Novembre 2015 (1/2)

10 minutes de lecture

Après le départ de Clémence et Nico, je profite de la fin de mes vacances pour remonter deux jours à Lézan voir mes parents et laisser mon vélo pour sa grosse révision, avant de faire un grand ménage et un grand rangement. Je veux que ma maison soit propre et rangée pour ma rentrée et j’ai besoin de faire du tri dans mes affaires.

La rentrée à L'ESPE est complètement différente de ce que j’ai pu connaître jusqu’ici, même si le fonctionnement est très similaire à celui de la fac, la promo est très hétérogène, de tous âges, d’horizons différents, je me sens immédiatement à l'aise auprès de mes nouveaux camarades. Les deux années qui m’attendent promettent, une nouvelle fois, de bons moments et de belles rencontres. Rapidement nous sommes quelques uns à tisser des liens, à nous retrouver le samedi matin pour réviser et travailler nos cours, et certains soirs pour boire un verre en ville.

Me rappelant mes expériences passées douloureuses, je préfère tout de même maintenir une certaine distance, surtout avec les filles, ce qui me vaut une salve de questions, auxquelles je répond évasivement.

Parfois, je retrouve Claire, David et Caro, une toute petite heure de route nous sépare et nous essayons de nous voir au moins une fois par mois.

Je continue encore à sortir seul, certains soirs, lorsque j’ai envie de trouver une compagne pour une nuit ou un peu plus.

“Amy Sweetie,

J'pense à toi.

J'sais pas trop si j'dois te l'dire, te l'écrire… Si tu veux l'entendre ou le lire.

J'sais pas si tu veux l'savoir mais j'pense à toi et j'ai pas besoin de fermer les yeux pour ça.

J'aime pas l'avouer.

J'aime pas l'avouer parce que ça m'paraît évident.

J'pense à toi plutôt souvent, plutôt tout l'temps, plutôt longtemps.

J'pense à toi même si tu m'manques pas plus que ça.

Peut-être parce que j'voudrais juste que tu sois là.

Peut-être que tu m'manques finalement mais que j'le sais pas.

Et peut-être que c'est pour ça que tout m'fait penser à toi.

Je t’embrasse.

Justin.”

“Thank you my dear. Moi aussi je pense à toi surtout ces derniers jours, à cette soirée d’Halloween, aux jours d’attente qui ont suivi avant que tu ne te décides, qu’on ne se décide, puis à tous ce temps passé à tes côtés.

J'riais pas pour rien avec toi.

J'riais de tout....

De toute la fatigue accumulée.

De tous mes nerfs contractés.

De tous ces gens qui m'avaient soulé.

De tous les sourires un peu forcés.

Et de tout c'que j'n'avais pas pu dire de la journée.

J'aimais quand toi et moi, on semblait rire pour un rien...

Alors qu’en fait, on riait pour tout... Pour tout c'qui nous faisait du bien.

Kisses, Amy Sweetie.”

“Je déteste novembre. Je le déteste encore plus lorsque le ciel est gris et morose. Il me ramène à ton chagrin et à ton absence. Oui, c’est quand le ciel pleure que je pense le plus à toi. Il crache sa peine et son manque de toi et m'entraîne avec lui dans sa symphonie de larmes amères. Brutal contraste avec qui tu étais, toi tu étais le soleil et la joie pure, tu étais la vie. Je déteste novembre et ses différents contrastes de gris.

Justin.”

C’est lors d’une de ces soirées en solitaire que je vais faire une nouvelle rencontre.

Quelques minutes seulement que je suis là, perdu dans mes pensées outre-atlantiques, assis sur ma chaise dans un coin de la Belle-Époque, sirotant une bière en me disant qu’il serait peut être temps que je me fixe, après une énième aventure sans lendemain, lorsqu'elle passe devant moi. Grande, brune, vêtue d'une magnifique robe noire, longuement fendue, légèrement décolletée, mettant en valeur de jolies formes et laissant entrevoir la peau encore bronzée de ses cuisses, un châle rouge nonchalamment jeté sur les épaules. Je continue de la suivre du regard, elle passe devant le comptoir, lance un rapide regard autour de la salle et ressort sur la terrasse et, au moment où elle passe la porte, elle accroche mon regard de ses yeux bleu saphir.

Ce regard, son regard…

Je suis resté scotché à ma chaise plusieurs secondes avant de pouvoir esquisser le moindre mouvement.

Nouveau coup d'œil sur la terrasse et elle continue son chemin vers le trottoir et la foule.

Non ! Ne pars pas, reste !

Elle s'arrête comme si elle m'avait entendu penser ces mots… Non… Elle attrape son téléphone et semble continuer à chercher dans la foule en même temps.
Lorsqu'elle revient vers le bar, je cherche à nouveau ses yeux, et je les trouve un peu trop brillants, un peu trop humides. D'un simple sourire, en inclinant la tête, je l'invite à ma table, d'un simple geste de la main elle décline l'invitation, préférant s'installer au comptoir. Tant pis, ce sera pour une autre fois…
Je replonge donc dans mes pensées, ne pouvant quitter cette beauté des yeux, détaillant chaque centimètre de ses courbes si attirantes, me laissant emporter par des idées plus que déplacées, nous imaginant tous les deux, nus sur la plage, profitant de la douce lumière de la pleine lune pour découvrir nos corps de nos mains curieuses. Nos bouches collées en un baiser langoureux, tendre et passionné, rythmé par le bruit lancinant des vagues qui viennent mourir en s'écrasant sur le sable chaud d’un mois juillet caniculaire.

Putain, je redeviens romantique moi maintenant…

Trève de rêvasseries, finalement je retrouve dans mes poches un morceau de papier, demande un stylo au serveur et note mon numéro, je me lève, m'approche du comptoir et repasse une commande tout en lui glissant discrètement le bout de papier, j'en profite pour plonger mon regard dans le sien, prends mon verre et retourne m'installer à ma table, face à la terrasse, lui tournant le dos.

J’ai attendu un signe, espéré plus d’une heure un geste de sa part, mais en vain, et j’ai quitté le bar, seul, immédiatement après son départ tandis que quelques sanglots agitaient encore ses épaules. Ce soir-là, j’ai retrouvé ma chambre avec une lueur d’espoir au fond du cœur, je me disais que même si rien ne le laissait présager, pas le moindre petit indice, j’aurai de ses nouvelles rapidement et le pire, c’est que j’en avais vraiment envie.

- Allo Clems?

- Hey mon Juju!!! Ça roule?

- Ça va un peu mieux… Et toi?

- Au top mon pote. C’est quoi ce sourire dans ta voix?

- Rien de spécial… T’hallucine.

- Me ment pas, je te connais trop, j'ai pas besoin de te voir pour savoir.

- Je peux rien te cacher soeurette.

- Alors?

- Ben pas grand chose en fait, j’ai rencontré quelqu’un hier soir…

- Et tu te l’ai faite et t’es fier de toi?

- Pas du tout… En fait on s'est même pas parlé, j'étais posé tranquille à la B-E, comme d’hab le samedi soir et là elle est arrivée, a fait quelques aller-retours sur la terrasse puis est revenue à l'intérieur en larmes pour se poser au comptoir. A ce moment-là, je croise son regard et lui fait signe de me rejoindre, elle me fait non de la main. J’ai pas pu la lâcher des yeux, grande, enfin comme toi, brune, les cheveux ondulés, assez bien foutue, des yeux bleus.

- Pas du tout ton style quoi…

- Et c’est quoi mon style pour toi?

- Ben moi…

- Et à part la couleur des cheveux et des yeux, c'est quoi la grande différence avec toi? Bref, au bout d’un moment je craque, je retourne passer une commande au comptoir et lui glisse un papier avec mon numéro en la fixant droit dans les yeux, puis reprend ma place comme si de rien n’était en lui tournant carrément le dos.

- Le gros connard de base quoi, le mec qui te branche et va bouder dans son coin si tu l’ignore. Je t’ai connu plus insistant, plus créatif…

- J’ai pas pu insister, dès que je croisais son regard, je perdais tout mes moyens.

- Bien fait pour toi… Je te l’ai déjà dit, t’as trop joué avec les meufs…

- Enfin voilà, maintenant je suis sur qu’elle va appeler, que c’est pas fini, que je l’ai intriguée et qu’elle voudra en savoir plus.

- Ou pas… Bon je te laisse, y’a Nico qui rentre du sport, et il m’a promis une douche coquine…

- Attendez-moi, j’arrive!!!

- Tu rêves… Je partage pas mon Nico… Encore moins avec toi… Allez la bise mon chou, tiens moi au jus quand même…

- Bisous et ne vous faites pas mal…

Même si depuis la fin de notre histoire, j’ai tourné la page avec Clem, la savoir dans les bras d’un autre me serre toujours le cœur, nous sommes frère et sœur, et j’ai toujours peur que quelqu’un lui fasse du mal.

La semaine qui suit, je suis sur un petit nuage, repensant à cette soirée, impatient, sans savoir ce qu’il en adviendra… Je suis récompensé de ma patience le samedi suivant, en milieu de matinée, alors que je suis plongé dans mes cours.

Faire semblant de m'ignorer, drôle de façon de me draguer…G.

Bien, au moins, elle a gardé mon numéro, ma réponse ne se fait pas attendre :

“A première vue ça a marché, non ? J.”

J'esquisse un sourire, repensant à la façon dont j'ai abordé cette fille, sans un mot, sans une parole, juste beaucoup d'audace et à la façon dont je lui ai tourné le dos dans la foulée…

“Peut-être bien… Peut-être pas…G.”

Alors là… La demoiselle veut jouer avec mes nerfs, pas de problèmes…

“ À vous de voir jolie demoiselle, en tout cas votre regard en disait long sur votre état d’esprit. Je vous ai sentie…troublée… J.”

Après une semaine à me faire mariner, elle s’est enfin décidée à donner signe de vie et cet échange de messages me laisse songeur, elle semble très joueuse, mais je ne suis pas certain qu’elle se rende compte de la personne avec qui elle joue.

“Troublée ? Ça reste à voir…Intéressée plutôt…Curieuse je dirais… Mais il en faut bien plus pour me troubler…G.”

Bon ça commence à me plaire cette histoire.

“Je veux bien essayer tout de même, le défi semble intéressant, disons donc ce soir, même endroit, même heure, pour faire un peu mieux connaissance…J.”

“Avec plaisir, RDV ce soir à 22h à la B-E. … Bises. G.”

Là je dois gérer l’urgence, je suis pas du genre à avoir des rendez-vous avec les filles moi, depuis quelques mois, si je me sens seul, je sors dans un bar et je trouve toujours de la compagnie sur place. Mais surtout, quand je planifie un rendez-vous, j’ai déjà couché avec elle au moins une fois. Dans ce cas là je sais immédiatement vers qui me tourner: Clémence la science…

- Oui Justin…

- Salut Nico…

- Attends deux secondes, je te la passe…

- Merci…

- Putain, à deux minutes près tu me coupais en plein orgasme…

- Désolé… Mais vous étiez pas obligé de répondre…

- Évidemment, mais c’est pas moi qui ai décroché… Il se passe quoi?

- Événement de dernière minute, j’ai besoin de toi…

- Là? Tout de suite?

- Non t’inquiètes, t’as le temps de prendre ton pied avant…

- Connard…

- Juste besoin de conseils pour ce soir… J’ai rendez-vous avec ma belle inconnue… Je sais pas trop comment me saper… Comment la jouer en face d’elle…

- Comme pour les fêtes, un chino, une chemise, un pull. Sois classe, mais naturel… Reste toi-même si elle te plait vraiment, n'essaie pas de te la jouer tombeur, ou beau gosse, t’as pas besoin de ça, t’es mignon, t’es cultivé, elle va vite s’en rendre compte.

- Oui maman…

- Mais tu l’as su quand?

- Là… On vient d’échanger des messages.

- T’avais vu juste alors, j’y crois pas… Bonne chance alors…

- Merci Clemsou. A plus. Et bonne bourre!

- A plus p’tit emmerdeur.

“Il me tarde ce soir que nous fassions plus ample connaissance, mais une question me trotte dans la tête: que signifie donc ce G ? J. “

Géraldine? Bof… Ghislaine? Germaine? Ginette? Putain les prénoms de vieilles… Elle ressemble plus à une Gaïa ou une Garance… Non, quelque chose de plus moderne, de moins bobo… Bon je laisse tomber, je suis en train de me faire flipper.

“Vous êtes bien curieux, je pourrais vous retourner la question à propos de ce J… Nous verrons cela ce soir, ça fera partie de nos premières découvertes. G.”

Si elle savait à quel point j’ai envie de la découvrir…

Mais pour l’instant, je dois trouver de quoi m’habiller et après avoir fait le tri dans mon armoire entre toutes mes tenues, la seule chose qu’il me reste, qui correspond à l'ambiance de la soirée et, accessoirement, qui colle le mieux avec les conseils de mon mentor: mon éternel pantalon noir, ma chemise grise, un pull blanc et une paire de Jordan. Un look décontracté mais assez classe, qui passe partout.

Je me sens toujours à l'aise pour mes premiers rendez-vous d’habitude, plutôt confiant, mais ce soir c’est différent. Premièrement parce que je ne connais même pas le son de sa voix, deuxièmement parce que la profondeur de son regard m'impressionne encore quand j’y repense et, troisièmement, parce que je ne vois pas cette fille de la même façon que mes autres conquêtes d’un soir. Son regard limpide, profond, son attitude digne malgré un certain coup du sort, son refus poli et courtois imposent le respect.

Annotations

Vous aimez lire L-Boy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0