Enfin chez nous!

Je suis soulagé de poser le pied dans les Cévennes, mais surtout de retrouver Clémence et son sourire après ces quelques jours de solitude, de profiter enfin de ma maison. Clara aussi me manque, mais quelques soucis de santé pour sa grand-mère ont poussé Caroline à anticiper leur départ pour l’Auvergne d’une dizaine de jours. Rien de bien grave, à priori, mais elle a préféré faire le voyage immédiatement, inquiète et être à ses côtés pour rassurer tout le monde.

- Mon amour, tu m’as manqué…

- Tu m’as manqué aussi… C’était vide à Aix sans toi…

- T’as pas trop eu le temps de t’ennuyer d’après ce que tu m’as dit…

- C’est sur… Ca m’a fait drôle de partir, de me dire que ma vie n’était plus là-bas, mais ici…

- Et Gaby?

- Tu me fais une crise de jalousie?

- J’ai bien vu son attitude quand vous êtes restés à discuter l’autre soir… Elle minaudait, elle arrêtait pas de poser ses mains sur toi, je suis sur qu’elle a fait semblant d'être triste juste pour que tu la prennes dans tes bras…

- Clems, arrête, je t’en prie! Elle était sincère, je te le promets.

- Tu parles!

- Tu crois franchement qu’elle est capable de jouer à ça avec moi? Que je ne suis pas capable de m’en rendre compte? On a vécu plus d’un an ensemble, je te rappelle, je la connais assez pour savoir… On a juste passé la soirée ensemble mardi et elle récupère la maison dès que Manu aura terminé.

- La soirée de mardi?

- Oui… J’étais vraiment pas bien après mon départ de l’école.

- Je m’en suis rendu compte quand tu nous as téléphoné, mais t’aurais dû nous rappeler…

- J’avais besoin de compagnie, de me changer les idées, elle m’a appelé pour me remercier de l’avoir mise en contact avec Julie pour le boulot, je l’ai invité à venir. On a mangé un bout, discuté un long moment au bord de la piscine, surtout de sa future association avec Julie, puis on s’est endormi sur les chaises longues.

- Vous avez fait que dormir?

- Bien sûr, qu’est ce que tu t'imagines!!! On a parlé de nous deux aussi, enfin, de nous quatre, elle m’a dit de te féliciter, elle aurait pas supporté le retour de Caro et Clara à ta place…

- Tu m’étonnes! Y’a que moi qui suis assez tordue pour accepter de devenir copine avec la mère de ta fille…

- C’est pour ça que je t’aime.

Après un repas en tête à tête et une sieste crapuleuse, nous passons l’après-midi avec nos parents, heureux de notre retour, nous nous offrons, luxe ultime, un repas au restaurant et une séance de cinéma à Alès, puis, sur le retour, un bain de minuit coquin dans le Gardon.

Nous profitons de la semaine qui nous est offerte ensemble, la première depuis de nombreuses années, pour nous activer dans le jardin, la maison et faire du sport en amoureux.

*****

- Super-Papa!!!! Super-Tata!!!!

- Coucou ma princesse. Tu m’as manqué.

- Toi aussi.

- Salut Caro, les nouvelles sont bonnes?

- Oui, très, c’était rien de grave, une bonne chute de tension, surement à cause de la chaleur. Elle a un peu de mal à récupérer mais avec du repos, ça va aller. Je crois qu’elle a compris qu’elle devait se ménager à cette saison, surtout l’après-midi, quand il fait chaud.

- C’est sur… Vous venez manger avec nous quand même?

- Bien sûr. Vous passerez la voir dans l'après-midi?

- Oui. On ne va pas la déranger maintenant.

- Tu parles, elle attend que ça…

- Bon, on lui fait juste un coucou et on se met à table.

Nous saluons Papé et Mamé, qui semble encore fatiguée mais affiche un sourire radieux, prenons quelques rapides nouvelles avant de traverser le jardin pour prendre possession de notre appartement. Je vois que Caro a passé quelques heures ici, tout est propre, rangé et paré pour nous accueillir, un petit bouquet de fleurs des champs trône sur la table avec un petit mot de Clara, les bières sont dans le frigo. Bref, il flotte ici un véritable air de vacances qui dure toute une semaine.

De vraies vacances, nous en avions tous besoin après les événements des deux dernières années et nous profitons à fond: balades et retrouvailles avec les amis, farniente, baignade, sport. Les filles ont un peu lâché depuis le début de la pandémie et ce sont elles qui décident de programmer les séances pour les deux mois à venir. Je prends aussi du temps pour étudier et préparer les programmes de l’année, pour chaque classe, ne sachant pas à quelle sauce je serais mangé à la rentrée.

Les retrouvailles avec François, Marinka et Zoé ont lieu pour le weekend du 15 août, avec la surprise de retrouver une Marinka resplendissante avec un ventre de nouveau arrondi et Zoé qui nous annonce avec fierté l’arrivée d’un petit frère pour le début de l’année prochaine. Finalement, ce sont eux qui se sont déplacés pour venir découvrir les Cévennes, voulant par la même occasion honorer l’invitation formulée des années auparavant. Leur logement de fortune dans le garage semble les ravir et la rencontre avec Manu et Julie, venus nous rendre visite, tout autant.

Clara joue à la nounou avec Zoé sous les regards attendris de leurs mères qui passent leur temps à discuter bébé et grossesse, Julie conseille Marinka sur les soins à essayer, Caro partage avec elle son expérience et Clems les écoute avec beaucoup d’attention.

Quant à nous trois, nous faisons le tour du terrain, du potager et du verger, j’écoute avec attention les conseils avisés de mes deux amis sur la taille des arbres fruitiers, l'entretien du potager, les essais de culture à faire. Je les embauche aussi pour quelques tâches un peu trop physiques pour les filles comme le remplacement d’une partie du grillage et leur donne une formation accélérée en création de murets en pierres.

- Ça a l’air facile quand tu l’explique…

- C’est vrai… Mais c’est qu’une impression, les premiers, ils ont duré deux jours avant que je les détruise…

- Pourquoi?

- Ils étaient vraiment moches… Les pierres étaient pas jointes comme il faut, le mortier avait débordé…

- Je crois que je vais t’embaucher sur mes chantiers Juss, tu bosses aussi bien que mon artisan.

- Mais deux fois moins vite…

- Pas sûr…

- En tout cas c’est sympa ce que vous avez commencé à faire. Et garder la façade de la grange à l'identique avec l’énorme porte en bois, pour cacher la porte plus moderne sur l’arrière, c’est vraiment une très bonne idée.

- On ne voulait pas dénaturer le bâtiment et lui laisser son aspect d’origine, tout en lui trouvant une utilité. C’est pratique pour loger les invités ou quand on rentre du sport et qu’on est plein de boue, ça évite de pourrir la maison, on va bientôt commencer à installer notre salle de sport à l’étage et le jacuzzi sous la verrière.

- Vous allez être bien là-haut, avec la vue sur les Cévennes.

Nous les emmenons tous les cinq pour un picnic au château de Fressac, profitant d’une journée un peu nuageuse et plus fraîche, puis au bord du Gardon pour une journée de baignade. Nous organisons aussi un aller retour au marché de St Jean du Gard, en train à vapeur suivi d’une visite de la bambouseraie.

Plus les jours en leur compagnie passent, plus je sens Clémence rêveuse, ailleurs, comme perdue dans ses pensées, pourtant, elle reste toujours aussi tendre et câline avec moi.

Caro aussi a changé de comportement, elle sourit quand elle me regarde avec un peu trop d’insistance, essayant d’être discrète, fuyant lorsqu’elle sent mes yeux essayer de la sonder.

Pendant la semaine, je reçois également des nouvelles de mon affectation définitive pour la rentrée et ce sera le poste dont je rêvais, dans l’école de mon enfance, avec une classe de CM1/CM2. J’ai adoré enseigner à mes petits élèves à Aix, mais pouvoir travailler avec des enfants plus âgés offre de nouvelles possibilités de sorties, d’activités, d’apprentissage, quelque chose de plus dynamique. Surtout je vais de nouveau enseigner à Clara et participer une nouvelle fois à son instruction.

Après le départ de nos invités, nous allons, tous les deux, prendre nos premières marques, nous passons devant notre future école, je lui parle de mes souvenirs ici et lorsque je devine du mouvement à l'intérieur du bâtiment, je tente ma chance et sonne au portail..

- Bonjour monsieur.

Je reconnais immédiatement mon ancienne institutrice de CE1 et CE2

- Bonjour Mme Pagès.

- On se connait?

- Justin. Justin Fabre.

Je lui tends poliment la main.

- Le petit Justin??? Mon dieu!!! Je ne t’aurai pas reconnu… Tu as bien changé et cette petite?

- Je vous présente Clara, ma fille.

- Ta fille? Mais… Tu es encore jeune pour avoir une si grande fille.

- Je vous expliquerai plus tard, lors de la prérentrée. Est-ce que je peux lui faire faire une petite visite?

- Tu viens te rappeler tes souvenirs?

- Et prendre mes marques pour la prochaine rentrée. Je suis le nouvel instituteur des Cours Moyens.

- C’est pas vrai? Je suis ravie de voir un de nos anciens élèves revenir enseigner au pays, c’est rare de nos jours. Entrez donc. Tu verras, ça n’a pas beaucoup changé, comme l’équipe enseignante, tu vas retrouver des visages connus à la rentrée.

- Merci. Mr Jouves enseigne toujours ici?

- Bien sûr, il doit être ravi lui aussi, s’il a compris que c’était toi qui venait prendre le poste.

- J’en doute à peine…

- Il doit revenir demain, tu peux repasser?

- Certainement.

J’entraine Clara avec moi et nous faisons un tour des lieux, je lui montre rapidement les différentes classes, la bibliothèque, la petite salle informatique, lui raconte encore quelques souvenirs. Je retrouve avec plaisir l’odeur particulière qui flotte toujours ici, même si les travaux de rénovation et de mise aux normes ont enlevé un peu du charme du passé, ce parfum n’a pas changé.

Avant de partir, nous saluons Mme Pagès, qui nous raccompagne et à qui je donne rendez-vous pour les jours suivants, pendant lesquels je viendrais rencontrer mes futurs collègues et aménager ma classe.