14 juin

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C’était une crise mondiale. Violente, très violente. Mais je dois admettre que c’était quelque chose qui était très inspirant sur le plan littéraire que de voir autour de soi le monde s’effondrer. Je ne dis pas que je prenais un plaisir à me dire que des projets que j’avais ne se feraient probablement jamais, et que nous aussi, tôt ou tard nous serions touchés mais pour le moment c’était quelque chose de très distant. Je possédais une petite maison au Pays Basque, à Espelette. C’était vraiment un chouette endroit pour se reposer et c’était un lieu chargé d’émotion car elle appartenait à mes parents.

Dès que j’avais du temps, je descendais de Paris pour y venir et profiter de ce cadre absolument fabuleux. Quand j’avais un moment de libre, je partais me balader dans les Pyrénées et l’été, c’était idéal pour allait admirer ces jeunes femmes finement vêtue sur les plages de St-Jean-de-Luz et de Biarritz. Oh, c’était vraiment exquis pour quelqu’un comme moi qui venait tout juste de rompre. A vrai dire, je dois admettre que rencontrer actuellement une femme, c’était quelque chose que j’aurais volontiers aimé. Tout le monde me connaissait, car finalement je n’étais pas connu que dans ce village, mais j’étais un écrivain connu en France. Pour beaucoup de personnes, je leur étais sympathique, car j’étais vu comme étant un mec simple qui ne cherchait pas à me la péter.

Très clairement, il y avait beaucoup d’habitants où j’avais l’impression qu’ils faisaient parti de ma famille. On était plus qu’un village. C’était intéressant de refaire le monde autour d’une pinte de bière, entendre Gérard parler de la géopolitique actuelle, René parlant de ce nouveau virus comme s’il l’avait toujours étudié et Michel se prendre pour le président de la République. C’était des gars pas très intelligents, mais je reconnais que c’était très rafraîchissant de parler avec eux. Ce qui était sûr, c’est que eux aussi, la situation qu’ils voyaient à la télé les inquiétaient profondément. La télé du bar passait une chaîne d’info en continu où ils montraient l’invasion de la Finlande par la Russie, ces puits de pétrole enflammés au Moyen-Orient et ces images montrant des hommes en combinaison blanche ou kakis dans les rues de Kiev au milieu de corps inanimés. La France était encore très en retrait par rapport à ces évènements. On en était au courant, mais les questions qui revenaient de manières récurrentes, c’était les mêmes que celles des bandeaux d’informations .

Invasion de la Finlande : Assistons-nous à l’invasion de la Scandinavie toute entière ?

Nouveau virus découvert en Ukraine : Qu’en pensent les chercheurs ?

Puits de pétroles en feu : Risquons-nous une pénurie de carburants dans les prochaines semaines ?

Ces menaces de guerre, de maladie, de pénurie d’essence, c’était réellement des sujets préoccupants et sur internet, il n’y avait pas un jour où des sites d’informations voulaient absolument connaître l’opinion de leurs lecteurs afin de pondre de nouveaux articles. Bien évidemment, on trouvait tout un tas de rumeurs, tantôt cohérentes, tantôt incohérentes. En ce mois de juin, il y avait quand même beaucoup de monde qui se promenaient sur les plages, de ce que je pouvais voir quand j’étais à Biarritz, chez des amis. Pas mal de lycéens venaient le soir pour écouter de la musique à fond sur des enceintes Bluetooth et chanter fort avant de se faire déloger par les policiers pour tapage nocturne et aussi ces amoureux qui s’asseyaient isoler des autres pour regarder le coucher du soleil en se tenant par l’épaule, parfois en s’échangeant un langoureux baiser. C’était ce que j’avais fait avec Déborah, ma compagne quand j’avais vingt-trois ans. Une charmante italienne, grande, rousse aux yeux bleus. Elle me manquait énormément.

On s’était rencontré quand j’étais en école de commerce, à Paris. Elle venait tout juste de débarquer en France et cherchait partout la salle pour un cours. Moi, j’étais arrivé en retard à ce moment là, alors elle me demanda de l’aide et nous rentrâmes ensemble dans l’amphi. On s’était parlé parce que je voulais l’aider à s’intégrer. Nous avions tellement sympathisé ensemble qu’on était devenu beaucoup plus que des amis. Un jour, je devais avoir dans les vingt-quatre ans, nous sommes allés chez ses parents en Italie. Ils étaient riches et possédaient une grande maison sur les bords du lac de Côme. C’était vraiment une magnifique demeure. Ses parents étaient des gens très amicaux, très intelligents, très cultivés. Le père, Roberto, était un écrivain à succès en Italie, propriétaire de sa propre maison d’édition et sa mère, Sara, était une grande chanteuse d’opéra qui donnait encore des concerts un peu partout dans le monde. Une photo d’elle avec Pavarotti était présente. « Un homme profondément gentil » m’expliqua-t-elle, quand elle vit que j’observais avec attention cette photo. J’adorais la musique classique. Ecouter une symphonie, c’est quelque chose d’émouvant, on ressent la musique vibrer dans nos tripes et quand nous sommes face à un paysage sublime, c’est une expérience encore plus intense. Le salon donnait sur le lac et la terrasse était l’endroit où nous allions manger pour chaque repas. Tous les repas que je prenais face à ces imposantes montagnes me donnaient l’impression d’être quelqu’un de réellement privilégié, encore plus quand Roberto m’avait présenté sa collection de voiture de luxe. Il possédait une Ferrari ainsi qu’une Maserati, toutes aussi propre l’une que l’autre.

- La Maserati, m’expliqua-t-il en me tenant par l’épaule, c’est ma voiture préférée pour aller faire des courses. C’est plus qu’une voiture, c’est une œuvre d’art.

Il avait une vraie passion pour les voitures de luxe. Il les entretenaient lui-même avec un grand soin et faisait parfois appel à un ami garagiste pour entretenir le cuir des sièges. La maison en elle-même était décorée avec un très grand soin, bien plus que la mienne. Il y avait des tableaux, des fauteuils style Louis XVI, des livres reliés en cuir dans une pièce qui était une énorme bibliothèque. Je me serais cru ici dans un rêve alors que mes parents avaient un petit château en Dordogne avec une décoration similaire et dont mon père n’hésitait pas à montrer avec fierté la bibliothèque.

Lui aussi vouait un culte aux livres. Pour lui, c’était l’essence même d’une société civilisée, c’était un témoignage à chaud d’une période dont il fallait absolument transmettre ces valeurs. En terme d’habillement, c’était aussi des vêtements chers. Déborah avait héritée du même goût BCBG pour les tenues que sa mère qui portait une paire de gants de cuir noir, même en été, pour aller le dimanche à la messe. Déborah allait toujours à la messe, les mains gantées, en robe fleurie, avec un grand chapeau, des lunettes de soleil et une paire de sandale à talon. Je les accompagnait volontiers vêtu d’un costume cravate que Roberto m’avait prêté.

Sa famille avait le respect de tous le village. Dès notre entrée, tout le monde se retourna alors que la messe n’avait toujours pas commencée. Je me sentais un peu mal à l’aise. Je voulais me mettre un peu en retrait, mais eux ne voulait pas. « Tu es de notre famille, nous te considérons comme étant un fils » me chuchota sa mère en me tenant par le bras. J’avais passé de superbes vacances d’été chez eux et c’était des gens vraiment attachants. A notre retour en France, Déborah fit la connaissance de mes parents. Nous étions en plein mois de septembre. Nous étions alors allé les voir avant la reprise des cours dans leur château en Dordogne, pas loin de Périgueux et ils étaient ravis de la voir, cette charmante demoiselle dont je leur avait toujours parlé. Vu qu’elle ne connaissait pas beaucoup le sud-ouest, ils avaient décidé de lui faire visiter énormément de coins de cette région. Là aussi c’était un moment très agréable que j’aimerais énormément revivre. L’atmosphère qui régnait actuellement en ville n’était pas aussi pesante que l’on pourrait le croire. Les gens continuaient à sortir, ils avaient encore envie de vivre normalement même s’ils savaient qu’à l’autre bout de l’Europe des choses très graves étaient en train de se dérouler.

On était très distant de tout ça. Ce qui faisait peur, c’était d’apprendre que le gouvernement se préparait avec d’autres états membres de l’OTAN à défendre la Finlande et en même temps, ils voulaient aussi intervenir face à l’invasion de Taïwan par la Chine. On était à l’aube d’une Troisième Guerre Mondiale. Personne n’était dupe, mais tout le monde voulait profiter de cet été.

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