Eté 2020
Après presque deux mois d’enfermement, avec l’arrivée du beau temps et des premières chaleurs, les premières mesures de déconfinement tombent et nous sommes autorisés à reprendre le chemin de l’école dès la mi-mai.
Nous nous laissons une semaine supplémentaire pour organiser notre reprise et mettre en place les mesures de distanciation des élèves. En effet, les mélanges entre les classes ne sont pas autorisés, nous devons donc compartimenter la cour et veiller à ce que la séparation soit respectée, les horaires d’entrée et de sortie de classe sont revus et échelonnés sur une heure matin et soir pour éviter au maximum le brassage entre les parents et les élèves.
Nous nous retrouvons face à des enfants inquiets, certains laissant deviner un certain traumatisme, que nous devons rassurer et d’autres simplement heureux de retrouver leurs copains, que nous devons tempérer.
Avec Leïla, nous essayons tant bien que mal de leur faire respecter le port du masque, la distanciation, mais ces mesures restent difficiles à faire appliquer à des enfants de leur âge. L’épidémie est loin d’être terminée, les cas sont encore nombreux parmi les familles et les enfants, entraînant plusieurs alertes dans les différentes classes et de nombreuses absences. Ainsi, nous demandons par l’intermédiaire de Bernard à ce que les parents qui le peuvent essaient de garder leurs enfants avec eux au moins deux jours par semaine.
Dans le même temps, le chantier reprend à Fressac et je suis heureux de savoir que tout se passe pour le mieux, même si l’assemblage final des conteneurs a pris du retard, les équipes s'attèlent à la rénovation de la bâtisse.
Dès le début du mois de juin je peux effectuer un aller retour sur-place pour constater l'avancée des travaux et reprendre contact avec le maître d'œuvre qui se démène pour obtenir l’arrivée des spécialistes des modules au plus tôt.
Sur le chantier, la grange est isolée, les fenêtres et la mezzanine en place, la toiture ouverte, la dalle sèche et les cloisons montées, il ne reste que les raccordements, la pose de la grande baie vitrée à l’étage et quelques aménagements à terminer. D’ici le début de l’été nous pourrons y loger et y vivre, même de façon précaire, profitant de deux pièces de l’étage, qui feront office de chambre, d’une salle d’eau entièrement équipée et des pièces du rez-de-chaussée qui serviront de pièces à vivre.
- De retour mon amour?
- Oui, avec de bonnes nouvelles. La grange est quasiment terminée, il ne leur reste que le carrelage de la salle d’eau à poser et un bon coup de propre. Les ouvriers pour l’assemblage et l’aménagement des modules arrivent mardi ou mercredi et tout devrait être terminé pour la fin de l’année.
- Cool tout ça…
- Je me languis d’y retourner voir les changements en vrai… Et de pouvoir y vivre, j’en ai marre de la ville et de la vie en appartement…
- Heureux de te l’entendre dire. Vous, ça se passe comment?
- Mieux… On a toujours quelques cas graves qui rentrent chaque jour, mais plus d’urgence vitale depuis jeudi matin…
- On a pris le coup, on est rodées…
- Vous vous en êtes bien tirées surtout, pas de contamination, pas de symptômes. Je suis fier de vous.
- C’est pas terminé, on risque de voir une nouvelle vague arriver d’ici la fin de l’été ou après, avec les vacances, la réouverture des écoles, des lieux publics. Tout le monde va relâcher son attention et nous on va encore souffrir…
- C’est pour ça qu’on va profiter de nos vacances… Dès que possible, on se casse dans les Cévennes, il parait qu’il y a du boulot à Fressac…
- Très bonne idée!!! On fait comme cet hiver?
- Ça risque de vous faire pas mal de trajets et beaucoup trop de fatigue. On se partagera les aller-retours en fonction de vos jours de repos et pas de trajet pour moins de 48h de repos. Essayez de poser vos congés ensemble, tant que la situation est un peu plus calme.
- Même là ils risquent de nous rappeler si besoin…
- Ou de nous les refuser…
- On tente le coup… On verra bien…
J’aurais aimé partir du côté de Peyrepertuse, revoir François, Marinka et surtout Zoé qui change et grandit à chaque salve de photos, retourner à Rennes le Château. Ils me manquent, mais les conditions sanitaires peuvent rapidement se dégrader et je préfère ne pas prendre de risques.
Ainsi, nous arrivons à passer le premier weekend de juillet dans nos Cévennes natales, le temps de faire le tour du chantier, de déménager quelques meubles dans la grange que nous aménageons pour pouvoir y vivre tout l’été dans un confort précaire. Nous profitons de ce premier voyage pour transporter quelques cartons d’affaires dont nous n’avons pas besoin, des albums photos, des livres, que nous stockons dans un coin de l’étage.
Jusqu'à la fin du mois de juillet, ma vie est rythmée par les matinées sur le chantier, à aider les uns et les autres, pendant que Clara profite du vaste terrain pour jouer, pédaler ou lire à l'ombre d’un arbre. Nous passons aussi un peu de temps à cultiver le potager dans lequel nous avons repiqué quelques pieds de tomates et de courgettes que Manu a fait pousser pour nous, quelques salades achetées à la pépinière du coin et apprenons ensemble à faire vivre cet espace. Le verger est en pleine forme et les fruits y sont délicieux, nous en profitons pour préparer confitures et compotes en conserves avec ma mère, provisions pour l’hiver.
Le weekend du 14 juillet, nous accueillons nos amis pour quelques jours et un triple anniversaire, pour rattraper ceux que nous n’avions pas pu célébrer plus tôt. Même si les filles ne seront présentes que le lundi et mardi, la surprise leur fera plaisir. Pour plus de sécurité, les tentes sont installées sur le terrain, nous avons prévu de rester à l'extérieur le plus souvent possible et, chaque matin, chacun a droit à son test avant de retrouver les autres.
- Mais qu’est ce que vous faites tous là???
- Il paraît que vous avez besoin de décompresser un peu, de vous changer les idées et qu’on a trois anniversaires de retard.
- Je suis super contente de vous voir!!! On peut s’embrasser?
- Trois tests négatifs pour chacun sur les trois derniers jours, ça te suffit?
- T’as tout prévu mon chéri! Venez tous ici!!!
Après avoir embrassé chacun de nos invités, je laisse Clems prendre des nouvelles de chacun de ses amis, pour rester avec Caro et les copains d’Avignon
- Mais comment vous avez fait avec le boulot?
- Avec Léa on a démissionné au mois de juin… Trop c’est trop… On a perdu trois collègues à cause du manque de matériel de protection… Aurore s’accroche mais c’est de plus en plus compliqué.
- Je compatis… On a tenu le choc avec Caroline, mais parce qu’on est deux, on se soutient et Clara est une vraie bouffée d’oxygène… Et toi Fab?
- J’ai posé mes congés depuis janvier, ils ont pas eu le choix après ce qu’ils nous ont fait subir. Renaud n'a pas pu venir par contre…
- On a pu prendre deux jours avec Sev, comme vous, mais on a préféré laisser la petite chez mes beaux-parents.
- Ça me fait plaisir de vous retrouver… Et beaucoup de bien. MERCI MON AMOUR!!!
- Vous allez être trop bien ici, c’est super calme, vous avez de la place…
- Oui… J’étais pas trop pour, au départ, encore déménager, nouvelle mutation, tout ça… Mais avec ce qu’on vient de vivre, je suis contente d’avoir pris cette décision, même si on ne pourra en profiter que dans un an, le temps qu’on ait fini les travaux et déménagé. Justin tient à terminer son année à Aix.
- Caro, je suis désolé mais Ingrid et Ju n'ont pas pu venir… Il a été malade la semaine dernière et il se sentait pas encore la force de faire la route…
- Je suis au courant, c’est pas grave. Je suis contente quand même de revoir tout le monde… Merci Justin, c’est une très belle surprise.
- Je sais à quel point ça a été dur ces derniers mois, je voulais vous offrir ce petit moment de décompression.
- C’est super gentil de penser à nous comme ça… Merci à tous d’avoir fait le déplacement, ça fait du bien de voir du monde.
- On ne pouvait pas refuser, vous nous manquiez trop. Ta… Votre fille a bien grandi, elle est magnifique.
- Elle ressemble de plus en plus à Justin je trouve. Elle a le même caractère, le même calme apparent.
- La pauvre!!!
- Merci Clairette!
- Elle est adorable en tout cas, on vient de passer deux jours avec elle, je me suis bien amusée.
- Merci Caroline…
Ces retrouvailles après les mois difficiles qui se sont écoulés font du bien à tout le monde, partager cette expérience difficile, trouver le positif malgré tout, se rappeler les bons souvenirs et être simplement réunis dans la joie et la bonne humeur, c’est une véritable bouffée d’oxygène pour nous tous. Seule l’absence d’Amy ternit un peu le tableau, mais elle se permet plusieurs appels en vidéo pour donner l’impression d'être parmi nous. De mon côté, j’aurais vraiment préféré qu’elle soit là, même si nous nous donnons des nouvelles régulièrement, qu’elle m’affirme à chaque fois qu’elle va bien, je suis toujours inquiet pour elle, surtout en cette période. Elle ne peut pas prendre l’avion pour voir ses parents, ne sait pas quand elle le pourra et même si elle n’a pas cessé le travail pendant le confinement, se retrouver coincée, seule, à Paris n’a pas été une partie de plaisir malgré les visites de son compagnon.
Annotations