5-6 Juillet 2017
Au petit matin, après des aurevoirs touchants, je me prépare à reprendre la route le coeur un peu lourd. Jusqu’à maintenant, je n'avais jamais voyagé seul et nous n’avions jamais vraiment vécu dans l’intimité d’une famille, une seule soirée m’a suffi pour tisser quelques liens et je dois dire que Cléa est une petite fille très attachante.
- Pourquoi tu t’en vas déjà?
- Je continue mes vacances.
- Mais on fait pas du vélo pour les vacances, on se repose!!!
- Tu vois il y a des gens qui partent en avion ou en train, moi je le fais en vélo et je dors dans ma tente…
- C’est fatiguant…
- Oui, mais ça permet de rencontrer des gens très gentils, comme toi par exemple.
- Toi aussi t’es très gentil.
Je sens quelques picotements au coin des yeux.
- Pierre, Edith, merci pour l’accueil, pour l’hébergement et l’aide pour ce soir. Cléa, j’ai été heureux de te lire toutes ces histoires et de jouer avec toi, t’es une super petite fille.
- Y’a pas de quoi, Justin, c’est un plaisir. A une prochaine peut-être.
- Si je repasse dans le coin, avec plaisir. Au revoir.
- Au revoir Justin!
La journée est paisible sur la route, aucun relief en vue, des routes peu fréquentées, je peux profiter à ma guise du paysage. Je longe l’Hérault, le Canal du Midi, puis l’Aude, pour terminer par suivre la plage, noire de touristes, j’apprécie cette journée de pédalage, presque reposante.
Fred et Clothilde m’attendent de pied ferme, heureux de rendre service à un voyageur solitaire. Il tiennent une maison d'hôtes au milieu des vignes, une immense bâtisse en pierre, qu’ils continuent à rénover petit à petit.
Leur accueil est très chaleureux et je comprends vite que Pierre et Edith leur ont parlé de moi dans la matinée. Ils me proposent un repas rapide, que j’accepte volontiers mais seulement après une bonne douche et un peu de lessive. Je suis installé dans une chambre spacieuse, dans laquelle je peux même entreposer mon vélo que je m’empresse de dépouiller de ses sacoches.
La salade, préparée avec les produits de leur jardin, est délicieuse, Fred me tient compagnie et en profite pour se renseigner sur mon voyage.
- Qu’est ce qui t’as fait choisir ce parcours?
- Il y a quelques années, j’ai passé une sale période, dépression, tentatives de suicides et le remède pour me guérir, ça a été un voyage à vélo organisé par ma meilleure amie. On est parti de Port la Nouvelle pour aller jusqu’à Rennes le Château, suivant en partie le sentier cathare, avec des étapes régulières. Lors de l’une d'elles, on a été hébergé par François et Marinka, à Duilhac sous Peyrepertuse et j’avais envie de les revoir.
- Le pays cathare, ça doit être sympa à découvrir, on a jamais eu l’occasion d’y aller.
- C’est magnifique, surtout les châteaux et vous êtes pas très loin, sur un long weekend, vous pourriez le faire. Je peux te laisser les coordonnées de François, il a un appartement à louer, il a même été guide au château, plus jeune.
- Merci, je pense qu’on pourrait le faire après la saison.
- Je vous le souhaite.
Après cet accueil et ce bon repas, je file prendre un peu de repos sur la plage, à un petit kilomètre de là. Je m'installe à l’ombre d’un poste de secours et j’en profite pour donner quelques nouvelles à ceux qui suivent encore notre page.
Salut les copaings,
je viens de me rendre compte que j’avais oublié de vous donner des nouvelles…
Après deux années mouvementées, j’ai enfin obtenu mon Master et je m'autorise à passer de bonnes vacances avant de retrouver l’école, de l’autre côté du bureau cette fois….
Me voilà de retour sur les routes, en solo, puisque ma coéquipière est coincée au boulot, occupée à torturer ses pauvres patients innocents…
Je suis parti dimanche de la maison, en direction de Duilhac sous Peyrepertuse, où je dois retrouver François et Marinka vendredi.
Ma première étape m’a, bien évidemment, emmené à Montpellier, j’y ai passé une journée merveilleuse avec Clémence, qui devait quand même faire partie de l’aventure. Des retrouvailles, après quelques mois sans se voir, qui font un bien fou.
J’ai ensuite repris mon chemin hier et ma seconde étape m’a conduit à Castelnau de Guers, où j’ai rencontré Pierre, Edith, Cléa et Matteo, qui ont accepté de me prêter un bout de jardin pour planter ma tente, après une séance de porte à porte intensive. Une rencontre magnifique avec des gens d’une grande gentillesse et une petite fille tellement attachante. Ils m’ont même dégoté un logement pour ce soir chez des amis.
Aujourd’hui, j’ai donc fait la connaissance de Fred et Clo, qui m’accueillent dans une chambre, encore en travaux, de leur maison d’hôtes, près de Narbonne Plage. Voilà une photo de mon bureau du jour, depuis lequel je vous écris, après une soixantaine de kilomètres à vélo.
Demain, direction l'intérieur des terres et Durban-Corbières, où je retrouverai une vieille connaissance, puisque Raymond m’a réservé la petite place de camping près de sa remise.
Vendredi signera la dernière étape avec un arrêt au château d’Aguilar avant de filer à Duilhac, chez nos amis que je me languis de retrouver.
Je vous embrasse. A demain pour la suite.
Justin
PS: Soeurette, je t’attends vendredi avec les bières dans le jacuzzi…
Je ne rentre pas trop tard pour aider Fred, au jardin, puis Clo, en cuisine, les légumes, sitôt récoltés sont cuisinés. L’odeur délicieuse de la ratatouille embaume rapidement la cuisine, accompagnée par celle, toute aussi appétissante, des cuisses de lapin rôties à l'ail et aux herbes. Ce n’est pas parce que je suis leur invité que je dois me tourner les pouces et en profiter, ce qui ne manque pas de les étonner lorsque je rejoins la cuisine à la fin du repas, pour faire la vaisselle.
Le lendemain après un petit déjeuner gargantuesque, je repars avec, dans mes sacoches, les restes de notre repas de la veille, un bon morceau de pain et quelques fruits de leur verger. Je profite d’une pause au bord de l’étang de Bages pour appeler Raymond et lui confirmer mon arrivée pour le début d'après-midi.
A l’heure du repas, je m’installe tranquillement à l’ombre, sur les bords de la Berre pour déguster mon repas et prendre le temps d’une petite sieste.
- Salut Soeurette!
- Mon Juju, ça roule?
- Oh que oui! Mieux que ce que je pensais… Que me vaut l’honneur?
- Je viens aux nouvelles, vu que t’es resté muet depuis que t’es parti…Mais à entendre le ton de ta voix, je me pose pas trop de questions…
- Je viens de passer deux jours au top, avec de belles rencontres, mais ce soir et demain ce sera peut-être un peu plus difficile, je me retrouve sur le même parcours qu’il y a cinq ans, je me languis de te retrouver demain soir.
- J’imagine… A ta place, je crois que j’aurai choisi un autre itinéraire…
- Ce weekend on retourne à Rennes?
- T’en es bien sûr?
- Non, mais ce serait con d’être dans le coin et de pas y aller…
- On verra…
- Tu seras là vers quelle heure?
- Je quitte le boulot à 8h demain, je dors quelques heures et je décolle après, donc je sais pas… Tu comptes arriver quand toi?
- Je pars vers 8h, si je compte une heure d'arrêt à Aguilar, je serai à Duilhac vers midi si tout va bien…
- Tu y seras avant moi… Je pense pas partir avant 13h, ça dépendra de la nuit que je passe, j’en ai pour 2h30, comptes 16h00, pas avant.
- On se retrouve dans le spa alors?
- Avec plaisir…
- Bisous ma Clemsou. A demain.
- Bisous mon Juju.
En début d'après-midi, j’avale les dix derniers kilomètres et retrouve Raymond à l’entrée du camping, les retrouvailles sont cordiales, il m’accompagne sur l’emplacement, avec la remise pour le vélo et pour m’abriter en cas de besoin. Il m’aide même à monter ma tente tout en discutant.
Je passe une bonne partie de l’après-midi au bord de la piscine municipale à lézarder, posant mon regard ici et là sur les jeunes femmes qui passent devant moi ou se baignent. En temps normal, je n’aurai pas vraiment hésité à tenter quelques approches, mais aujourd’hui, si mon regard est là, mon esprit est totalement ailleurs.
Je repense à ce premier périple dans cette région, à toutes ces découvertes, à mon émerveillement, à Clémence. J’oscille entre le bonheur d’être de retour sur la route, de retrouver bientôt mes amis, de pouvoir vivre pleinement cette expérience en étant seul et la tristesse de ne pas avoir Clémence à mes côtés et les souvenirs de ces délicieux moments passés avec elle, ici. C’est suite à ce premier voyage que ma vie a pris un autre tournant, comme un nouveau départ et aujourd’hui, je pense qu’inconsciemment, c’est ce que je cherche de nouveau en revenant sur ces routes.
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