16 juin
J’étais assis tranquillement à la table de mon jardin en train de lire, quand soudain deux hélicoptères de l’armée passèrent au ras de ma maison. C’était impressionnant de voir ces machines voler aussi bas et rapidement. Des entraînements, oui ça devait être des entraînements. Juste un exercice comme cela pouvait arriver de temps en temps. Enfin, c’était rassurant en temps de paix, là ce n’était pas forcément rassurant.
Les enfants continuaient de jouer joyeusement dans leur cour de récré, les institutrices semblaient aussi détendues. Aujourd’hui c’était jour de marché. L’occasion de manger des bons produits de la région et de papoter un peu avec les maraîchers jusqu’à ce qu’au milieu de la foule un vieillard se trouva en train de s’étrangler avant de s’effondrer et d’avoir du sang qui sortait de la bouche. On savait qu’une merde était en train de circuler, ça c’était une preuve que c’était arrivé en France. D’ailleurs, on devait sans doute faire partie des premiers foyers de cette nouvelle maladie où l’on annonçait également quelques foyers le long de la Méditerranée et en Provence ainsi qu’en Italie, près de Rome ainsi que Florence. Des pompiers arrivèrent rapidement en faisant évacuer tout le monde.
Ils portaient tous des masques chirurgicaux et des gants en latex. Quelques curieux étaient présents avant que les gendarmes, qui étaient arrivés entre temps, leur demandèrent de quitter au plus vite les lieux. Au bout de cinq minutes, le marché fut rapidement bouclé. L’homme fut transporté dans l’ambulance dans un sac mortuaire. On ne savait rien de ce virus, c’était probablement un virus respiratoire mais aucuns scientifiques ni médecins ne savaient comment cela se faisait qu’il tuait aussi rapidement. Mais au vu de ce que d’autres personnes et moi avions pu être témoin, c’était très létal.
J’avais l’habitude de préparer mon repas seul. Une bonne piperade, il y a rien de mieux à manger en ce début d’été, un peu comme n’importe quel plat qui venait du Sud. Je mangeais dehors, sur ma terrasse avec ma bouteille d’armagnac. J’en avais besoin. A quatorze heure, il commençait à faire bien chaud et les volets de toute les maisons se fermaient chacune à leur tour. Les bulletins météos annonçaient une canicule à venir dans les jours à venir.
Je devais admettre que durant l’après-midi, je ne savais pas quoi faire. Habituellement, au mois de juin, comme durant une partie de l’année, j’aimais bien voyager un peu partout pour trouver de l’inspiration pour mon prochain bouquin. D’ailleurs, j’avais toujours dans un placard de la maison tout plein de carnets avec des albums photos de chacun de mes voyages. Les carnets étaient utiles pour exprimer un ressenti, une ambiance ou même une expérience anecdotique et les photos c’était bon pour décrire le plus précisément des scènes. C’était ce que faisait certains auteurs de bandes dessinées comme Jean Graton ou même Van Hamme, le dessinateur de Largo Winch. A la seule différence, c’est que bien évidemment pour un livre il faut faire appel le plus possible à l’imagination du lecteur pour qu’il puisse se représenter le lieu en question. Des livres, j’en avais écris facilement une dizaine et je dois admettre que ce n’était pas forcément des chefs d’œuvre, mais au moins ça plaisait aux gens et j’avais pu même en avoir quelques uns adaptés au cinéma.
Avec cette période, j’avais l’impression que je ne servais et que je ne servirais plus à rien. Le monde était probablement en train de courir à sa perte. Etre écrivain, ça pouvait encore être un rêve pour beaucoup de jeunes, mais pour moi c’était fini, à moins que je survive à cette crise mondiale mais je crois qu’il fallait être réellement optimiste pour penser à une chose pareille. D’une façon ou d’une autre, nous finirions tous par crever. Je ne sais même pas si c’était moi qui devenais pessimiste ou quoi, j’avais cette impression qu’on ne finirait pas cette année en vie. On avait tous les jours dans la presse ce panel de spécialiste cherchant soit à rassurer les gens en leur disant que c’était temporaire, soit d’exagérer les choses.
La Finlande envahie par la Russie, ce n’était pas rien, surtout que l’armée russe venait la veille d’assiéger Helsinki, et d’après ce qu’ils essayaient de dire c’est que leur but était à présent d’envahir toute la Scandinavie. On disait même qu’il y avait déjà eu des incursions en Norvège. Tout le monde avait peur de la Russie, même les Américains n’osaient rien dire parce qu’ils savaient qu’il y avait un risque d’usage de l’arme atomique et qu’ils étaient également occupés à protéger Taïwan. Finalement, il y a que la France qui cherchait à rester neutre, mais tôt ou tard elle finirait par rejoindre les Etats-Unis. Pour moi, c’était clair qu’on serait probablement de nouveau un champ de bataille pour des puissances militaires.
On allait ainsi entrer dans un nouveau conflit mondial et tout le monde s’en foutait. Enfin, je sais pas si ça intéressait réellement les gens de le savoir, mais d’un autre côté, je comprenais tout à fait que ces personnes là ne voulaient pas voir la vérité en face de ce qui allait arriver un jour chez nous. La Dépêche du Midi annonçait des rumeurs de vacances scolaires avancées et que le Ministre de l’Education officialiserait cette annonce dans les jours à venir. Nous étions donc à un tournant majeur ici de ces évènements. Les enfants prenaient ça comme étant un jeu, pas comme une menace sur leur vie et c’était peut être mieux comme ça.
Quand arriva le soir, je retourna sur la côte pour pouvoir de nouveau admirer ces belles formes féminines qui se baladaient sur les promenades. C’était un spectacle que j’appréciais beaucoup de voir toutes ces jeunes femmes bien habillées, bien chaussées et bien maquillées se balader pour aller en soirée avec leurs amis. J’étais alors à une table de terrasse quand un groupe de jeunes filles arriva pour s’installer en poussant de grands éclats de rire. Elles étaient toute belle avec leur robe colorées, à motif fleurie. Elle faisaient très bourgeoise. Le patron de ce bar me connaissait bien, il s’appelait Fabrice et il m’invita à le rejoindre au comptoir.
- Elles ont raison de bien profiter, ces filles, dit-il en les regardant d’un air paternel. On ne sait pas du tout de quoi sera fait demain, et au vu de ce qui se passe actuellement, c’est peut être notre dernier été avant la fin du monde. T’as pas pu trouver quelqu’un ?
- Non, répondis-je simplement en buvant une gorgée de bière, je saurais même pas te dire si j’ai envie de rester seul jusqu’à la fin ou si j’aurais envie de baiser. Fabrice ricana
- Tu sais, moi ma femme, je l’aime beaucoup, mais on s’est dit que si c’était notre dernier été avant qu’on meure, alors dans ce cas faisons ce qu’on veut. Alors, il y a trois jours, elle m’a annoncé qu’elle avait un amant et moi je lui ait dit que j’avais une maîtresse. On l’a bien pris finalement et nous étions content de ça. D’ailleurs, on s’est même présenté nos partenaires.
- C’est pas un peu malsain ça ?
- De quoi c’est malsain ? Posa-t-il d’un air un peu choqué.
- T’as des gosses, Fabrice, qu’est ce qu’ils pensent de voir leur parent commencer à partir en couille comme vous ?
- Laura, ma fille, elle a assumée d’avoir un mec depuis plusieurs mois maintenant. Thibault, mon fiston, il a enchaîné les coups d’un soir. Je pense qu’ils s’en foutent complètement de ce qu’on fait, ils sont ados.
Il conclua cette phrase en allant s’occuper de ses autres clients avant de laver quelques verres, puis de servir lui-même le groupe de lycéennes. C’était un gars profondément sympathique, qui considérait chacun de ses clients comme étant plus des clients, comme étant quasiment une nouvelle famille. Mes parents le connaissait bien, c’était un ami de ma famille. Le voir se comporter comme ça avec ces filles, ça me surprenait pas, car même avant le début de ces évènements il hésitait pas non plus à avoir de l’attention pour tout le monde. C’était quelqu’un de vraiment bien. En rentrant chez moi, je sentais que ma maison était finalement incroyablement vide.
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