20 juin
La télé commençait à parler de milliers de morts partout en Europe à cause de ce nouveau virus, le Super-Ebola. L’Ukraine, la Belgique, la Hongrie, la Suisse...c’était très moche à voir ce qu’il se passait là bas. Ils avaient tous des morts dans les rues, obligés de ramasser les corps pour ensuite les faire brûler dans des crématoriums et parfois même dans des fosses. Le monde devenait fou. On voyait même des images de femmes et d’enfants en train de pleurer sans doute de désespoir. Envoyer des renforts pour des aides humanitaires, c’était une possibilité mais les gouvernements mondiaux savaient que ça arriverait chez eux alors ça servait à rien de faire quoi que ce soit.
Ouais, c’était cruel, très cruel ce qu’on voyait. Moi, ça me faisait absolument de déprimer en voyant ça. D’ailleurs, ça ne valait même pas le coup de voyager. Un ami m’avait envoyé un mail d’Egypte où il habitait pour me dire de ne pas venir, car il y avait des émeutes et des attentats quotidiens là bas, il avait peur pour lui mais l’ambassade de France était débordées par ces nombreux appels de ressortissants à évacuer. De toute façon, je savais très bien que si je quittais la France par avion, ça serait pour ne plus y retourner mais ce n’est pas facile de quitter un pays où l’on a toutes ses attaches, tous ses souvenirs, sa famille, ses amis...C’était un rêve pour moi de partir, mais là je ne sentais pas ce besoin à part si ça dégénérerait sérieusement.
Mes voisins restaient aussi. Sylvie et son mari, Jean-Paul, prévoyaient de rester avec leurs enfants, ici, mais elle me murmura qu’ils avaient discutés ensemble qu’ils se suicideraient si jamais la situation s’envenimait. Ils avaient tous peur de cette guerre en Finlande. Les enfants n’osaient plus sortir parce qu’ils voyaient cette maladie foudroyante. Selon Sylvie, il y avait déjà eu quelques enfants qui s’étaient fait tuer mais c’était compliqué de le savoir. Elle avait des contacts à la préfecture et des rumeurs prévoyaient une évacuation de tous le département dans les jours à venir, mais c’était une info sous silence parce qu’ils avaient peur de provoquer une panique.
Je n’aime pas juger les autres, mais pour le coup savoir que mes voisins avaient comme plan de se tuer eux et leurs enfants, ça me faisait très froid dans le dos. Je ne savais pas s’il fallait que j’en parle à quelqu’un ou le garder pour moi, parce que je trouvais ça grave d’avoir des idées pareilles. Pour moi, la peur n’était pas bonne conseillère, car c’est réagir à l’émotion. Même si je désapprouvais ce choix, je ne pouvais pas leur en vouloir. Peut être qu’ils auraient raisons tout comme ils auraient torts, on en savait foutrement rien et de toute façon, je n’avais pas de boule de cristal pour dire si oui ou non c’était la chose à faire. Cela dit, je n’avais aucune idée de ce que je ferais si le département venait à être évacué.
J’avais des amis qui habitait du côté de Toulouse et vers Montpellier, j’avais envie de les rejoindre. Heureusement, j’avais ma voiture pour y aller. Seulement, je ne pourrais jamais prendre tout ce que je voudrais et il y aurait pas mal de choses que je serais obligé de laisser ici dans cette maison. Oh, je n’avais pas envie d’y penser. Ce ne sont pas des pensées très agréables tout ça.
Je préparais mon magret de canard tout en buvant un verre de vin rouge et j’écoutais la 7e symphonie de Beethoven. Cela me rappela la première fois où Déborah était venue ici, à Espelette. On devait avoir tous les deux dans les vingt-sept ans, c’était au mois d’octobre. L’automne donnait de magnifiques couleurs dorées aux feuilles des arbres. C’était très beau à voir et depuis Paris, nous avions pris l’avion jusqu’à Biarritz puis loué une voiture de location pour s’y rendre. C’était ma mère qui préparait le repas elle-même avec des légumes pris au marché. En fait, mes parents avaient très peu l’habitude de faire les courses au supermarché, mais c’était toujours dans des marchés locaux. Il y avait quelques produits comme le lait ou le café qui venait du supermarché, mais pas le reste. Ils m’avaient éduqués à avoir un bon palais. Déborah me disait que c’était bien parce que c’était quelque chose qui se perdait de nos jours.
Peu avant la Toussaint, nous étions allé nous promener tous les deux sur la plage à Biarritz. Le temps était très maussade, il faisait froid et très venteux. C’était pour elle la première fois qu’elle allait au pays Basque. Elle était émerveillée par absolument tout et voulait y retourner pour les vacances d’été. On se tenait main dans la main tout en marchant calmement. Je ne sais pas ce qu’il me prit, mais je m’arrêta brusquement. Déborah me regarda droit dans les yeux pour savoir ce qu’il se passait. On s’aimait beaucoup, on était très complice mais par contre je voulais connaître ses projets.
- Ecoute, commençais-je, on est en couple depuis deux ans et jamais nous avons parlé de nos projets. Elle ne répondit pas tout de suite parce qu’elle était surprise de ce que j’étais en train de lui dire. - Je veux savoir ce que t’as envie qu’on fasse, repris-je. Je veux savoir ce dont tu as envie.
- Chéri, quoique tu fasses, je serais toujours là derrière toi pour t’encourager, répondit-elle doucement en me caressant le visage avec sa main gantée. On se soutient mutuellement dans ce qu’on veut faire et c’est déjà beaucoup. Nos projets, ils ne doivent pas être personnels, on doit les faire ensemble.
- Même écrire ensemble un roman ça te dirait ?
- Tu sais, je t’ai toujours défendue dans cette idée d’écrire un roman. Tu veux écrire quelque chose ? Fais le, je pense que tu ne le regretteras pas.
A cette époque, j’écrivais mon premier roman, Les lettres de Russie, qui eut un grand succès à sa sortie, car c’était l’histoire d’amour entre une femme est-allemande et un soldat de l’Armée Rouge, dont le cadre était bien évidemment les pays du Bloc de l’Est. J’adorais la Russie. Finalement, il était arrivé à sortir au printemps suivant, en 2006, et j’avais fais le tour des plateaux télés pour le présenter. J’avais eu un franc succès au point que certains réalisateurs voulaient même en faire un film, car il avait ému énormément de lecteurs.
Je dois admettre que même moi je ne savais pas pourquoi j’avais décidé de faire comme premier roman une histoire d’amour. Cela avait bien fait rire mes parents et beaux-parents parce qu’ils trouvaient ça très original comme histoire.J’avais accepté qu’un film soit fait et c’était même passé au Festival de Cannes. J’avais pris avec moi ma copine qui savoura cet instant de gloire, car nous rencontrâmes les acteurs et l’équipe de production. Ils avaient tous été géniaux, j’avais aimé voir mon livre adapté au ciné et encore plus qu’un réalisateur ne gâche pas la chose en l’agrémentant à sa sauce. On avait rencontrés des stars, on avait mangé à la table de Quentin Tarantino, but un verre avec Jean Dujardin et passé la nuit à discuter avec Bruce Willis. J’étais pas prêt d’oublier ce moment là, parce que Bruce Willis avait marqué mon adolescence.
Déborah rayonnait sur les photos présentes dans les magazines, elle avait d’ailleurs une ovation de la presse people qui la présentait comme étant la femme la plus élégante au monde, car elle sa robe de soirée rouge et sa paire de longs gants de la même couleur avaient fait fureurs. Une belle jeune femme comme elle, ça faisait énormément d’écho partout. On avait même des magazines étrangers qui nous sollicitaient.
Sincèrement, je trouvais que cette histoire était allé trop loin. J’étais un simple mec approchant la trentaine qui se faisait une sacrée réputation avec sa copine qui se voyait artiste peintre. Au moins, on était un couple glamour, mais je n’avais pas très envie qu’on vienne par la suite m’aborder partout dans la rue, alors rapidement je décida de prendre une distance avec les activité grands publics. J’avais parfois ma tête affichée sur les magazines people ou des « journalistes » d’émissions télés qui voulaient m’aborder dans la rue. Alors, des interviews, ça j’en ai donné beaucoup. Je me prenais facilement au jeu au début, mais vers la fin ça commençait juste à me gaver.
Déborah, elle n’avait pas le choix de l’exposition médiatique. Cela ne semblait pas tant que ça la déranger car elle y était affichée plus ou moins depuis son enfance. En Italie, elle avait fait tomber à genoux des millions d’adolescents en pleine puberté qui voulaient s’astiquer devant des photos d’elle. Il y avait une réelle sympathie de la part de ces Italiens pour sa famille et elle, car c’était des gens qui avaient su rester simples en étant énormément médiatisés mais dans la réalité, cela les faisaient chier de voir à la Une de ces magazines la photo de leur maison avec parfois Déborah ou sa mère près de la piscine en maillot de bain. Même moi j’y étais passé car une photo avait tournée là bas de moi accroupi au bord de la piscine en polo avec ma paire de Ray-Ban.
Ah c’était de sacrés souvenirs tout ça. A chaque fois, après le repas j’avais l’impression de vivre éternellement cette boucle de faire la même chose de mes journées, c’était fini mon grand train de vie où aucunes journées ne ressemblaient aux précédentes.
Fort heureusement, ce soir j’avais décidé de sortir pour aller me changer les idées en allant voir une pièce de théâtre d’une troupe locale à Bayonne. Je ne m’attendais pas à du grand théâtre, mais bien à ces nouvelles interprétations perchées. On était tous bien installé dans ces sièges bien mous, confortables à rire devant cette farce assez cynique autour de sujets actuels comme la crise économique ou le chômage. La vision de l’auteur était assez intéressante, je trouvais, il savait comment dénoncer tout le système capitaliste. Tout le monde comprenait très bien où il voulait en venir.
Une belle jeune femme brune vêtue d’une robe bleue vint s’installer à côté de moi. Elle rigolait pas mal, nos regards s’échangèrent puis elle me fit un sourire. Cela me fit chaud au coeur, surtout à un mec comme moi qui n’avait plus couché avec une femme depuis plusieurs mois. Elle était élégante et avait la même couleur de vernis à ongle sur ses mains et sur ses orteils dépassant de sa paire de sandale à talon. J’aimais les femmes qui savaient rester coquettes. A la fin de la représentation, nous nous levâmes en même temps et je vins l’aborder.
- Alors cette pièce vous a plu ? Lui demandais-je.
Elle sursauta, puis se tourna vers moi en me répondant
- Oui, c’était une pièce vraiment très intéressante, répondit-elle avec un grand sourire laissant dépasser de belles dents. J’imagine que vous êtes aussi venu pour le côté satirique ? Ajouta-t-elle
Visiblement, il s’agissait d’une femme plutôt cultivée. Cela me donna encore plus un coup de foudre pour elle. Nous étions à présent dans la rue, le seul bruit était celui de ses talons qui claquaient contre le sol.
- Vous savez, pour des auteurs comme moi, voir des pièces de théâtre sont toujours le bon moyen de trouver de l’inspiration. C’est pour moi l’occasion de m’inspirer de certaines situations, mais pas forcément de l’idéologie dominante.
- J’ai toujours eu une passion pour la culture et la philosophie, dit-elle. Je pense que pour moi, c’est la meilleure grille de lecture pour comprendre le monde actuel.
- Et que pensez-vous de ce monde actuel ? Demandais-je avec certain amusement. - Il court à sa perte, comme vous le pouvoir, dit-elle froidement.
Pendant une partie de la soirée, nous marchâmes dans les rues de Bayonne, au bord de l’Adour, puis elle m’invita à monter dans son appartement. L’intérieur était très bourgeois, très élégant avec comme décoration sur un mur d’une reproduction d’un tableau de Monet. Elle me proposa poliment à boire et me sortit une bouteille de Clan Campbell du frigo. Elle se présenta comme s’appelant Cindy, c’était une avocate bordelaise en droit qui venait ici régulièrement ici pour travailler dans l’appartement qui avait appartenu à ses grands parents. Ses parents étaient restés à Bordeaux, mais elle n’avait pas envie de les revoir.
Je m’empressa de regarder ce que contenait la bibliothèque de Cindy qui en profita pour me donner mon verre d’alcool. Elle en était fière de sa collection de livres, et nous parlions culture ensemble toute la nuit où l’on se retrouva ensemble dans le même lit.
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