Octobre 2021
Malgré l’émotion de cette superbe nouvelle et les questionnements qu’elle engendre immédiatement sur les mois à venir, j’essaye de ne pas perdre le fil de mon programme avec les enfants et surtout avec nos projets à venir.
Dès le milieu du mois de septembre, nous avons aussi subi notre premier épisode cévenol et avons surveillé avec une pointe d’inquiétude le premier débordement du Conturby, sans aucune conséquence pour nos habitations malgré presque trois heures de pluies diluviennes ininterrompues. Fort heureusement, pour nous du moins, l’orage s’est déchaîné à quelques kilomètres au sud, du côté de Quissac et jusqu’au sud-ouest de Nîmes.
Le second, a lieu dès le premier weekend d’octobre et cette fois c’est plus au nord que les pluies et les dégâts furent les plus importants, même si le niveau de notre petit ruisseau a été fortement impacté, sans pour autant présenter le moindre risque pour nous.
Si nous avons eu des raisons d’être inquiets, nous sommes maintenant rassurés par l’issue de ces épisodes, nous avons encore de la marge sur le niveau maximal atteint par le cours d’eau avant de le voir simplement venir lécher les pilotis de nos habitations.
Au début du mois, je prends contact avec la mairie de Fressac pour organiser une visite guidée du château avec mes élèves. C’est ainsi que je prends connaissance de l'existence d’une association qui prend en charge la restauration et l'entretien du monument. Immédiatement, je me rapproche de son président à qui je présente mon projet et qui m’invite à venir participer à un gros nettoyage d’automne avec mes élèves, après les nombreuses visites des touristes tout au long de l’été.
Deux semaines plus tard, le temps d’organiser la sortie, trouver un moyen de transport et de présenter le projet aux différentes parties, nous débarquons au pied de la colline où nous rejoignons Jean-Charles et ses bénévoles.
Après notre première rencontre et la première visite du site à ses côtés, son enthousiasme face à mon projet, à l'aide précieuse que je voulais lui apporter m’avaient plu.
Chaque groupe de cinq enfants équipés de gants et de sacs poubelles est encadré par un adulte. Une fois les groupes constitués, nous entamons l'ascension, courte mais raide, par un petit sentier qui serpente au milieu des arbres.
Au pied du château, un véhicule mis à disposition par la mairie nous attend, ainsi qu’une collation en guise de petit déjeuner. Une fois les consignes énoncées, chacun des groupes s’attelle à sa tâche à l'extérieur de l’édifice regardant tout de même avec curiosité et envie l'intérieur de l’enceinte.
La visite, sous la direction de Jean-Charles, est prévue pour le début d'après-midi, après le pic-nic préparé par les membres de l’association. Je suis ravi de voir l'implication minutieuse de mes élèves tout au long de la matinée, de constater que tous sont à l'écoute de leurs encadrants et d’observer que le mélange des générations est une réussite.
Après deux bonnes heures de nettoyage, la petite benne du véhicule est pleine et quelques sacs ont même dû être entassés dans un coin, attendant un second voyage. Je décide de siffler la fin de la matinée et de rassembler tout le monde devant l’entrée pour une présentation historique du lieu.
Jean-Charles leur parle pendant une petite demi-heure du passé du château, des événements qui s’y sont produits,des travaux qui ont déjà été réalisés par l’association et des risques à pénétrer sans guide à l'intérieur des murs.
- Mr Bourjac, pourquoi il n’y a pas de route pour venir?
- Il y en a eu une, qui arrive directement du village et qui file sur la crête, mais elle est en très mauvais état, c’est même devenu un chemin avec le temps, c’est d’ailleurs la prochaine étape de la restauration. Nous allons dégager la terre qui se trouve au-dessus des pavés, réparer les secteurs trop abîmés et créer des escaliers par endroits pour faciliter la montée.
- Mais vous allez reconstruire tout le château après?
- Non, on préfère le laisser en l’état. Pour l’instant, nous devons rendre la visite intérieure plus sûre, sceller les pierres qui bougent, éviter que les murs ne s’écroulent encore, déblayer et nettoyer le sol, mais la première des choses à faire pour nous en cette fin d’année, ce sera de débroussailler les alentours et l'intérieur. D’autres questions, les enfants?
- Gardez-les pour la visite de cet après-midi. Merci Jean-Charles. Je crois que tout le monde a bien mérité son repas, bravo les enfants pour votre superbe travail et bon appétit.
Le repas terminé, j’impose un temps calme pendant lequel je leur propose de commencer leur projet de fin d’année en réalisant quelques esquisses du château, que nous compléterons, lors de nos prochaines visites, de photos. De mon côté, assis contre le tronc d’un arbre, plongé dans la contemplation des vieux murs en pierres, je me laisse gagner par l’inspiration et commence à composer quelques strophes solitaires.
Posé sur son promontoir, surplombant la plaine,
C’est avec majesté qu’il veille.
Quelques soldats, pas plus d’un vingtaine,
L’arrivée de l'ennemi, surveillent…
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Ici point de roi, point de reine,
Ni prince, ni princesse,
Simple protecteur des Cévennes,
A-t-il un jour abrité une seule richesse?
****
Refuge des Camisards, de la révolte à la reddition
De ses pierres émanent les souvenirs de son histoire.
Passé de main en main puis laissé à l'abandon,
De ce passé tumultueux il reste la mémoire.
Notre journée se termine avec la visite des ruines, récompense pour ces quelques heures de nettoyage, accompagnée de nouvelles explications très instructives de Jean-Charles qui nous précise que même en connaissant parfaitement l’édifice il a été très difficile d’identifier la fonction de chaque pièce, d’imaginer le château comme il devait l’être aux siecles precedents. Tout au long de cette visite, les questions pleuvent et les enfants semblent véritablement intéressés par cet édifice.
Même lorsque nous prenons le sentier pour rejoindre notre point de départ, certains continuent à discuter avec nos accompagnateurs du jour, pour leur plus grand plaisir.
- Merci Jean-Charles pour cette superbe journée, je pense que vous avez réussi à les convertir à votre passion. De mon côté, je suis ravi de ce que j’ai appris aujourd’hui et j’essaierai de venir vous aider sur les différents chantiers.
- Merci à vous Justin, c’est un véritable plaisir de partager avec les plus jeunes, j’espère que d’ici quelques années ce sont eux qui reprendront le flambeau. Merci les enfants pour l’aide apportée, aujourd’hui, j’espère que vous reviendrez nous voir bientôt pour la suite du chantier.
- MERCI M. BOURJAC.
- De rien les enfants, rentrez bien. Justin, au plaisir de vous revoir parmis nous.
- Merci à toute l’équipe aussi pour votre patience. Allez! En voiture!
De retour en classe pour quelques minutes, je collecte les dessins de chacun et leur demande de me rédiger un petit texte pour résumer cette journée, que je corrigerai et noterai comme une rédaction.
- Alors, vous avez passé une bonne journée?
- C’était super bien maman!
- Et toi mon chou?
- Je suis très fier d’eux, ils ont été très attentifs, très sérieux toute la journée et on a appris pas mal de choses sur l’histoire du château et de la région.
- C’est cool. Merci de l’avoir raccompagnée.
- Ca me fait une petite balade avant d’aller me coucher, puis tu prends soin de ma femme, c’est juste un retour des choses.
Je la serre rapidement dans mes bras, dépose un baiser sur sa joue et retourne auprès de ma belle qui doit m’attendre pour le repas. Rapidement, nous avions pris ce rythme tous les quatre, quand elles sont de garde de jour, je garde Clara chez nous jusqu’à leur retour de l'hôpital, elle prend sa douche et son repas à la maison. Lorsque Clémence rentre, je raccompagne la princesse ou je la renvoie chez elle seule en veillant de loin, même si le coin est plutôt tranquille, le terrain clos et le portail fermé, on ne sait jamais. Lorsqu’elles sont de garde de nuit, Clara me rejoint, mange et dort à la maison, dans sa chambre et les filles font un crochet par l'école pour nous voir en rentrant le lendemain matin.
- Mon coeur, j’aime te voir sourire comme ça en rentrant à la maison après une journée de boulot. Je sais que t’as passé une super journée…
- Toi aussi à ce que je peux voir, ça change d’Aix quand tu rentrais crevée et minée par ta journée aux urgences.
- Je me sens beaucoup mieux, moins fatiguée, moins stressée et les nuits sont vraiment beaucoup plus tranquilles qu'aux urgences ou en réa. Puis voir naître la vie plutôt que de côtoyer la mort, ça aide un peu…
- C’est vrai que j’ai passé une super journée, les enfants ont été au top, les bénévoles aussi…
- Cool! On se met à table? On a la dalle!!! T’as préparé quoi?
- Soupe de butternut aux châtaignes et aux lardons, avec un peu de fromage fondu.
- Miam!!! Tu les as trouvés où?
- Ma mère… Elles ont trié les châtaignes et coupé le butternut avec Clacla…
- Sympa… T’es allé courir un peu du coup?
- Oui. Mais après la grosse journée qu’on a passée, c’était dur…
Au fil des jours, le ventre de Clémence a commencé à s'arrondir discrètement et j’aime me glisser doucement dans son dos pour venir y poser délicatement les mains en silence. Je trouve un certain bonheur à me dire que juste là dessous, une petite graine, semée quelques mois auparavant, a germé et commence à pousser doucement pour nous donner, dans quelques mois, notre premier enfant. Dans ces moments, je devine son sourire étincelant lorsqu’elle vient recouvrir mes mains des siennes, entrelaçant nos doigts en basculant la tête en arrière.
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