Août 2018 (2/3)

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Le coin indiqué par François est un véritable petit paradis auquel il nous aurait été impossible d’accéder sans le véhicule tout terrain. A cet endroit, à l’ombre des chênes lièges, le Verdouble s’écoule en une succession de cuvettes naturelles, certaines permettant de nous immerger jusqu’au cou une fois assis.

Clara est ravie de pouvoir jouer dans l’eau et nager, guidée d’une voix douce, mais ferme, par Caro qui ne la quitte pas des yeux. Je devine rapidement qu’elle lui a donné des cours à chaque fois qu’elles en ont eu l’opportunité, ma fille nageant presque mieux que moi, ce qui, quand on connait mon aversion pour l’eau, n’est pas un grand exploit, sauf qu’elle n’a que six ans.

Nous partageons ensuite les sandwichs, préparés le matin même par Clems et Clara et le reste de salade de la veille, assis dans l’herbe, les pieds dans l’eau, puis je m’autorise une longue sieste sous les arbres, sur une parcelle d’herbe en compagnie de ma fille. La journée est paisible, douce, reposante, nous passons beaucoup de temps à discuter et jouer tous les quatres, en riant.

Le lendemain, nous commençons la journée par la visite de Durban et un détour par le camping, pour saluer Raymond, toujours fidèle au poste. Nous enchaînons avec le Château d’Aguilar, ça a été notre première visite d’une véritable forteresse défensive quelques années auparavant, ma première visite l’année passée dans des conditions difficiles et nous retrouver ici une nouvelle fois, ensemble nous envahi d’émotion.

Ainsi, avant d’entamer la visite, je m’éloigne un peu des filles et retrouve ce point de vue sur le paysage, dans lequel je me plonge, regard perdu au loin sur les sommets des montagnes Pyrénéennes, lorsqu’un bras vient prendre ma taille et une tête se pose sur mon épaule.

- Je suis en train de repenser à mon voyage de l'année dernière… J’étais exactement au même endroit… Assis sur ce rocher, en train de pleurer, assommé par les souvenirs de notre premier voyage et par la solitude… Sans savoir qu’il allait se passer autant de choses dans les mois suivants… Aujourd'hui, j’ai retrouvé l’amour, j’ai une fille formidable et Caro est de nouveau là, à mes côtés… Je suis le mec le plus chanceux et le plus heureux du monde grâce à vous… Et j’ai encore envie de pleurer, mais de joie cette fois…

- Ça va, je vous dérange pas?

Je sursaute en entendant la voix de Clems, suivie des rires de Clara et me retourne brusquement, manquant de faire tomber Caro qui s’accroche à mon cou pour éviter la chute.

- Excuse-moi Clémence… Je crois que Juss pensait que c’était toi…

- Tu penses bien… Désolé ma puce… Caro?

- Y’a pas de mal… C’est mignon de vous voir comme ça tous les deux. J’en serai presque jalouse.

- Tu aurais de quoi… Pardon Clems… Je me suis laissée emporter par la beauté du paysage…

- J’étais persuadé que c’était toi, j’ai pas pensé que…

- Clara, viens avec moi.

Nous les laissons prendre de l’avance sur le chemin et Clémence vient prendre ma main dans la sienne.

- Tu m’en veux?

- Pourquoi? T’as été surpris…

- Tu lui en veux?

- Nooon!

Sa réponse, presque un reproche, me fait sourire.

Pourquoi? Je peux comprendre son geste, c’est humain… Malgré ce qu’elle veut nous faire croire, elle n'a pas totalement fait son deuil de votre histoire. Je suis quasiment sûre qu’elle est encore amoureuse de toi.

- Et ça te gène pas?

- T’es lourd Justin! Pourquoi je devrais lui en vouloir d’avoir des sentiments? Ça se contrôle pas ce genre de choses…

- Elle pourrait faire attention… Surtout quand tu es là…

- Et ça changerait quoi? Je préfère largement qu’elle l’assume, et qu'elle ne se cache pas… Au moins je suis au courant, y’a pas de secrets entre nous trois!

- T’es vraiment une femme en or… Je suis pas certain de te mériter…

- Tais-toi imbécile…

Aguilar n’a pas beaucoup changé depuis notre première visite, la commune a déjà énormément de mal à le maintenir en état, en manque de financements malgré l’implication d’une association qui organise de nombreux événements pour récolter des fonds.

Nous terminons la journée par la redécouverte du château de Quéribus qui, pour moi, est toujours le plus impressionnant, le plus majestueux, de par sa position sur sa crête rocheuse, mais surtout par son architecture et son état de conservation.

Tout au long de la journée, Clara joue à la curieuse avec les guides, posant une multitude de questions très intéressantes, Caro la suit comme son ombre depuis l’épisode du château d’Aguilar et Clémence ne me quitte pas d’une semelle.

A notre retour au gîte, nous nous plongeons dans le jacuzzi après nous être rincés sous la douche. Je m’installe avec Clems le temps que Caro se douche avec Clara.

- Ça va ma puce?

- Ben oui… Pourquoi?

- J’ai pas l’habitude de te voir aussi proche de moi tout au long de la journée. C’est pas à cause de Caro?

- Si… Un peu… Mais c’est surtout de revenir dans ces châteaux, ça m’a rappelé notre premier voyage…

- T’es jalouse?

- T’es chiant!!! Ça te plait de voir deux filles se battre pour toi?

- Pas tout à fait… Ce qui me plaît vraiment, c’est que tu passes ta journée à me tenir par la main, à me serrer contre toi et à m’embrasser. Que tu sois jalouse, même un tout petit peu, c’est une belle preuve d’amour… Et…

- Justin! Y’a cinq ans, j’ai cru que je t’avais perdu pour toujours, même si la décision était concertée, si on avait décidé de rester amis… Ton amitié n’a jamais été suffisante pour moi, j’en ai toujours voulu plus de ta part, comme un besoin vital. Alors si te laisser être aussi proche de ton ex, de la mère de ta fille, nous permet de vivre cette vie de couple, je vais pas m’y opposer. On s’est déjà fait suffisamment de mal et je veux pas te perdre une nouvelle fois, je t'aime Justin…

- Je t’aime moi aussi ma puce. Mais je vais essayer d’en discuter avec elle, je vais devoir être prudent, je veux pas la braquer et risquer de la voir fuir de nouveau…

- Laisse là tranquille pour l’instant, je lui fais confiance et à toi aussi…

- D’accord… Merci.

Nous passons la journée du mardi au pied du Pech de Bugarach, au bord de l’eau près de la cascades des Mathieux, accompagnés de François et Marinka. Ce sont eux qui s’occupent du repas et une nouvelle fois, nous ne sommes pas déçus.

- C’est drôle de se retrouver ici cinq ans après…

- C’est vrai ma chérie… Je me souviens surtout du trajet en vélo moi… J’ai failli mourir…

- Ah bon? Comment ça?

- Caro, malgré les apparences, je suis pas un grand sportif et nos deux amis, là, ont voulu nous embarquer avec eux, sauf que je pensais venir ici en passant par la route et qu’eux avaient d'autres plans en tête…

- C’est vrai que la première côte de l'après-midi était un sacré morceau, surtout après le repas…

- D’accord, je comprends mieux… Je me souviens de ma séance de reprise de la course à pied, avec Clemence… Ça a été costaud…

- T’as eu de la chance, j’étais blessé et le temps que je puisse me joindre à vous, tu avais retrouvé une bonne condition.

- Blessé?

- Un accident bête avant Noël. Je me suis fait une belle entorse à la cheville en courant.

- Pas de séquelles?

- Pas trop, je la sens essayer se dérober parfois, mais je fais hyper attention quand je me sens fatigué.

La baignade est vraiment paisible, le coin étonnamment tranquille pour la saison et nous passons d’agréables moments, Caro et Clara ont été rapidement adoptées et notre fille joue à la maman avec Zoé, ce qui nous fait sourire tendrement. Après le repas, une bonne sieste en compagnie des fillettes et quelques jeux, nous prenons le chemin du retour apaisés par cette nouvelle journée reposante.

Pourtant, j’ai du mal à m'endormir ce soir-là, je repense à l'épisode de la veille et pour ne pas réveiller Clemence qui dort à poings fermés, je me glisse en silence sur la terrasse. Là, assis sur le sol qui rayonne de la chaleur de l'après-midi, j’allume une cigarette et tente de faire le point.

Assurément, j’aime Clémence profondément, elle est à la fois mon double et ma moitié, celle pour qui mon cœur bat à chaque seconde. Pourtant, lorsque je repense à mon histoire avec Caro, je ne peux m'empêcher de me poser tout un tas de questions, j’ai des sentiments très forts à son encontre, pas seulement grâce à Clara, pas seulement de l’amitié.

Si rien de tout celà n’était arrivé, où en serions nous?

Si j’avais eu connaissance de sa grossesse et que ses parents avaient réagi différemment, comment aurait-on géré la chose?

Je suis persuadé qu’on s’en serait sorti, avec l’aide et le soutien de nos familles, mais comment Clémence aurait réagi?

Je ne suis pas sûr que nous serions restés aussi proches, aussi fusionnels, je n’aurai pas, non plus rencontré Amy, Caro, Claire, David et les autres. Pas de voyage à New-York, pas de road-trip ici-même, pas de tatouages ni de piercings…

J'arrive finalement à me persuader que je ne dois avoir ni remords, ni regrets, que si la vie en à décidé ainsi, c’est que celà devait l'être, même s'il me reste un petit pincement au cœur.

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