Rentrée 2016

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Avant de reprendre les cours et le boulot, Gaby prend ses quartier chez moi et quitte son appartement du centre ville, après quelques jours de rangement, de cartons à remplir et de bricolage. Je suis heureux qu’elle m’ait demandé à s'installer ici, de toute façon, depuis quelques mois, nous passons tout notre temps ensemble, parfois chez elle, le plus souvent chez moi et elle n’avait plus la nécessité d’habiter le centre ville, alors autant emménager ensemble.

Même si j’aimais ma tranquillité et savoir qu’en cas de besoin je pouvais m’isoler dans ma bulle pour respirer et me poser, sa présence ici me soulage et me réconforte.

Lorsque je retrouve Mr Sérix devant le portail de l’école primaire de Cuques, souriant et bronzé, j’entrevois enfin mon nouveau statut, mon avenir.

- Mr Justin Fabre, toujours en avance…

- Mr Sérix, bonjour.

- Tu peux m’appeler Bernard, tu fais presque partie de la famille maintenant. Tu as passé de bonnes vacances?

- J’ai retrouvé mon pays et mes petits dans les ALSH aux alentours. Ils ont encore poussé, mais je suis heureux de voir qu’ils ont toujours la même motivation pour créer avec moi.

- Tu as renouvelé le travail sur la lecture et l’illustration, comme tu as fait ici?

- D’une façon différente, plutôt qu'une fresque et l’écriture d’un poème, ils ont travaillé en commun sur la réalisation de maquettes géantes à partir de matériaux de récupération, pour illustrer des poèmes sur le cirque. Ça nous a permis de les sensibiliser au recyclage des déchets.

- C’est une super idée, t’as une sacrée imagination…

- Merci

- Bon on se met au boulot?

- Avec plaisir et impatience.

- J’aime cette motivation…

- Et vos vacances?

- A la voile, entre Corse, Sardaigne et Sicile, avec femme et enfants… Le soleil, la mer, le vent et le calme…

- Super programme…

Le soir, lorsque je rentre de ma journée, Gaby m'attend, installée sur la terrasse devant ses cours et ses bouquins. C’est pour moi le moment le plus agréable de la journée: j’aime son image dans la lumière de fin d’après midi, à l'ombre de la pergola et de la vigne vierge, son visage serein éclairé par un rayon de soleil, ses yeux bleus qui s'illuminent en me voyant et le doux sourire qui s’y affiche instantanément.

Nous enfilons immédiatement nos maillots de bain pour passer un moment de détente dans la piscine, Julie et Manu se joignent à nous et la soirée se termine sur leur terrasse autour d’un bon barbecue.

La semaine se passe dans la plus grande sérénité, je prends immédiatement la mesure de la tâche à accomplir cette année et la perspective est motivante.

Gaby prend ses marques à l'école de kiné quelques jours plus tard alors que je retrouve l’ESPE.

Toute mon année se déroulera ainsi, moitié du temps en cours, moitié du temps en stage en responsabilité réparti dans toutes les classes de l’école, du CP au CM2.

A la joie de retrouver Gabrielle tous les soirs en rentrant, succède la solitude de l’attente de son retour. Elle ne termine jamais avant 17h30 et, le temps de rentrer, n’est que très rarement à mes côtés avant 19h. Je profite de ce temps pour m’occuper: préparer des séquences d’enseignement, faire du sport plusieurs fois par semaine et aider Manu, mais les heures me semblent beaucoup trop longues.

Il m'apprend ainsi à cultiver un potager: semis, germination, dédoublement, plantation, mais aussi à préparer le sol, l’amender, l’enrichir, l’aérer et à entretenir la zone en la désherbant, la binant, l’arrosant. Il me donne aussi quelques recettes pour éviter d’utiliser les produits industriels du commerce, pour lutter contre les nuisibles et les maladies: purin d’orties, infusion de tabac, savon noir liquide, huiles végétales.

- Ma puce, pourquoi tu ne parles jamais de ta famille?

- Parce que je me sens pas vraiment proche d’eux…

- Et?

- Et rien de plus… Tu sais Justin, tout le monde n’est pas enfant unique, tout le monde n’à pas des parents attentionnés et inquiets, tout le monde n’est pas resté lié avec sa première petite amie et la considère comme une sœur…

- Si c’est pas des reproches, ça y ressemble beaucoup! J’ai pas choisi d'être enfant unique, j’ai toujours rêvé d’avoir une sœur, un petite sœur, de la voir grandir, de la protéger, de péter la gueule à tous les mecs qui lui auraient fait du mal. Mais tu vois, à part mes amis et Clémence, j’ai jamais eu personne à mes côtés.

- C’était pas un reproche mon coeur… Mais je me sens presque plus proche de tes parents que des miens. Je les aime, je suis inquiète pour eux, reconnaissante pour les efforts qu’ils font pour moi, mais voilà… Ils m’ont soutenue quand j’ai dû m'installer seule, mais sans jamais prendre de mes nouvelles par la suite…

- Comprends que c’était pas facile pour eux… Tu fais tes bagages du jour au lendemain pour suivre un mec que tu connais depuis quelques mois, à 800 bornes de chez toi… Au bout de quelques semaines tu leur dis que cet enfoiré te trompe et que tu le quittes, que t’as besoin qu’ils te payent un loyer…

- Tu parles… Comme si l’argent était un problème pour eux… Ils gèrent un des plus grands cabinets d'architectes de région parisienne. A2MH, ça s’appelle, tu connais?

- Attends… Jean-Michel et Edwige Helbert? C’est tes parents?

- Ouais… Enfin, quand ils sont pas en voyage d’affaires… En fait c’est Denis, mon grand frère, qui s’est occupé de moi depuis qu’ils ont ouvert leur cabinet, mon départ a plus ou moins coïncidé avec le sien au Canada.

- Ben voilà, des parents architectes célèbres, un frère émigré au Canada, tu vois, j’ai l’impression de mieux te connaître déjà… Et ça répond à certaines questions…

- Comme?

- Je me suis toujours demandé comment tu pouvais louer un appart au centre ville, t’habiller avec des fringues de marque, payer des restos, des tournées, sans bosser à côté de tes études.

- Pour l’appart j’ai juste eu a sortir la copie du livret de famille et un papier à entête du cabinet… Pour le reste, j’avoue qu’ils sont généreux avec moi…

- Et pourtant tu as su rester simple, pas comme certaines, originaires d’ici, sans le sou mais qui se prennent pour des princesses…

- Et toi tu m’as toujours vu comme je veux paraître, une fille normale, qui veut se fondre dans la masse.

- Pas tout à fait, sinon je t'aurai jamais filé mon numéro, mais c’est ce qui me plait chez toi…

Maintenant que j'ai satisfait une partie de ma curiosité, la prochaine étape sera de les rencontrer. J’avais entendu parler de ce cabinet d’architecte quelques années auparavant, lorsqu’il avait remporté un contrat pour la sauvegarde de monuments historiques pour le compte de la Fondation du Patrimoine.

Si je me rappelle, A2MH, signifie Architectes Modernes et Monuments Historiques, ils pouvaient aussi bien dessiner des immeubles modernes pour le compte de grandes entreprises, comme réaliser l’étude de la réhabilitation d'une vieille église ou d’un château en province.

Mes premières journées avec les enfants sont un pur régal, ils débutent leur apprentissage scolaire, et je débute mon apprentissage professionnel. Je suis là pour les accompagner sur le chemin de la connaissance et cette perspective m’enthousiasme, pouvoir partager mon savoir, mes connaissances, est un rêve qui se réalise. Je remarque d’emblée que certains nécessitent plus d’attention que d’autres, qu’ils ont un peu plus de difficultés à comprendre, à apprendre, mais je veux qu’en fin d’année, chacun ait acquis les mêmes connaissances, quitte à prendre plus de temps avec ceux en difficultés.

Lors des réunions avec les parents, Mr Sérix répond aux inquiétudes de certains, soucieux de voir leurs enfants entre les mains d’un stagiaire pendant une partie de leur temps scolaire. Je me permet de les rassurer également, en leur affirmant qu’en cas de difficultés, les titulaires ne seront jamais loin pour m’aider. Je leur parle également de mon expérience en ALSH, des activités extra scolaires prévues, du projet mis en place pour l’année avec chaque classe.

Après un débat entre toute l'équipe éducative, nous avons convenu de monter un projet artistique sur les peintres Provençaux et Aixois: Cézanne, bien évidemment, une évocation de Picasso, enterré à quelques kilomètres de là, mais aussi Marcel Arnaud, ancien directeur de l’Ecole des Beaux Arts d’Aix, Louis Audibert, peintre Marseillais, connus pour ses couleurs ocres et ses leçon à Churchill, et Granet notamment.

Ainsi, en plus de mes études et de la préparation de mes cours, je me plonge dans l’histoire des peintres Provençaux et découvre un à un, avec Gaby, tous les lieux qui ont marqué leurs vies. De Vauvenargues, tout à côté, jusqu’aux carrières d’ocres du Luberon, découvrant un peu plus cette belle Provence enchantée.

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