Butcher Blues
Vous voulez que j'vous dise ? Pour moi, ça fait aucune différence. J'm'explique : c'est pas parce que ça montre rien que ça ressent pas pareil. Personnellement, c'est une bonne vingtaine par jour de mon côté, et même si ça beugle pas à la mort, j'peux vous dire que les yeux, ça trompe pas. 'Suffit de s'attarder un peu sur la façon dont ils te zieutent.
Ah ben, oui ! Forcément ! Plus ça gueule et plus t'as envie que ça finisse ! La prise de conscience d'une prise de conscience !
On dit pas les veaux, je pourrai pas ou les porcs, c'est affreux, insoutenable ! Ben j'vais vous dire : ils veulent pas les porcs parce que ça gueule jusqu'au bout, et pas qu'un peu, ça montre la peur et l'intelligence un peu trop pour qu'on soit pas touché. Et les veaux, y'a pas de mystère, ça beugle comme un bébé qui vient de naître ! Un nouveau-né qui appelle sa mère ! Y'a même les larmes qui viennent et les yeux qui s'accrochent au néant. Qui cherchent désespérément le rien du tout, l'échappatoire inexistante. On a du mal parce que ça ressemble trop aux cris d'un bébé. Humain, j'veux dire.
Ca, c'est tout le problème. Parce que ça nous ressemble, on a plus de retenue. Moins le courage d'accepter. Tiens, même les dauphins ! Véridique ! Ca gueule pas, mais ça a une intelligence, qu'ils disent. Et qui dit que le poulet, il sait pas, lui ? Hein ? Conneries, tout ça ! Une vie vaudrait plus parce que ça nous ressemble ? Eh ben, j'vais vous dire, si des bêtes nous ressemblent, elles valent pas bien cher ! […]
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