Printemps 2022
Petit à petit, notre rythme de vie a changé pour se plier à celui du petit prince qui nous accompagne, promenades en famille sous le soleil, siestes dans le jardin, visite à nos parents, le tout avec l’aide précieuse de Clara qui a appris à décrypter les pleurs de son petit frère avec une rapidité et une aisance déconcertante, et qui se plaît à s'en occuper.
Maël change de jour en jour et se pose en digne successeur de son père pour ce qui est des repas, tétant avec envie et appétit, ce qui se voit rapidement avec sa garde robe, il hérite du caractère calme et posé de Clems, rien ne semble le perturber, ni les voyages, ni les horaires aléatoires qu’ils imposent.
Nous en profitons donc pour aller passer un week-end à Aix, rendre visite à nos anciens collègues de travail, ainsi qu'à Julie et Manu, retrouver la vie débordante du centre-ville, l’ambiance toujours joyeuse et quelques-uns des lieux qui ont marqué notre vie ici.
Je suis heureux de retrouver la ville et mon ancienne école, lors de la sortie des classes, où chacun se fend d’un mot gentil pour nous féliciter, parents, enfants et enseignants. Clara aussi est ravie de retrouver certaines copines et ce plaisir est réciproque, mais la palme revient à Leïla, qui affiche un immense sourire ému en nous voyant et viens nous prendre dans ses bras.
Puis nous retrouvons Julie, Manu et Inès sur leur terrasse pour la soirée, leur fille est arrivée au tout début du mois de mai. Elle est un savant mélange du charme de sa mère et des traits sérieux de son père, la peau mate de Manu, les yeux en amande de Julie, de petites fossettes au menton et sur les joues. Julie, comme Clémence a choisi d’accoucher de la façon la plus naturelle possible, nous en profitons pour échanger sur nos expériences, pendant que Clara retrouve avec joie le jardin dans lequel elle passe un long moment à se balader au milieu des arbres munie de son carnet de croquis et de quelques crayons.
- Je vois qu'elle n'a pas changé, toujours son carnet et ses crayons à portée de main.
- Tout à fait, elle est hyper douée, si tu voyais les dessins du château qu’elle a fait, c’est juste incroyable.
- Ceux de la grange et du jardin aussi…
- C’est génial qu’elle arrive à s'occuper aussi simplement et calmement.
- C’est pas toujours le cas, souvent elle vient courir avec nous aussi et je peux vous dire qu’elle a du potentiel…
Nous sommes interrompus par l’arrivée de Gaby qui termine sa journée au cabinet
- Coucou la famille!!! Je suis trop contente de vous voir!!!
Elle vient immédiatement se pencher sur la poussette dans laquelle Maël vient de sursauter.
Il est vraiment trop chou… Le regard profond et clair de sa mère, le sourire ravageur de son père…
Puis elle vient nous enlacer tendrement.
- Salut Gab. T’as l’air en pleine forme.
- Un boulot qui me plait, des collègues au top, du temps pour faire du sport et la vie à la campagne. Rien de tel pour retrouver la forme et le moral. Vous voir ici tous les cinq, c’est la cerise sur le gâteau. Comment va la vie dans les Cévennes?
- La campagne, le grand air, Maël, c’est que du bonheur!
- Ça se voit, vous êtes déjà tout bronzés et souriants.
Nous passons un long moment à discuter tous ensemble, prendre des nouvelles et leur raconter notre vie. Nous les quittons pour rejoindre notre hôtel après notre barbecue traditionnel, alors que la nuit est tombée et que Maël s’est endormi au creux de mes bras après son dernier repas de la journée. Le lendemain, après un petit déjeuner à la B-E où je retrouve un Gilles toujours aussi avenant et souriant, nous rejoignons la forêt de cèdres, le Luberon et le mont Ventoux qui s’élève au loin. La journée de promenade se déroule dans la douceur qui règne à l'ombre des grands arbres et rend la balade agréable, Clara va et vient à quelques longueurs de nous, s'arrêtant de temps à autre pour fixer dans sa mémoire le paysage.
Tous nos amis viennent nous rendre visite à l’occasion de l’anniversaire de Caro, au cœur du mois de mai pour passer un weekend joyeux de vraies retrouvailles avec toute la troupe à la maison.
Dès la fin de ce week end festif, Caro décide de mettre en route son projet d’enfant de la façon la plus naturelle possible, sans acte médical ni de rendez-vous chez un spécialiste. Après avoir pris tous les renseignements, elle avait choisi de tout faire à la maison. Même si celà est interdit en France, elle avait choisi l’insémination “artisanale”, une simple seringue stérilisée, quelques accessoires et mon don. Il lui suffisait ensuite de “s’injecter” ma semence, de rester allongée dans la position pendant un moment et d’attendre le verdict. Elle avait prévu, pour augmenter les chances de réussite, de renouveler l’opération à plusieurs reprises pendant sa période d’ovulation.
Même si les jours qui suivent, le suspense est insoutenable, nous devons continuer à vivre presque normalement, bébé, boulot, jardin, mais surtout l’anniversaire de Clems avec un weekend à Montpellier en famille.
Je retrouve avec joie le centre ville, que nous faisons découvrir aux filles et à Maël en compagnie de Léa, Cécile, Fabien et leurs moitiés. Je me remémore avec une pointe de nostalgie la première fois que j’ai découvert ces lieux, la situation difficile à cette époque, annonçant notre rupture imminente avec Clémence, leurs conseils avisés, leur soutien. Mais redécouvrir ces endroits aujourd’hui, en famille, après tous ces aléas, mains dans la main avec Clems, me pousse à regarder rapidement en arrière et à voir l’immensité du chemin parcouru depuis ce jour-là, il y a tout juste neuf ans.
- T’as l’air ailleurs mon coeur. T’es sur que tout va bien?
- Oui… C’est simplement que revenir ici, ça me rappelle beaucoup de choses, et ça me fait réaliser tout le chemin qu’on a parcouru depuis: les bas, les hauts, Amy, Gab, Caro, Clara, Maël et nous deux surtout. Ça me rend à la fois nostalgique et fier, triste et heureux, je me dis que, finalement, on a fait les bons choix.
- Bons mais risqués… Si ça s’était bien passé avec Nico ou Amy… On serait pas là tous les cinq, en famille.
- Tous les cinq non, tous les quatre non plus, mais tous les deux, un jour comme aujourd’hui, j’en suis sûr.
- T’en as pas marre d’être toujours aussi optimiste?
- Non, parce que j'ai survécu à tout ce qui était censé me détruire, parce que quand j'ai été à terre, je me suis relevé, grâce à toi, à mes amis, à ta présence, même lointaine. Chaque fois que j’étais sur le point de tout lâcher, parce que j’en avais marre de ma vie, je fermais les yeux et je voyais ton visage, ton regard, ton sourire, ça m’a rappelé que nous étions liés et que j'avais pas le droit de te laisser tomber. Pendant des années t’as été tout ce qui m’a rattaché à la vie…
- Juss… Merci… Je sais pas quoi te dire d’autre, je sais que je compte énormément pour toi, autant que tu comptes pour moi, pourtant, chaque fois que tu me le dis, ça me rend tellement heureuse et tellement amoureuse.
- C’est tout ce qui compte. Je t’aime aussi.
- C’est bon tous les deux? Ou vous comptez nous en faire un deuxième?
Personne n’était au courant de notre projet en cours avec Caroline et nous ne savions pas encore comment nous allions expliquer cela aux gens lorsque le moment serait venu. Sur le coup cette remarque sonna donc un peu bizarrement à nos oreilles et un regard complice avec Caro nous confirma que nous n’étions pas les seuls. Mais nous en avions entendu d’autres et je décide de le prendre a la rigolade,
- Et pourquoi pas? Après tout, j'ai deux superbes femmes à mes côtés chaque jour, ce serait con de pas en profiter.
- Laisse tomber, je suis pas encore totalement remise de mon accouchement, j’ai encore besoin de temps avant de faire subir ça une deuxième fois à mon corps.
- Caroline, il lui reste que toi du coup…
- Ben… Heu… Mais non!!! Ça va pas ou quoi!!! C’est dégoûtant!!! Vous feriez ça avec votre frère ou votre sœur?
Elle prend son air faussement choqué et nous adresse un sourire en coin accompagné d’un petit clin d'œil en se tournant vers nous.
- Vous savez, j’ai une fille magnifique, un petit garçon adorable et je trouve que je me suis bien démerdé, alors, à part pour le plaisir j’y vois aucun intérêt pour l’instant… Et pour ça Clémence me suffit amplement.
- Vu comme ça…
La journée est agréable, l’été pointe tranquillement le bout de son nez en compagnie des premiers touristes, Clara semble apprécier la balade armée de son nouvel appareil photo, tout comme son petit frère qui lance de grands sourires à chacun de ses pousseurs successifs.
En fin d'après-midi, avant notre départ, nous retournons saluer le personnel de l'hôpital de Montpellier et leur présenter Maël qui, bien qu’épuisé par la journée, se pare une nouvelle fois de toute sa bonne humeur et de ses plus beaux sourires.
- Salut la petite famille! Bon anniversaire Clémence.
- Salut Nico, qu’est ce que tu fais là?
- Je viens dépanner, ils sont en galère de médecins aux urgences, alors on se relaye pour renforcer les équipes. Et vous?
- On est venu faire visiter Montpellier à Maëlou et aux filles, voir un peu les copains. Se changer d’air…
- Il est vraiment chou. Vous pouvez pas le renier ce p’tit bout, il vous ressemble comme deux gouttes d’eau.
- Merci. Ça roule de ton côté?
- Oui, Alina grandit doucement, Sev est formatrice à l'IFSI maintenant et d’ici deux mois un petit bonhomme doit arriver.
- Super nouvelle, félicitations.
Nous faisons durer un peu la visite malgré la fatigue de notre petit bonhomme, je sens que l’ambiance qu’elle a connu ici avec ses anciens collègues, ainsi que le rythme effréné des urgences, manque à Clems, qu’elle se languit déjà de retourner au boulot.
Annotations