Août 2015 (2/4)
Malgré le stress du départ, les souvenirs remués tout au long de la soirée, je passe une très bonne nuit et dès l’aube, je suis sur le pont. Je rejoins Louis sur la terrasse pour un petit déjeuner gargantuesque et il me donne un aperçu du parcours de la journée, me montrant au loin la situation du col, quelques conseils de sécurité en cette saison et des adresses où m'arrêter en route si besoin.
- Tu as nos numéros de téléphone au cas où. N’hésite pas si tu as le moindre problème, la moindre question, on reste disponibles.
- C’est sympa, merci. Mais le but c’est aussi de galérer et d’essayer de m’en sortir par moi même.
- En selle?
- On est parti!
- Bonne route les gars.
Les premier kilomètres sont assez plats, nous contournons un aérodrome, traversons quelques hameaux et fermes sur un rythme plutôt tranquille, Louis ayant bien compris que le poids de mon matériel était un handicap.
- Il est magnifique ce fort, c’est impressionnant vu d’ici!
- La place forte de Mont-Dauphin, un des rares forts de la région qui a gardé son authenticité et qu’on peut visiter librement. A la différence de Briançon, il n’a quasiment pas été urbanisé.
- Je vais trouver le temps d’aller y jeter un œil avant de repartir.
L’ascension du col est assez longue, une vingtaine de kilomètres si on prend en compte les premiers pourcentages avant l’entrée dans Guillestre, mais régulière. Je suis dans le dur, j’ai du mal à trouver le bon rythme et mon souffle, malgré ma préparation physique. Le replat entre les hameaux de Saint-Marcellin, où nous prenons une longue pause, et de Sainte-Marie, me fait le plus grand bien.
- Ne te fais pas de soucis, c’est le problème avec l’altitude, plus tu monte, moins il y a d’oxygène dans l’air. J’ai eu les mêmes problèmes quand je suis arrivé dans le coin, puis l’organisme s’habitue, tu verras.
- Okay… Merci de l’info… Donc je risque d’avoir les mêmes problèmes dans les jours qui arrivent?
- Forcément… Tu dois trouver la bonne allure, ne pas te précipiter quitte à en faire un peu moins que prévu, prendre des pause dès que tu te sens essoufflé. Il faut aussi que tu te trouves quelque chose ou quelqu’un à qui te raccrocher moralement.
- Tu sais, je suis pas sûr que le souvenir de Caro, Clémence ou Amy ne soit une source de motivation… Je garde de bons souvenirs avec elles, mais nos séparations me pèsent encore et quand j’y pense, j’ai plus tendance à m’écrouler qu’autre chose.
- Pourquoi? T’as aucun bon souvenir avec aucune d’elles?
- Oh que si… Je n’ai que de bons souvenirs avec elles trois… En dehors de nos séparations…
- Alors? Raccroche toi ces souvenirs! Chouchou m’a dit une chose peu après qu’on se soit rencontrés, la première nuit qu’on a passé ici ensemble: “ Essaye de te rappeler du bonheur que tu as ressenti dans les bons moments… Concentre-toi sur le positif… Il faut que tu gardes, enfouis, au fond de toi les mauvais moments du passé… Que tu te fixes sur les bons souvenirs… Mais surtout, laisse couler les larmes quand elles viennent, ne lutte pas… ” et ça marche plutôt bien…
- Je veux bien essayer, merci Louis.
- On est encore jeunes, on a de la ressource et plein de projets, on ne doit pas se laisser abattre, continuer à avancer coûte que coûte… Chaque pas, même tout petit, compte.
- C’est beau de voir la vie comme ça… Parlant de petits pas, il nous restes quelques petits coups de pédales avant le sommet. On s’y remet?
- C’est parti!
La fin de l'ascension est un peu moins difficile une fois passé le hameau des Claux et la station de ski, la circulation est plus faible, ce qui nous permet de cheminer plus souvent côte à côte. La végétation se fait de plus en plus rare et les forêts de mélèzes laissent place aux prairies d’altitude, annonçant la fin des efforts.
- Encore merci Louis pour m’avoir tenu compagnie aujourd’hui, j’ai passé un très bon moment.
- Ça m'a fait plaisir. Je te dis à bientôt Justin, bonne route et donne nous des nouvelles tous les jours. Je suis déçu de ne pas pouvoir t’accompagner plus longtemps.
- Pas de soucis, je vous envoie un message ce soir et quelques photos tous les jours. Tu remercieras Charlène aussi et on se retrouve dans quelques jours.
- Avec plaisir. Profites-en bien et reste positif malgré tout. Le mental c’est la moitié du chemin vers la réussite.
- Encore un grand merci pour tes conseils. A bientôt.
Un peu comme lorsque trois ans auparavant, François et Marinka nous avaient quittés, j’ai le cœur serré en enfourchant mon vélo pour me lancer dans la descente, mais le courant d’air qui me fouette le visage sèche les quelques larmes de solitude qui se risquent à dévaler le long de mes joues. Je reste sur mes gardes au long de la quinzaine de kilomètres que dure la descente, ne pensant qu'à me concentrer sur la route, serrant les freins à chaque virage, cherchant le bon équilibre entre vitesse et sécurité.
Le lendemain, les jambes sont un peu lourdes pour monter jusqu’au col de la Cayolle, mais sans les sacoches que je laisse au camping, ma monture a maigri de vingt kilos ce qui n’est pas négligeable. Il ne me faut que deux heures et demie pour atteindre le sommet du jour, par la route étroite et fréquentée. Comme la veille, au fur et mesure que la route s’élève, la végétation se raréfie tout comme l’oxygène et le paysage est de plus en plus majestueux. Je m’accorde quelques pauses tout au long de l’ascension pour prendre quelques photos souvenirs des sommets qui m’entourent. A l’heure du repas, je suis au sommet du col, je m’y installe pour y prendre mon repas, un sandwich et une banane achetés au camping, et sympathiser quelques minutes avec une marmotte curieuse et peu farouche. La descente est assez périlleuse, la route est parsemée de gravillons qui rendent chaque freinage dangereux, mais je parviens malgré tout à rester sur mes deux roues.
Le lundi, je m’accorde une journée de repos actif, après avoir traîné sous ma tente, je passe le reste de la matinée à déambuler dans les rues de Barcelonnette navigant de rue en rue, de boutique en boutique et je m’offre un très bon repas au pied de la Tour d’Horloge, sorte de beffroi planté au coeur des rues et ruelles du centre ville.
- Salut Frérot!!! Alors comme ça, tu pars en vadrouille sans rien dire?
- Désolé Clems… Je suis parti quasiment sur un coup de tête… J’ai ressenti le besoin de… Je sais pas trop en fait… Juste de pédaler sans penser à rien d’autre…
- T’aurais dû m'en parler…
- Je suis désolé, mais ça aurait changé quoi? T’as Nico, tes études et pas suffisamment de temps libre pour venir passer un jour ou deux avec moi… C’est pas des reproches, juste un constat.
- Je sais, je suis désolée Juss, mais on en aurait discuté simplement au téléphone… J'aurais trouvé du temps pour toi…
- Je voulais pas te déranger… T’en as déjà assez fait pour moi… Puis j’avais que ça à foutre… Ça m'a permis de rencontrer Charlène et Louis… De découvrir de nouveaux coins…
Je lui raconte rapidement la soirée passée avec mes hôtes, leur histoire, ma journée à pédaler avec Louis. Je sens bien qu’elle est contrariée à l’autre bout du fil, mais je lui explique que j’avais vraiment besoin de me retrouver seul, sur la route, pour laisser mes larmes et mon chagrin s’effilocher tout au long des kilomètres.
- Fait attention à toi et donne moi de tes nouvelles…
- Mais oui, je t’appelle tous les soirs, promis. Gros bisous soeurette, embrasse Nico de ma part.
- Gros bisous mon Juju.
Je passe ensuite une partie de l’après-midi avec Joël, auprès de qui je découvre la fabrication de couteaux, dans sa forge. Il m’explique son métier, les différentes façons de forger une lame, comment fabriquer un manche et assembler un couteau solide et léger à la fois. La plus grande partie du métal qu’il utilise provient de matériaux de récupération qu’il glane auprès de tout un chacun, les manches sont fabriqués avec le bois qu’il ramasse dans la montagne, au gré de ses randonnées, ou de cornes d’animaux.
Cette journée de récupération se termine avec quelques courses pour le lendemain et un de mes repas préférés, une immense pizza cuite au feu de bois arrosée de bière artisanale assis devant ma tente au soleil couchant.
La journée du mardi promet d’être difficile avec l’ascension du col de la Bonette, jusqu’à la cime du même nom par la plus haute route d’Europe, plus de soixante kilomètres aller-retour et presque 1800m de dénivelé, avec une pente moyenne qui approche les sept pourcents. Un monstre si je me réfère à ce que j’ai déjà pu grimper…
Salut à tous,
Après deux jours de pédalage, je me suis offert une journée de repos bien méritée.
La montée du col de Vars avec Louis a été un super moment et une belle découverte, on a pris le temps de discuter, d’échanger sur nos expériences passées, ça fait un bien fou.
J’ai terminé cette journée par la descente vers Barcelonnette, et mon installation au camping.
Hier, j’ai découvert le col de la Cayolle, par une petite route de montagne très agréable, peu fréquentée, jusqu’à 2300 mètres d’altitude. Les paysages sont fabuleux, changeants au fil de l’ascension, j’ai été impressionné par la vue offerte au sommet.
Je vous joins quelques photos de ces deux journées magnifiques, ainsi que celle de ma journée d’aujourd’hui, avec la visite de Barcelonnette ce matin et mon après-midi dans une forge où j’ai découvert la fabrication de couteaux, le travail du métal et du bois.
Demain, je vais essayer de grimper jusqu’à la cime de la Bonnette, en espérant ne pas tomber en panne de jambes.
La bise à tous.
Mister J.
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