Vengeance
Trois coups résonnèrent dans la maison d’Hélène. Qui pouvait bien les déranger à cette heure si tardive, se demanda-t-elle.
Lentement, elle se leva, et se dirigea vers le judas de la porte. Ce qu’elle vit, elle n’en croyait pas ses. C’était impossible. Elle croyait rêver. Elle ouvrit la porte avec difficulté, les clés tremblaient tellement dans sa main, emportée par l’émotion.
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— Pierre ! On te croyait, disparu.
Elle le serra longuement, comme seule une mère sait communiquer son amour, sans avoir à prononcer le moindre mot.
— Ton visage. Tu as tellement changé, que t’est-il arrivé ?
— C’est long à expliquer, maman.
Elle glissa sa main avec tendresse, sur la joue creusée de son fils. Il était tellement amaigri. Son séjour en prison avait entamé ses réserves de gras de sa vie de consommateur sédentaire.
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Hélène devinait, dans le silence, le poids des épreuves. Elle ne souhaitait pas en savoir davantage. La seule présence de son fils, qu’elle n’avait pas vu depuis presque dix ans, suffisait à son bonheur.
— Charles ! Une larme roula sur sa joue, et glissa entre les rides de ses yeux, que le poids du temps avait marqué. Pierre est revenu.
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Après ces retrouvailles chaleureuses, Pierre monta dans sa chambre d’adolescent, qui n’avait pas changée depuis qu’il avait quitté le cocon familiale. Il se regarda longuement dans le miroir, et prit une grave décision. Dans la profondeur de son regard se dessinait la détermination sans faille d’une vengeance à venir. Il allait punir ceux qui avaient piétinés son honneur, et se venger du vol des dix années qui venaient de s’écouler, sans lui.
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Il avait taillé sa barbe, d’hirsute, elle était enfin proprement taillée, mais fournie. Tout comme ses cheveux, le brun était blanchi par le profond changement qui avait opéré en lui, en prison. Il était différent. Il avait même perdu plus de vingt kilos ! Mais il se sentait en forme. Il était prêt à exécuter son plan qu’il avait élaboré. C’était son espoir, ce qui le faisait tenir. Sans ça, seule la folie ou la mort l’auraient libérés.
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Il retrouva aisément Jack. Il devait être le premier à subir la punition de l’ange vengeur, de ses actes qui avaient souillés les corps et condamnés les âmes.
Pierre prit son temps pour étudier les déplacements, et les habitudes de Jack. Il n’avait pas changé, et sa routine non plus.
Jack était sportif, c’était sa seconde obsession, après le sexe. Il s’entrainait trois fois par jour, et le matin, à 7h précises, il était seul dans son jardin.
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Le lundi matin qui suivi, Pierre se positionna dès six heures, dans le jardin de Jack. Il se camoufla dans les hauts buissons qui entouraient son terrain. Il attendit que Jack se positionne sur son banc de développé couché, qu’il utilisait toujours en premier.
La froid du matin engourdissait ses doigts, qu’il réchauffait en soufflant dessus. Les premières lueurs de l’aube faisaient briller le ciel. C’était une belle journée qui commençait.
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Jack faisait du développé couché. Il se concentrait pour lever les lourds poids qui défiaient la gravité. Il n’avait qu’une obsession, faire grossir ses pectoraux, comme s’il devait justifier sa virilité au travers d’une obsession sur sa propre poitrine. Freud se ferait la joie d’analyser cette pratique, se dit Pierre en souriant, où peut-être étais-ce le bonheur de ce qui allait arriver, qui le faisait sourire.
— Adieu, Jack, dit Pierre d’une voix sortie d’outre tombe.
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Jack écarquilla les yeux, il était terrifié. Pierre souriait au dessus de lui.
Il n’eut pas le temps de voir la lourde masse, qui vint s’écraser contre son visage, avec violence. Il était trop préoccupé à tenter de reposer la lourde barre, qui s’écrasa elle aussi, contre ce qui restait de sa tête, qui pendait avec un angle tellement improbable que c’était révulsant à regarder.
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Il marchait, tranquillement, dans les rues de cette ville qui lui semblait à présent tellement étrangère, et il était en sécurité, car personne ne le recherchait. Il avait lu dans un journal local, que lui, le meurtrier présumé de Jade Alanis, était mort noyé lors de sa tentative d’évasion. Personne ne l’attendait, et Jack avait sûrement cru voir un fantôme, juste avant de perdre la tête. Quel serait la réaction de Jay ?
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Pierre avait pris le temps d’étudier les habitudes de Jay, car il était le second sur sa liste. Il avait fait des promesses à Jade, pour tenir cette habitude malsaine qui avait brisé sa vie et son honneur. L’argent avait acheté les faveurs de sa fiancée. Jay les séduisait ainsi. Il faisait briller leurs yeux par l’éclat de son or, et de tout ce qu’il pouvait ainsi obtenir. Ses paroles et ses possessions étaient ses armes et son vice.
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Pierre était tendu par le plan qu’il allait mettre à exécution. L’adrénaline inondait toujours son corps. Quelques instants plus tôt, il avait ôté avec violence la vie de Jack, et bientôt, sa prochaine victime subirait une torture qui lui soulèvera le coeur.
Jay était seul chez lui, son épouse était partie avec sa fille chez ses parents, pour les vacances scolaires. Il aurait tout le loisir d’agir avec calme, sans précipitation.
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Il passa par la porte du jardin, qu’il savait toujours ouverte, et gravit les escaliers, sans bruit. De la musique frappait les murs, elle était si forte que son déplacement se trouvait facilité. Lorsqu’il arriva devant la porte de la salle de bain de Jay, il n’hésite pas un seul instant. Il l’ouvrit, très lentement, sans bruit. Dans l’immense miroir, Jay regardait avec terreur celui qui se tenait derrière lui.
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Un homme au regard sombre et déterminé, dont le visage était partiellement recouvert par la lourde capuche de son manteau, le fixait avec intensité. Du sang tâchait ses mains, et même ses vêtements ! La peur l’immobilisa, pourtant, il avait la sensation de connaitre cette homme. Le coup qu’il reçut sur la tempe lui indiqua que cette visite était loin d’être amicale.
Lorsque Jay reprit ses esprit, il était solidement attaché, dans son garage.
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Le froid du béton brut mordait son corps nu, et il souffrait d’un terrible mal de crâne. Dans la pénombre de la pièce, son bourreau lui tournait le dos.
— Hey, si c’est l’argent qui vous intéresse, je peux vous donner ce que vous voulez.
Le silence pesant l’angoissa, surtout lorsqu’il constata que Pierre était cet homme qui se rapprochait de lui, un entonnoir à la main, et un lourd bidon qu’il savait plein d’essence.
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— Pierre, qu’est-ce que tu fais ? Trembla-t-il.
— Rappelle toi de Jade, tu as joué avec elle, avec nous. Je viens venger sa mort, et la perte de mon âme, gronda-t-il.
Jay se débattait, hurlait, implorait le pardon et la pitié de Pierre.
— Cesse de t’agiter.
Pour ponctuer sa phrase, il lui asséna un puissant coup de genou dans le plexus, qui eut pour effet d’ouvrir la bouche de Jay, qui chercha de l’air.
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Un entonnoir vint occuper l’espace vide, et le contenu du bidon fut déversé dans son estomac.
Jay suffoquait, et une allumette lui fût jetée.
L’or noir l’emporta dans les flammes.
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