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Un an déjà. Militer, coller des affiches, les réunions. La pluie, la neige, les gens. Parler avec les gens, c’est connaître un pays, comme on ne le connaît pas autrement. En agence, c’est un jeu, on a des rôles, on joue à être sérieux et responsable. Les gens, là dans la rue, ils me disent leur souffrance, ce qui ne va pas, ce qui les tourmente et toute l’angoisse, qui monte, en eux. Marchal, de loin m’observe. « Ça va Demange ? » Et puis, le voilà parti. Que pense-t-il ?
Une dispute avec Valérie. Idiot comme toujours. Elle veut qu’Hélène fasse de la musique « Pourquoi pas du violon ? » J’ai eu beau faire et lui décrire les insupportables heures d’apprentissage, elle n’a pas cédé. « La musique c’est un langage, il faut l’apprendre en son temps. C’est le bon moment pour elle, Pierre. » Lorsque je reviens à la maison, Hélène répète son violon. J’ai pris l’habitude de décaler l’heure de mon retour. Valérie me l’a fait remarquer, gentiment. Je ne l’avais pas remarqué. A vrai dire, le violon, c’est pas pour ça que je reviens tard. La vérité, c’est que les choses vont vite, le militantisme me prend du temps, et les élections approchent dans une ambiance électrique. J’ai arrêté la chasse, aussi. Dommage, car je n’aurais pas l’occasion de sitôt d’aller du côté de la Plaine. Cela fait au moins deux ans que je n’ai pas vu Mathieu. En fait, depuis que Mère est morte.
Mathieu. Mon frère.
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