Mai - Juin 2018

7 minutes de lecture

Même si nous donnions le change en apparence, nous étions tous minés par l’inquiétude, et l’anniversaire de Caro, que j’imaginais comme une belle fête n'est, au final, qu’un simple repas entre amis. La présence d’Ingrid, Julien et Malo, leur fils de deux mois, est la seule véritable éclaircie de cette journée, mais elle suffit pour nous redonner un sourire de façade.

Malgré tout, Caro semble heureuse de recevoir sa nouvelle paire de chaussures de sport de notre part et la tenue offerte par ses amis.

Nous venons de passer un mois difficile, entre démarches officielles pour nous protéger, dépositions à la gendarmerie suite au recours lancé par Elise et Hervé et autres rendez-vous chez l’avocate qui, quelques jours plus tard, se montre plutôt rassurante sur l’issue de ce conflit.

- Ne vous faites aucun souci, vous et votre fille ne risquez rien au vu des éléments de votre dossier. Mr et Mme Fournier ont agi de manière délibérée à votre encontre, ce qui en soit ne constitue pas vraiment un délaissement de mineur puisqu’ils vous ont confié à vos grand-parents, mais le fait est que ces derniers n’ont pas été initialement informés de la cause, ni de la durée de votre séjour chez eux. De plus, en ayant connaissance de votre état de santé à ce moment-là, ce placement constitue une grosse erreur et un préjudice à votre encontre.

En ce qui concerne votre fille, leur absence d’implication depuis sa naissance, leur retire tout droit légal sur elle et vous êtes couverts tous les deux par les démarches entreprises en début d’année. Vous êtes même en droit d’attendre une ordonnance d’éloignement les visant, ce que je ne me gênerais pas de demander pour vous protéger d’éventuelles représailles.

Tous les témoignages recueillis vont dans votre sens, jusqu’à ceux de vos professeurs de l’époque et de l’équipe encadrante de votre lycée, ainsi que ceux de vos collègues enseignants Mr Fabre. Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait mal se passer.

- Vous ne les connaissez pas… Ils sont capables du pire…

- Je crois que ce qu’ils vous ont fait en est bien la preuve et ce qu’ils sont en train de vous imposer est inadmissible de la part de parents, quelles qu’en soient les raisons. Voilà tout ce que je peux vous dire pour l’instant. Il ne reste plus qu'à attendre l’audience devant le juge aux affaires familiales, je pense après la rentrée de septembre. Je reste à votre disposition si vous avez besoin. A très bientôt et ne vous faites aucun souci, vous ne risquez absolument rien.

- Merci Maître. J’espère que vous avez raison.

- Merci pour tout, j’ai confiance en vous.

- Merci à vous deux et passez le bonjour à Zélie de ma part.

Ce dernier rendez-vous avant l’audience avait réussi à nous soulager d’une grande partie de nos inquiétudes et le cœur plus léger, la conscience presque en paix, nous avons retrouvé notre fille, que nous avions réussi à préserver coûte que coûte de tous ces événements. Elle ne comprenait pas nos larmes, notre inquiétude, mais évitait toute question depuis le début et je lui en étaisreconnaissant.

- Ça a l’air d’aller un peu mieux, les nouvelles sont bonnes?

- Oui… L’avocate est confiante, le dossier en béton et on ne risque rien selon elle.

- Bonne nouvelle! Vous êtes soulagés?

- Un peu oui, mais tant que le juge n'a pas rendu son verdict, on reste inquiets. Merci Clémence pour la petite. Je sais que tu as besoin de te reposer entre tes gardes, pourtant, tu restes disponible.

- Ça me fait plaisir et vous en avez besoin, le temps que tout soit réglé.

- Mon amour… T’es un amour… Merci…

- On réglera ça ce soir, tous les deux, en tête à tête…

- On se calme les amoureux… Vous êtes vraiment en manque ma parole! Je vais finir par être jalouse…

- Ben t'attends quoi pour te trouver un mec? On peut garder Clara si tu as besoin de sortir, elle a ses habitudes ici.

- C’est pas encore le moment, j’ai besoin d’être libérée du poids de toute cette histoire… Puis… Si je le trouve un jour, il devra surmonter l’obstacle Justin…

- Il est pas arrivé le pauvre gars, c’est moi qui te le dis, je vais pas laisser n’importe qui partager ta vie…

- Je disais juste qu’il devra être à ton niveau, au moins… T’en dis quoi toi, Clems?

- Que t’es pas prête de trouver un mec si tu prends Justin comme point de comparaison…

- Je sais… Puis…

- Puis?

- Non, rien… Clara, on y va!

- Déjà? On peut pas rester encore un peu?

- Non ma puce, demain y’a école…

- Mais… Papa aussi il a école demain…

- Clara, s’il te plait, range tes affaires et écoute maman.

- D’accord…

Elle n’oublie pas de venir nous embrasser avant de partir, puis file vers la voiture tandis que Caro semble faire durer plus que de raison ses au-revoir.

Début juin, nous passons une journée en amoureux à Montpellier pour l’anniversaire de Clémence, nous y retrouvons Cécile, Léa, Aurore, Fabien et leurs compagnons ainsi que Nicolas et Séverine, qui attendent à leur tour un heureux événement.

- Et vous deux, c’est pour quand?

- Pas tout de suite, je suis pas encore prête, et Justin…

- T’as besoin qu’on te montre comment on fait?

- Je suis déjà papa…

- Mais… De… Comment?

- Clara va avoir sept ans en novembre… Un accident de contraception avec ma première petite amie, on avait seize ans à l’époque… Je l’ai appris en octobre dernier, quand je les ai retrouvées… Je fais court, je veux pas t’ennuyer avec tous les détails…

- D’accord, mais c’est pas pareil que vivre une grossesse du début à la fin, l’accouchement, les premiers jours, de voir ton enfant grandir… Ça doit être frustrant de rater tout ça…

- Pour l’instant, on doit stabiliser la situation avec Caroline et Clara, après, on verra.

Nous passons une magnifique journée chez Léa et Mathieu, barbecue, piscine et soleil, à quelques pas du CHU où nous débarquons en fin d'après midi pour aller saluer les anciens collègues de Clémence. Sa joie est largement visible et la surprise des soignants présents l’est tout autant, je découvre ainsi qu’elle a laissé un très bon souvenir ici, ce qui ne m’étonne qu'à moitié.

Si j’essaye de profiter pleinement de cette journée, je reste constamment en contact avec Caro, inquiet de les avoir laissées seules à Aix et je ne compte pas le nombre de messages que nous échangeons.

Sur le retour, plus nous approchons de la maison, plus mon inquiétude se dissipe, surtout lorsque j’apprends qu’elles nous attendent chez nous en compagnie de Julie et Manu et que tout est prêt pour le repas du soir.

Nous partageons cette belle soirée dans la douceur du mois de juin et si nous n’avions pas été dimanche soir, je crois que nous aurions volontiers prolongé ce moment. Clémence a encore droit à quelques petites attentions de notre part, un très joli dessin de la part de Clara, les représentant toutes les deux en train de cuisiner un gâteau, Caro lui offre une très jolie paire de boucles d’oreilles en argent. Julie et Manu ont choisi une magnifique orchidée blanche, et un bouquet de roses du jardin, séchées et figées avec un verni spécial par un ami de Manu.

- Merci Caro, t’étais vraiment pas obligée… Elles sont super jolies…

- J’y tiens… Tu me rends de grands service en gardant Clara sur tes jours de repos, tu me soutiens dans les moments difficiles, t’es ma seule amie proche maintenant, tu rends Justin heureux et t’es une super tata…

- Je suis vraiment très touchée… Je sais pas quoi dire de plus…

- Rien… Ça me suffit…

- Julie, Manu merci pour la soirée, pour les fleurs… J’ai pas la main verte, mais je vais essayer de la garder en vie plus d’une semaine…

- Un peu d’eau une fois par semaine, de la lumière, rien de plus… Au pire je passerai voir de temps en temps…

- Merci, ça vaut mieux pour elle… Justin?

- Oui?

- T’as rien oublié?

- Non…

- T’es sur?

- Non… Tiens…

Je lui tends l’enveloppe que je cachais depuis quelques minutes en souriant. Lorsqu'elle l’ouvre son sourire s’agrandit.

- Une journée entière de relaxation et de soins aux Thermes Sextius?

- Si ça te plait pas, je la garde pour moi…

- Dans tes rêves… Merci mon amour…

- Et j’ai ça aussi pour toi…

- Je suis gâtée on dirait… C’est…

- Juste une bricole…

- T’es sérieux Justin? Je connais le prix de la paire de chaussures et de la tenue complète! T’es fou!!!

- Je sais, je me suis acheté exactement la même… T’as vu l’état de tes baskets? Elles sont bonnes à jeter…

- T’es malade toi, jamais tu les jettes, je m’en servirai de pantoufles! N’oublie pas qu’une de ces paires a voyagé en vélo jusqu’à Rennes, à travers tout le pays Cathare!

Ca je ne suis pas prêt de l’oublier, tout comme la paire que je portais lors de mes premiers entraînements avec Caro, qui, elle aussi, a participé à notre premier voyage à vélo, et qui traine au fond d’un de mes placards ici, avec toutes les autres. Certains collectionnent les photos, les cartes postales, moi je collectionne mes vieilles paires de chaussures, chacune d’entre elles me rappelle une période de ma vie, des souvenirs, bons ou mauvais.

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