Août 2015 (3/4)

7 minutes de lecture

Pourtant, c’est confiant que je quitte le camping dès l'aube, ce matin, l’application de mon téléphone m’indique quatre heures aller-retour mais je compte prendre mon temps, profiter des paysages, ne pas me cramer, mais aussi terminer l’ascension aux alentours de midi.

La route jusqu’au village de Jausier est plate, large et peu fréquentée à cette heure-là, ce qui me permet de m’échauffer tranquillement sous les premiers rayons du soleil qui pointent au-dessus des sommets.

Je découvre la vallée de l’Ubaye, que je longe, au petit matin. Quelques pêcheurs, discrets, sont déjà à l'affût des nombreuses truites qui peuplent la rivière, les oiseaux chantent pour célébrer le lever de l’astre solaire et je siffle en pédalant, heureux de ce début de journée. Je sais que cette ascension sera très difficile, mais j’essaye de ne pas y penser, laissant aller chaque coup de pédale, chaque tour de roue comme il vient.

Une fois passé Jausier, où je m’accorde une première pause pour prendre un café et un croissant, j’entre dans les premiers pourcentages, essayant de trouver le bon rythme pour ne pas m’épuiser.

Contrairement au deux cols précédents, ici la pente est assez irrégulière, alternant entre séries d’épingles avec de forts pourcentages et replats, plusieurs coups de cul à plus de douze pourcents, qui ont une fâcheuse tendance à casser le rythme et les jambes.

Dès le second replat, après sept kilomètres de montée et la deuxième série de virages raides, je m’accorde une nouvelle pause près d’un chalet. La fontaine qui borde la route me permet de me rafraîchir, de remplir mes gourdes et de boire une eau froide, pure et limpide.

Je salue quelques confrères à deux roues qui passent devant moi, avant de reprendre mon chemin au sein d’un petit groupe avec qui je sympathise rapidement, mais que je ne peux pas suivre plus de quatre kilomètres.

Quatrième replat et seconde pause dans mon ascension après six nouveaux kilomètres avalés, et deux heures et demie de route. Il est dix heures, je viens de passer les deux mille mètres d’altitude, la forêt a totalement disparu et la route s’incline légèrement vers le bas pour quelques hectomètres, j’en profite pour souffler un bon coup.

Un peu plus loin, je double le fortin du Restefond, anciennes casernes militaires construites au tout début du vingtième siècle, ayant fait partie de la ligne défensive de Maginot et définitivement abandonnées en 2009, il me reste alors environ cinq kilomètres pour atteindre le sommet.

Moins d’une heure plus tard, après un dernier effort pour passer l’ultime raidard, je pose le pied à terre en dessous de la cime de la Bonnette, près de la stèle qui marque le sommet du col.

Ici, le calme règne, malgré les touristes qui parcourent le sentier pour atteindre la table d’orientation offrant une vue panoramique sur les montagnes environnantes. J’y parviens après un ultime effort en poussant ma monture sur l’étroit sentier, prenant garde de ne pas créer un accident.

Je reste de très longues minutes plongé dans ce paysage majestueux, assis sur le cadre de mon vélo, pour reprendre mon souffle tout d’abord, puis pour faire le vide, essayer d’oublier un peu la tristesse et la peine de ces dernières semaines.

J’en profite pour envoyer un message à Clems ainsi qu’à Amy.

Sweet little love… I miss you so much… I'm still having trouble mourning our love... I don't think I'll ever really get over it... Yet I'm doing everything to... New city, new life, new bike trip... But I only have one desire, to have you close to me again, to caress your warm skin again, to kiss your soft lips again, to look once again into your blue eyes…

Love you so much!!!

Justin.”

"Mon cher petit cœur... Tu me manques tellement... J'ai encore du mal à faire le deuil de notre amour... Je ne pense pas que je m'en remettrai un jour... Pourtant, je fais tout pour... Nouvelle ville, nouvelle vie, nouveau voyage à vélo... Mais je n'ai qu'un seul désir, t'avoir de nouveau près de moi, caresser de nouveau ta peau chaude, embrasser de nouveau tes lèvres douces, regarder de nouveau dans tes yeux bleus...

Je t'aime tellement !!!

“ J’aime toujours autant être réveillée par tes messages, même si ce que tu y écris me donne envie de pleurer, les photos sont magnifiques. Je suis heureuse de te savoir en road-trip, c’est signe que tu ne vas pas si mal que ça.

Tu me manques aussi Darling et je suis désolée de toute cette souffrance, je la partage n’en doute pas.

Un jour on se retrouvera et on se rendra compte que rien n’a changé entre nous, même si les sentiments ne seront plus au rendez-vous.

Prends bien soin de toi.

Je t’embrasse tendrement.

Amy Sweetie.”

“Salut soeurette, voilà ce que tu manques en préférant rester à tes études, je viens de passer la journée la plus difficile de ma vie sur le vélo et pourtant, le jeu en vaut largement la chandelle… Tu me manques tellement…

Je t’embrasse…

Ton Juju.”

“ Tu me les brises avec ces photos, j’espère que t’en a vraiment chié et que tu vas te gaufrer dans la descente!!!

J’aurais tellement aimé t’accompagner plutôt que de rester bloquée ici, c’est vraiment magnifique et la souffrance en vaut la peine.

T’es un guerrier Frérot!

Je t’embrasse.

Ta Clemsou.”

Je prends le temps de laisser mes muscles récupérer des efforts consentis, me ravitaille avec le sandwich acheté à Jausier, une banane qu’il me reste de la veille et quelques biscuits en miettes.

Le retour au camping est une formalité malgré la descente difficile et dangereuse, je reste au milieu d’un convoi de voitures, préférant la sécurité à la vitesse. Il me faut tout juste une heure pour rallier l’arrivée de la journée, profiter d’une bonne douche et sombrer pour quelques minutes de sommeil sous ma tente avant de passer un coup de fil à mes parents et donner des nouvelles de mes fans.

Salut à tous!

Grosse journée passée sur la route du col de la Bonnette, c’était intense mais ça en valait vraiment la peine, les paysages étaient somptueux, j’en ai pris plein les yeux.

Je vous invite à venir faire un tour là-haut dès que possible, même en voiture, pour découvrir le panorama.

Demain, je recharge la mule et je rejoins Louis et Charlène chez eux pour prendre le chemin du retour. Mais hors de question de me faciliter la tâche, le passage se fera par le col du Parpaillon et son fameux tunnel. Pour le coup, la moitié du trajet se fera sur des chemins de montagne, au long desquels j’espère trouver quelques véhicules tout terrain pour me tracter en cas de besoin. Ce n’est pas le but, mais après le parcours d’aujourd’hui, j’ai peur que les jambes ne suivent pas. Je retrouverai Louis de l’autre côté, au pied de la descente, pour rentrer en voiture.

Merci à tous pour vos encouragements et vos commentaires bienveillants.

A demain.

J sans C.

Le lendemain, le départ se fait sur la route et le plat pour les premiers kilomètres jusqu’à La Condamine-Châtelard, d’où j’entame l’ascension sur une route départementale qui s’élève rapidement avec trois-cent mètres à plus de dix huit pourcents pour lesquels je suis obligé de pousser mon vélo.

Je passe les six premiers kilomètres de montée avant de trouver un replat et de faire ma première pause, le ciel est couvert ce matin et je redoute la pluie en prenant de la hauteur. Malheureusement, je n’ai pas d’autre choix que de continuer à grimper si je veux retrouver mes hôtes ce soir, je devrai juste être encore plus prudent que d’habitude, surtout sur la partie descendante.

Après un petit kilomètre de plat, j’arrive sur le chemin qui doit m’emmener jusqu’au sommet, le grip est vraiment différent mais je suis soulagé de ne pas avoir équipé mon vélo de pneus route. Ceux de gravel font largement le job, même si je suis obligé d’éviter au maximum les pierres qui jonchent certaines parties de la piste. Je retrouve rapidement de bonnes sensations, tout en essayant de ne pas m’épuiser en forçant sur les pédales.

Comme les jours précédents, je chemine au milieu d’une forêt de mélèzes qui s’étiole jusqu’à environ deux mille mètres d’altitude avant de voir subitement disparaître toute trace de végétation haute. Quelques véhicules tout-terrains, auxquels je m’agrippe quelques secondes, me doublent tranquillement, ils semblent habitués à ce genre de manœuvres et je ne me sens aucunement en danger.

Après quatre heures d’ascension au sec, le sommet et l’entrée du tunnel arrivent à point nommé passée la mi-journée. Je découvre une simple arche de béton et de pierres, percée d’un trou sombre à peine assez large pour laisser passer une voiture, au milieu d’un pierrier.

Je traverse le long couloir à la lumière de ma torche frontale et des phares des voitures qui me suivent, créant un petit embouteillage, pour atteindre l’autre côté et le sommet du col.

Je casse la croûte rapidement avant de chercher un moyen de locomotion pour descendre jusqu'à ce que l’état du chemin me permette d’y rouler par mes propres moyens. Je suis déçu de devoir faire une partie de la descente à l'arrière d’un pick-up, mais par sécurité j’ai dû m'y résoudre.

J’en profite pour prévenir Louis que je continuerai plus loin que prévu sur la route et qu’il n’aura qu'à me rejoindre à la base de sport d’eau vive de St Clément, à une trentaine de kilomètres de là.

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