- Alors Justin, tu m’expliques pourquoi t’as fui ton village?

- Pour mes études…

- T’aurais pu aller sur Nîmes, ou Montpellier, rester en Avignon…

- J’ai trop de souvenirs là-bas… J’avais besoin de couper les ponts avec tout ça… De changer d’air…

- Tu m’en dis plus?

- Tu lâcheras pas?

- Ne te sens pas obligé… Mais j’ai bien vu les changements, ton regard sombre quand tu es arrivé, ton air triste…

Je décide de lui raconter le premier épisode: Caroline et sa disparition…

- C’est chaud quand même…

- Grâce à Clems, que t’as déjà croisé quelques fois à Lézan, j’ai pu me relever une première fois.

- Oui je vois bien qui c’est… Vous sortiez ensemble à une période…

- Exact, ça avait duré quelques semaines… On est resté amis après. Elle m’a secoué quelques fois, soutenu pendant ma dépression, remis sur les rails et entraîné dans un voyage à vélo à travers le pays Cathare, en août 2012.

Deuxième épisode: Clems, notre voyage à vélo et notre tatouage…

- Ah oui… C’est plus que de l’amitié là…

- Elle a le même, au même endroit, c’est Amy qui nous a tatoués…

- Amy?

- Mon dernier échec sentimental en date. Une copine de promo au départ, on a commencé à traîner ensemble, avec David, Caroline, Claire et trois autres potes, un peu avant ma rupture avec Clémence. Mais avec l’échec que je venais de subir, le besoin de me reconstruire, de faire le point et Clems, que je ne voulais surtout pas brusquer, je me suis rangé quelque temps.

- C’est normal… Et très gentil de ta part…

- Clems, c’est comme ma sœur, j’ai pas voulu lui faire de mal… Avec Amy, on s’est rapproché à partir de la rentrée suivante, mais on a plongé dans le grand bain que début novembre, ça a duré plus d’un an et demi, le phénix, mes piercings, c’est elle, mais elle est repartie début Juillet, la veille de mon arrivée ici…

- Repartie?

- Elle est rentrée aux Etats-Unis, dans sa famille, avec sa licence en poche…

- Je comprends mieux… Ça n'a jamais été simple pour toi… Ça explique tes changements physiques, ton regard sombre…

- Voilà les grandes lignes… Le pourquoi de mon arrivée ici…

- Nouvelle vie, nouveau départ…

- C’est l’idée…

- Une très bonne idée!

Je passe une grande partie de mes soirées de juillet à traîner dans les bars du centre ville, à profiter de la foule joyeuse pour me changer les idées, rencontrer des gens, pour finir par passer la nuit avec une fille sans chercher autre chose que du sexe et un peu de réconfort. Je me rends compte que finalement j’aime ça, avoir à mes côtés quelqu’un qui sait que notre histoire n’aura pas de lendemain et partager ce même état d’esprit. Ne pas voir plus loin que les prochaines heures. Ne pas penser à demain. L’assumer pleinement.

Mais même ces soirées et ces nuits torrides ne me permettent pas d'avoir l’esprit libéré, j’ai besoin de me vider la tête et l’envie d’un nouveau voyage à vélo fait rapidement son chemin.

Quoi de mieux pour arriver à passer à autre chose que de partir sur les routes? Je prends donc la décision de quitter Aix pour la montagne toute proche et la découverte de cols mythiques des Alpes du Sud.

Après quelques recherches, j’ai trouvé un couple qui accepte de garder ma voiture le temps de mon voyage et de m’héberger pour deux nuits. C’est ainsi que je débarque dans les Hautes-Alpes, dans le charmant village de Saint-Crépin, un vendredi après-midi, au début du mois d'Août.

Depuis le portail ouvert, je devine un grand terrain, un magnifique chalet et une petite maisonnette à côté de laquelle je stationne ma voiture. Immédiatement je vois sortir du chalet un couple, la jeune femme semble un peu plus agée, assez grande, musclée, une longue tresse rousse, des yeux verts. Le jeune homme qui l’accompagne, sensiblement de mon âge, est aussi grand qu’elle, les cheveux brun clair et un je ne sais quoi de triste dans le fond de son regard marron.

- Bonjour, je suis Justin, vous êtes Charlène?

- Salut, c'est bien moi, je te présente Louis, mon compagnon.

- Enchanté Louis. Le coin est vraiment sympa, vous avez une super vue, c’est calme. Ça me change de la ville…

- Pour être calme, c’est calme… Et encore, on a pas mal de touristes en ce moment…

- Alors, qu’est ce qui t’as mené jusqu’ici pour ces vacances en vélo?

- Le besoin de me décharger de pas mal de choses, de me changer les idées. Je suis venu dans le coin en vacances il y a quelques années, en y repensant je me suis dis que ça pourrait être une bonne idée de le parcourir en vélo.

- T’as prévu un programme précis?

- Quelques cols comme Vars, La Bonette, Agnel, Larche… Là ou mes jambes me mèneront…

- Pas les plus simples, mais sûrement les plus beaux. On les a parcourus plusieurs fois, et ça reste de superbes souvenirs. Tu as le Galibier, l’Izoard aussi qui sont magnifiques…

- J’imagine. Demain je file vers Barcelonette, une fois là-bas je verrai bien par lequel je commence.

- On t’as fait un peu de place dans notre ancien appartement, c’est pas super luxueux mais je pense que tu y seras bien. Il nous sert de salle de musique depuis qu’on a emménagé dans le chalet.

Nous passons une bonne partie de l’après-midi à discuter sur leur terrasse, la vue sur les montagnes est féérique, le paysage me laisse rêveur, le calme est apaisant. Ils me racontent un peu leur histoire, leur rencontre alors que Louis venait de vivre un drame, sa résurrection aux côtés de Charlène et de son père, leur trois années de vie à Aix, et leur retour ici.

- Vous avez vécu à Aix?

- Oui, j’y ai fait mes études en fac de psycho et Loulou un BTS mesures physiques.

- Cécilia est enterrée là-bas, alors on y passe de temps en temps. Ma famille vit à une trentaine de kilomètres. Et toi, tu connais?

- Très peu, j’y ai emménagé il y a un mois à peine, enfin, dans le village des Milles, juste à côté, je rentre à l'ESPE pour être instituteur. Je serai en stage à l'école primaire de Cuques.

- Cuques, c’est juste à côté de chez Hélène, la maman de Cess, et l’ESPE deux cent mètres en dessous de l’immeuble qu’on habitait… C’est fou toutes ces coïncidences… Mais tu viens d’où à la base?

- Des Cévennes, près d’Alès.

C’est à mon tour de leur raconter rapidement mon histoire Caro, ma descente aux enfers, mon retour à la vie, Clems et Amy, Lézan, Avignon, les potes de la fac, notre premier voyage à vélo.

Louis propose de faire un bout de chemin avec moi le lendemain, jusqu’en haut du col de Vars et immédiatement je me sens soulagé de ne pas me retrouver seul pour mon premier jour, je ne suis pas un habitué de la haute montagne et ce défi, que je me suis lancé assez inconsciemment, m’effraie un peu. Je sais aussi que la discussion va forcément s’orienter vers notre vécu, les expériences difficiles qui ont traversé nos vies, et j'imagine que celà ne peut pas me faire de mal.

Le soir, après avoir partagé un petit bœuf à la guitare et aux percus autour de quelques pizzas et bières, je quitte mes hôtes pour checker de nouveau mon matériel et être sûr de ne rien avoir oublié.

Salut les Copaings,

Après un mois pour prendre mes marques dans mon nouveau chez moi, à Aix en Provence, j’ai décidé de partir seul à l'aventure, à la découverte des Alpes du Sud. Ce soir, je suis logé par Charlène et Louis, un couple charmant, dans un petit appartement entouré par les montagnes. Il se trouve que Louis a un passé un peu similaire au mien et qu’ils ont aussi vécu trois ans à Aix.

Dès demain je me lance dans une épopée alpestre qui promet de superbes paysages et beaucoup de fatigue. Je débute, en compagnie de Louis, par le col de Vars, en direction de Barcelonnette où j'espère trouver un coin pour planter ma tente ce soir, en fonction de mon état de forme, je déciderai au réveil de mon programme de demain: Col de la Cayolle, Col de la Bonette ou repos.

Je vous embrasse fort.

Mister J

PS: Miss C., tu me manques tellement.

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