Eté 2019 (1/2)

6 minutes de lecture

Diplôme d’aide soignante en poche, Caro prend ses quartiers à l'hôpital d’Aix, sa demande de poste en journée a été acceptée, appuyée par son statut de mère célibataire. Le seul bémol reste le travail le week-end et les jours fériés, pendant lesquels nous avons la garde de Clara.

Malgré ses presque sept ans, elle arrive régulièrement à m'impressionner par sa capacité à comprendre et mémoriser les choses, tout est source de questions intéressantes, de discussions passionnées et d’interrogation qui nous laissent parfois muet devant tant de curiosité.

- Heureusement qu’on change de voiture à Lézan…

- C’est comme ça les vacances en famille, surtout avec une petite fille.

- Je me souvenais pas avoir trimballé autant de trucs l’année dernière.

- L’année dernière? On est parti qu’une semaine et on a pris moins de risques concernant la météo…

- Ouais… En tout cas, j’espère que la météo ne s'est pas trompée….

Pour ces vacances d’été, nous sommes invités en Auvergne pour deux semaines, par les grands-parents de Caro, qui tiennent absolument à rencontrer son ange gardien et papa de la petite princesse.

Mais avant tout, nous avons prévu de révéler le lieu de notre projet à Caro et de l'informer de nos intentions pour l’année prochaine. En dehors de la proposition, assez vague, nous n’avions pas révélé grand-chose sur notre projet: ni lieu précis, ni photos, ni la cession d’une partie de notre terrain.

- Alors, t’en penses quoi du coin?

- C’est trop joli, la vue est superbe avec les ruines du château sur la crête, t’as l’eau du ruisseau pas loin pour ton potager, une bâtisse à rénover et beaucoup de place pour aménager votre jardin et créer un truc super joli.

- Ça te plait?

- Carrément!!! Puis je devrais trouver quelque chose de pas trop cher, pas trop loin. On est un peu éloignés des hôpitaux, mais c’est pas très grave, les routes sont pas trop mauvaises, même en hiver…

- Caro, avec Justin on a pensé a un truc. Ça reste conditionné à quelques décisions, mais…

- Mais?

- On aurait dans l’idée de te céder un morceau du terrain, on en a largement assez pour nous et lorsque tu auras touché l’argent que tes… Que Hervé et Elise te doivent, tu pourrais te faire construire une jolie petite maison, comme ça on sera juste à côté et Justin pourra continuer à s’occuper de Clara quand tu bosses…

- Je… Je sais pas quoi dire… Bien sûr que je suis d’accord, vous ne vous rendez pas compte… Mais j’aurais jamais les moyens… Pour une petite maison peut-être, mais avec le terrain en plus… C’est mort, même avec l’argent du cabinet…

- Caro, céder, ça veut pas dire vendre…

- Vous voulez me donner un morceau de votre terrain, c’est ça?

- Ben oui!

- Non, non, non, je peux pas accepter… C’est trop, beaucoup trop… Je peux me débrouiller seule.

- Ecoute-moi bien, c’est pas de la charité, c’est pas de la pitié c’est juste un cadeau qu’on vous fait. J'ai envie de vous avoir près de nous, de pouvoir veiller sur ma fille et sur sa mère, de pouvoir passer un moment avec toi quand Clémence bosse, sans avoir à prendre la voiture, mais je pourrais comprendre que tu souhaite garder ton indépendance.

- Caro, prends le temps d’y réfléchir, on ne va pas signer les papiers dans la minute. Ça nous ferait plaisir de te l’offrir, ça me ferait énormément plaisir d’avoir ma super copine à côté de la maison, mais si t’en veux pas, c’est pas grave.

- J’ai pas dit que j’en voulais pas, c’est juste que… C’est un immense cadeau, et… Ça me gène… Mais je vais y réfléchir, promis.

- Prends ton temps…

Après un délicieux repas chez Céline et une courte nuit à Lézan, nous prenons la direction de Bost et de nos cinq heures de route à bord du break de mes parents. La traversée des Cévennes terminée, je m’accorde une première pose au bord du Tarn, pour prendre un second petit déjeuner. Il est tout juste huit heures, Clara se réveille difficilement dans mes bras, et Caro, de son côté, est silencieuse, Clémence s’occupe de servir le thé pour nous et un chocolat chaud pour la puce.

- Caro?

- Oui?

- Tu boudes?

- Non. Je suis émue de retrouver Papé et Mamé, de retrouver la maison, là où j’ai élevé Clara, de me replonger dans mon passé. Ça me fait drôle…

- Mais ça va aller?

- Oui… Je crois…

- Allez détends toi, t’es plus toute seule, on est tous les quatre maintenant. On va passer deux semaines géniales, tu vas revoir des copains et tes grand-parents.

- Ouais… Merci Juju.

Il ne nous reste plus que trois heures de route, la musique résonne dans la voiture et nos quatre voix s’élèvent en chœur pour massacrer quelques chansons en riant. L’autoroute traverse le parc naturel de l’Aubrac puis celui du Livradois et Clermont-Ferrand, avant d’atteindre les hauteurs de Vichy que nous découvrons sous un nouvel angle avec Clems.

Lorsque je gare la voiture sur le côté de la maison, je distingue clairement dans mon rétroviseur quelques larmes qui coulent sur les joues de Caroline, submergée d’émotion. Clara ne tient plus en place dans son siège et Clems se précipite pour la libérer tandis qu’un couple d’un certain âge, mais encore très alerte, vient à notre rencontre. La princesse s’éjecte de l’habitacle pour aller les embrasser tendrement, suivie de près par Caro qui l’imite longuement.

- Bonjour mes grandes…

- Papé, Mamé, je vous présente Justin et sa compagne, Clémence.

- Le voilà enfin ce fameux Justin!

Je dépose deux baisers sur les joues de la vieille dame, qui me tient un instant par les épaules puis je tends la main à son mari qui évite mon geste et me serre immédiatement dans ses bras. Je devine sur leur visages, dans leurs gestes, leur émotion et leur gratitude.

- Je suis enchanté de vous rencontrer. Merci du fond du cœur pour tout ce que vous avez fait pour les filles.

- C’était normal, nous n’allions pas les laisser dans le besoin, elles représentent notre descendance tout de même. Merci à vous Justin, d’avoir pris le relais, de vous occuper d’elles, de ne pas avoir fui vos responsabilités.

- Avec une fille aussi adorable que Clara, ça aurait été impossible de fuir, je suis tellement heureux de les avoir près de moi, que je ne me vois pas vivre sans elles.

- En tout cas, on voit qu’elles sont heureuses et c’est tout ce qui compte pour nous. Ma chérie, tu t'installes dans ton ancienne chambre avec Clacla, Justin et Clémence vous logerez dans la petite dépendance juste derrière vous. Prenez vos aises et reposez vous un peu du voyage, nous allons faire quelques commissions pour ce midi. J’ai déjà cuit un poulet, mais je n’avais plus assez de pommes de terre pour l’accompagner.

- Mamé, je peux venir avec vous?

- Si maman et papa sont d’accord?

- Caro?

- Bien sûr ma chérie. Mais sois sage et écoute bien. Mamé, tu pourras aussi prendre du fromage, Justin adore ça avec de la salade verte…

- J’ai déjà fait des provisions. Vous vous chargerez de mettre le couvert?

- Bien sûr…

La propriété est superbe, un ancien corps de ferme du milieu du dix neuvième siècle, en grande partie rénové, d’une part le bâtiment principal de deux étages, avec un petit garage, la maison des grands-parents, une grande remise encore en travaux et un grand appentis; en face, une sorte d’abri à voiture en bois avec un espace couvert pour sécher le linge et la fameuse dépendance qui venait juste d’être rénovée. Une partie du terrain, entre les bâtiments, forme une jolie cour herbeuse et abrite un poulailler ainsi qu’un clapier, dans ce parc grillagé poules, coqs et lapins cohabitent en harmonie. Derrière la maison, un charmant jardin fleuri et arboré complète la propriété.

Nous en profitons pour décharger la voiture et investir nos appartements respectifs, la dépendance n’est pas immense, mais suffisante pour nous deux et pouvoir y recevoir Caro et Clara: une grande pièce à vivre avec un petit coin salon, un coin cuisine et un coin repas, une jolie chambre avec vue sur la prairie et une petite salle de bain, le tout chauffé par un poêle à bois.

- Je l’avais pas encore vue terminée, c’est super chaleureux. Ça vous plait?

- C’est très bien, très charmant.

- J’aime la vue depuis la chambre, c'est apaisant.

- Je leur avais dit de faire poser une petite terrasse, avec le paysage, ça aurait été super agréable.

- Plus tard peut-être… Et toi, t’as retrouvé tes marques?

- Oui. Ca me fait vraiment bizarre de revenir ici… J’ai l'impression de ne jamais être vraiment partie.

Après avoir partagé un délicieux repas et dégusté quelques fromages locaux, nous nous accordons une petite sieste pour nous remettre du voyage. Les grands-parents de Caro sont adorables, ils nous ont immédiatement adoptés et nous avons déjà l’impression de faire partie de la famille. Les sujets les plus sensibles ont été évités à table, la discussion s’orientant plutôt sur la vie en Provence, nos projets pour l’avenir, notre relation.

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