Juin 2021

7 minutes de lecture

Après une troisième vague, un nouveau “confinement” et une nouvelle fermeture des écoles, suivi par l’apparition du pass-sanitaire, puis vaccinal, nous retrouvons enfin un semblant de vie normale. Les filles sont obligées de se faire vacciner rapidement sous peine de se retrouver interdites d’exercer, alors que je préfère attendre un certain retour d'expérience, prenant le risque d’une nouvelle contamination en étant au contact des enfants.

Plus le départ approche, plus nous sommes impatients. Les filles profitent de chaque repos de garde pour terminer de préparer et d'aménager nos maisons.

Nos mutations acceptées à compter de la rentrée de septembre, Clems et Caro en dispo pour les deux mois d’été, nous devons établir un programme précis pour profiter au mieux de ces longues vacances en famille.

Pour commencer, préparer le maximum de cartons, les transporter chez nous au gré de nos voyages, les vider au fur et à mesure et les rapatrier pour le voyage suivant, ce qui facilitera notre installation, à Aix nous ne gardons avec nous que l’essentiel et le minimum.

Ensuite, nous devons planifier deux semaines de vacances, une à Peyrepertuse, l’autre à Bost, en jonglant avec les dernières bricoles à terminer à Fressac. Enfin, terminer notre installation chez nous, préparer le programme de l’année scolaire, organiser les trajets pour les filles en fonction de leurs plannings et passer quelques journées en Avignon..

Je ne saurai que dans le courant du mois d'Août dans quel village, dans quelle classe j’enseignerai et Clara m’y suivra. Mon rêve serait de retrouver l’école et les classes de mon enfance, d’anciens instituteurs, peut-être croiser d'anciens camarades devenus parents à leur tour.

- Alors Mr Justin Fabre, tu languis?

- C’est rien de le dire Bernard… Même si je suis triste de vous quitter, ainsi que cette école…

- Tu seras de retour dans ta région et je sais que c’est important pour toi, si j’avais eu le choix à l’époque, je crois que je serais retourné dans mon sud-ouest natal. Mais j’ai pas eu la chance de trouver une femme qui soit de la même région que moi ou qui accepte d’y vivre, alors j’ai choisi de rester ici. Tu as la chance d’être entouré de gens qui viennent du même coin que toi et vous avez le privilège de pouvoir vous y installer définitivement, en famille, il faut en profiter.

- C'est vrai… Ca n’empêche pas que vous allez tous me manquer, toi, Leïla, les enfants, les collègues…

- Tu vas nous manquer aussi, ta bonne humeur, tes méthodes un peu révolutionnaires, ta jeunesse, mais tu pourras repasser nous voir quand tu veux, la porte de l’école te sera toujours ouverte.

- C’est gentil… Je change d’académie et de zone, pour l’hiver et le printemps, on sera en décalage de deux semaines, je viendrai vous voir avec Clara pendant nos vacances…

- Parlant de Clara, comment se présente ce nouveau déménagement?

- Elle a vraiment l’air heureuse là-bas, la campagne, le grand air, elle a besoin de ça pour continuer à s'épanouir. Je ne sais toujours pas ou je serai affecté, donc on a pas encore choisi l’école, mais j’ai prévenu l’académie par courrier qu’elle me suivrait quoi qu’il arrive. Ils ont tous les formulaires et n’auront qu'à les transmettre directement à l'école concernée.

- Bien anticipé…

- Elle se fera de nouveaux camarades sur place, comme elle a pu le faire à son arrivée ici. Elle a déjà quelques copains à Lézan, puis cette fois, c’est planifié de longue date, elle a eu le temps de s’y préparer.

- Prends bien soin d’elle quand même, c’est une enfant géniale et j’ai vraiment apprécié l’avoir dans ma classe ces deux années, mais elle est encore fragile. Continue à stimuler sa curiosité, sa créativité, ses envies de découvertes, elle en a besoin pour bien grandir.

- Si tu savais à quel point je passe de super moment avec elle, j’aime la voir apprendre, découvrir, s’acharner à essayer de comprendre.

Nous profitons aussi de nos derniers jours ici pour passer quelques soirées en ville, nous repassons à la B-E dire au-revoir à Gilles au cours d’une soirée avec Gaby qui semble triste d’apprendre notre départ.

- Tu vas pas te mettre à pleurer quand même?

- Ben… Ça me fait drôle de savoir que tu quittes la ville, on se voyait pas souvent, mais j’étais toujours contente de te croiser de temps en temps et là, je me dis que ça n’arrivera plus…

- On essaiera de se voir quand on repassera dans le coin avec les filles. On viendra reprendre un verre ici si tu veux.

- Je crois que je vais pas rester ici… J’ai envie de changer d’air… Et au cabinet, ça se passe pas super…

- Tu partirais où?

- J’en sais rien, je me donne jusqu’à la fin de l’année pour me décider… Peut-être retourner sur Paname…

- Tu veux que j’en parle à Julie? Peut être qu’une kiné ça pourrait les intéresser au centre de soins.

- Tu ferais ça? Juste pour pas que je retourne là-bas?

- Plutôt parce que je sais que t’en as pas vraiment envie, que tu préfèrerais trouver un boulot et rester ici. Gab, t’es bien placée pour savoir que je suis pas rancunier, je peux être blessant sur le moment, en colère oui, mais j’aime pas rester fâché avec les gens. Alors si t’es heureuse de rester ici, je veux bien le faire oui, en souvenir du passé.

- T’es un amour… Merci Juss…

- Je lui en parle à l’occasion et je lui laisse ton numéro?

- D’accord…

- Allez, je file… Les filles vont m’attendre. On se tient au courant?

- Oui…

Je suis touché par sa réaction, je sais que notre séparation brutale l’avait marquée et je ne pensais pas qu’elle serait émue à ce point de savoir que je quittais la région. Après une dernière embrassade, nous nous séparons au bord des larmes.

- Papa? Tu veux bien m’emmener à la Sainte Victoire?

- Encore?

- Cette fois je veux aller tout, tout en haut, jusqu’à la croix! Comme une grande.

- Si tu veux, il commence à faire chaud, mais on partira tôt le matin. Les filles? Ça vous dit un dernier pèlerinage?

- Samedi prochain, si tu veux. Clems?

- Oui! Un dernier panorama avant de partir.

- MERCI LES PARENTS, VOUS ÊTES GÉNIAL!!!

- Géniaux!

- Ah oui! C’est vrai! MERCI LES PARENTS VOUS ÊTES TROP GÉNIAUX!!!

Je dois avouer que l’idée est bonne, le soleil laisse à peine paraître ses premiers rayons lorsque nous posons le pied sur le sentier, l’air est encore frais, le ciel dégagé et tout le monde a hâte, Clara ouvre la marche et nous donne le rythme. Nous passons une superbe journée, la vue, en haut, est splendide, dégagée et nous pouvons profiter du panorama pour graver au fond de nous la beauté de cette magnifique Provence.

Sur le retour, après notre picnic dans la fraîcheur du prieuré, la chaleur nous assomme un peu et nous nous dépêchons de retrouver le sous-bois et son ombre salvatrice. A notre arrivée sur le parking, nous trouvons rapidement un coin tranquille au bord de l’eau pour nous rafraîchir avant de prendre le chemin de la maison.

- C’était cool cette randonnée, pour clore notre séjour ici.

- Ce qu’il y a de bien, c’est que c’est différent à chaque fois…

- T’étais déjà venu?

- Oui, pas jusqu’au sommet depuis quatre ans, mais les trois premières années ici, j’y montait souvent. Parfois, j’ai croisé personne de toute la journée et je peux vous dire que seul la haut, on voit la vie autrement, ça remet les choses en perspective.

- Dommage qu’on ait pas pu les mener dans le Verdon…

- Clara est encore trop petite, c’est beaucoup trop dangereux et difficile. Mais plus tard pourquoi pas.

- Tant que ça?

- Si je te dis que, même moi, j’ai eu du mal à finir la remontée du sentier de l’Imbut?

- Ah oui… Quand même…

- Mais ça vaut le coup d'œil, c’est majestueux, magnifique…

Nous profitons une dernière fois de la douce soirée, installés sur la terrasse en compagnie de Manu et Julie, pour un ultime barbecue. J’en profite pour discuter avec Julie du projet de Gaby.

- Ça pourrait être une bonne idée, il faudrait qu’elle suive quelques formations en médecines douces, massages Amma par exemple, pas juste de la kiné pure. J’en parlerai aux collègues et je te tiendrai au courant.

- Je te laisse son numéro pour que tu en discutes avec elle directement, si elle est prête à se former.

- Bien sûr… T’as autre chose à penser en ce moment…

- Oui…

- Mais c’est gentil d’avoir pensé à nous et de le faire pour elle…

- Je l’aurais fait pour d’autres… C’est juste un service rendu à une amie, comme je l'aurais fait pour Claire, David ou Caroline…

Cette dernière soirée tous ensemble signe la fin de notre vie ici et au final, après avoir couché Clara, aucun de nous trois n’a envie d’en faire autant. C’est seulement au milieu de la nuit, après avoir partagé nos meilleurs souvenirs ici, que nous nous assoupissons pour quelques heures sur les fauteuils de notre terrasse.

Le lendemain, les premier rayons du soleil nous réveillent tôt et malgré les quelques heures de sommeil, je me sens en pleine forme. Les filles prennent la direction de Fressac, tandis que je passe encore quelque jours seul ici pour terminer mon année scolaire et dire au-revoir à tout le monde.

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