Mercredi 25 Octobre 2017 (3/3)

7 minutes de lecture

J’ai attendu un petit moment dans ma voiture, sur le parking, à les observer discrètement: Caro qui reste quelques secondes, le visage levé vers le ciel, les yeux fermés, puis Clara, qui passe le portail en courant et rejoint sa mère pour lui sauter dans les bras, Caroline qui la fait tournoyer en l’air avant de venir blottir son visage dans le cou de sa fille. Je verse quelques larmes avant de mettre le contact et de quitter ma place en klaxonnant brièvement.

Lorsque j’arrive chez moi, mon coeur oscille encore entre la joie de ces retrouvailles et de ces découvertes, la tristesse en repensant à ses six années de séparation, pendant lesquelles je n’ai pas vu grandir ma fille et l’angoisse d’annoncer la nouvelle à mes proches, à Clémence, de ne pas être le père parfait pour Clara, de les perdre de nouveau, elle et sa mère…

Je me plonge dans un bain bien chaud avec un bouquin sur l’histoire des Templiers, acheté l'après-midi même avec Caro dans une librairie et, en fond musical, ma playlist de Nirvana. L’idéal pour me détendre, me changer les idées et retrouver un peu de sérénité après une journée riche en émotions.

Tellement détendu, que c’est Clémence qui me réveille en rentrant deux heures plus tard alors que mon bouquin avait entamé sa sieste sur mon front, pendant que je terminais de me reposer sur le canapé.

- Coucou mon coeur… Je te réveille?

- Moi? Non, juste mon bouquin…

- C’est si passionnant que ça?

- C’est pas le bouquin… La journée a été… Très enrichissante et éprouvante émotionnellement…

- T’as le sourire et les yeux qui pétillent, c’est bon signe… Tu me racontes?

- Pose tes affaires et viens à côté de moi…

- Justin? Tout va bien? T’as l’air tout bizarre…

- Je sais pas en fait, je crois que je vais avoir besoin de temps…

- C’est normal, votre séparation a été brutale, ça fait plus six ans que vous ne vous êtes pas vu, il s’est passé un tas de choses depuis. Si vous vous êtes racontés vos vies, t’as du te replonger dans certains souvenirs difficiles…

- C’est pas le pire… Enfin le plus difficile… Enfin… Le plus bouleversant je vais dire…

- Accouche…

- Clems… Je… Caro et moi…

- Juss!!!

- C’était plus facile dans ma tête… Quand j’ai imaginé ce moment là… Désolé…

- Donc Caro et toi?

- Clara… C’est… Ma… Notre fille… Excuse-moi…

Je me suis levé subitement, pris ma veste et foncé à l'extérieur, allumé une cigarette les yeux emplis de larmes, plongés dans la voûte céleste. J'étais en train de tirer ma troisième taff quand j’ai entendu la baie vitrée s’ouvrir puis se refermer et les pas de Clémence derrière moi. Tendrement elle est venue passer ses bras autour de ma taille, poser son front puis sa joue contre mon dos en silence.

- Mon coeur? Ça va aller.

- Ouais, ne t’inquiètes pas… C’est juste…

- Dur à encaisser… Je comprends… Tu m’expliques ou bien tu préfères attendre un peu ?

- Et toi?

- J’aimerai être fixée rapidement sur notre avenir…

- Notre avenir? Il est tout tracé, c’est toi et moi, à la vie, à la mort…

- J'aimerai en être convaincue…

J’ai détaché ses bras de ma taille pour l’attirer en face de moi, prendre son visage entre mes mains et plonger mes yeux dans les siens.

- Clémence Asetti, je t’aime et rien ni personne ne viendra se mettre entre nous maintenant! Ni une autre femme, ni un enfant!

- Ok… Là… Je peux difficilement en douter…

- Ma puce, avec Caro on a toujours pris nos précautions, utilisé des préservatifs, alors on comprend pas ce qu’il s’est passé. Mais c’est comme ça…

Nous rentrons et je lui explique tout ce que Caroline m’a expliqué le jour-même, de sa disparition subite jusqu'à sa réapparition ce matin même. J’en pleure encore, de tristesse et de colère, d’abord, puis de soulagement et de joie.

- Donc si je comprends bien, tu es le papa et je suis la belle-mère d’une fillette de 6 ans… A tout juste 22 ans?

- Dis comme ça c’est un peu glauque non?

- Pas glauque.. Surprenant, inattendu et un peu bizarre!!!

- Elle m’a rien demandé, elle m’a même laissé entendre que si ça nous dérangeait…

- Justin, tu crois sérieusement qu’en sachant ça on va faire comme si de rien n’était? Je le vois quand tu me parles de… De ta… Excuse-moi…

- Pas de soucis…

- Quand tu parles de Caro, de Clara, t’as le regard qui s’illumine, avant de savoir que c’était ta fille, déjà… Alors, je vais pas te dire “ On s’en fout, elle se démerde” et te rendre malheureux encore une fois, c’est à toi de choisir et je connais déjà très bien ton choix… On va faire un peu de place dans nos vies pour elles, si c’est ce que tu veux.

- Je sais pas ce que je veux… Enfin si, mais j’ai peur…

- Tu risques de te ramasser quelques fois, c’est sur… On devient pas père du jour au lendemain… Mais tu feras de ton mieux et je serai là… Tout ce que je te demande, c’est de tenir ta promesse.

- Ma promesse?

- Nous deux… Je t’ai perdu deux fois déjà, je veux pas de troisième fois. Si elles viennent s'immiscer entre nous, je serai intraitable, je te préviens…

- Je sais que je peux te faire confiance pour ça… Tu vas voir, Clara est une enfant géniale, curieuse, calme, intelligente, vous allez bien vous entendre toutes les deux.

- Je ferai de mon mieux, je te le promets.

- Je sais déjà ça…

- Si elle est bien votre fille, te connaissant et connaissant un peu Caro, j’imagine qu’elle doit être une petite fille adorable.

- Merci mon amour… Je comprends que ce soit pas facile à encaisser pour toi, je veux que tu prennes le temps de réfléchir à tout ça, à la suite et qu’au moindre doute, au moindre problème, tu m’en parles.

- Promis. Bon, on mange quoi? J’ai la dalle…

- Je décongèle un plat de lasagnes?

- C’est toi qui les a faites?

- Bien sûr…

- Alors oui!

En attendant, nous partageons une bière bien fraîche et trinquons à ma fille, à mes retrouvailles avec Caroline, à cette nouvelle vie qui nous attend et à ses méandres.

Malgré toutes ces nouvelles, bonnes en apparence, j’ai un peu de mal à sourire ce soir, même si je pense que n’importe-qui à ma place serait dans le même cas. J’envisage l’avenir avec sérénité, mais ce qui me perturbe le plus, c’est de devoir annoncer la nouvelle à mes parents. Je ne sais pas encore comment amener le sujet de ma soudaine paternité dans la conversation, je vais devoir faire preuve de tact, de délicatesse et c’est pas trop mon genre. Je les connais et je sais que Clara sera immédiatement adoptée, mais ils se font déjà beaucoup de soucis pour moi, sans raisons valables alors avec une petite fille dans l’équation...

Je pense aussi à toutes ces années à rattraper, je vais devoir me réfréner au début, laisser Clara prendre ses marques avec moi, ne pas brusquer les choses, ne pas la couver constamment, surtout à l'école, lui laisser le temps de comprendre. C’est une petite fille très intelligente pour son âge et je pense qu’elle assimilera très vite la nouvelle.

A côté de ça, je dois reconnaître que Caro a fait du super boulot dans son apprentissage scolaire. Clara sait déjà lire d’une façon très fluide, respectant la ponctuation et les intonations. Je retrouve déjà dans les traits de son écriture ceux de Caroline, ses arrondis et cette légère inclinaison. Pour ce qui est des chiffres, c’est un peu plus chaotique mais elle a tout de même de l'avance sur la plupart de ses camarades.

- Ma puce… Je suis crevé ce soir… T’es sure de toi?

- J’ai un jeune papa, charmant, sportif et tatoué dans mon lit et j’ai l’intention d’en profiter, d’en abuser même…

- Ça te fait de l’effet à ce point?

- Je trouve ça hyper sexy… Désolée… Pas toi?

- Je suis pas du tout attiré par les mecs… Tu le sais.

- T’es con, je parlais de la jeune et jolie belle-mère de ta fille, infirmière et très excitée…

- Vu sous cet angle je dois avouer que j’ai bien envie de me laisser tenter…

Je suis obligé de la faire basculer sur moi pour l’embrasser et la faire taire. Son corps nu contre le mien, ses lèvres si douces, sa peau tiède et frissonnante, ses mains sur moi, me font rapidement perdre le contact avec la réalité.

Je lui laisse le contrôle total de notre étreinte, je reste allongé sur le dos et elle prends le temps d'embrasser mon torse, mon ventre, mon cou, venir délicatement me prendre dans sa bouche, jouer avec sa langue et ses doigts sur mon sexe fièrement dréssé. J’ai rapidement la sensation de flotter dans une mer de plaisir et je me laisse doucement porter par ses courants.

Je grogne lorsqu’elle met fin à ses caresses pour venir me faire glisser en elle, mais les mouvements lents de son bassin et les frissons qu’ils provoquent me font taire rapidement. C’est elle qui prend le relais avec ses gémissements qui s’amplifient alors que, me redressant, je viens embrasser et caresser ses seins si parfaits.

Notre tendre cavalcade prend fin dans une dernière ruade et un long hennissement de plaisir auquel répond un grognement rauque.

Cette journée, riche en émotions, a eu raison de moi immédiatement après que Clémence soit venue se blottir au creux de mes bras en me gratifiant d’un sourire tendre et d’un “Ca va le faire mon coeur”. Contrairement à ce que je redoutais, ma nuit fut paisible et reposante.

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