15 juillet
Je fus réveillé par une forte averse qui tombait sur le pare-brise. Un éclair zébra le ciel et un violent coup de tonnerre se fit entendre. Je me redressa de la banquette arrière. J’avais mal dormi, je me sentais pas bien. Tout ce que j’avais envie de faire, c’était de pleurer tellement je me sentais perdu par ce qui se passait. Pendant un moment, j’avais envie de parcourir les fermes des alentours à la recherche d’un fusil pour me coller une balle. Je ne sais même pas pourquoi j’avais ce matin là des idées aussi noires, mais je crois que ça me trottait intérieurement depuis plusieurs jours. Je me sentais épuisé psychologiquement par ce que j’étais en train de traverser. J’avais perdu Cindy, j’étais tout seul à présent à la recherche d’une femme où je ne savais même pas si elle était encore vivante ou si je retrouverais son cadavre quelque part.
Alors je repris quand même le volant, sous l’orage, pour continuer de monter encore plus au nord et arriver dans un village près d’Orléans. C’était Artenay. A part des silos pour le sucre et les anciennes voies de l’aérotrain, il y avait rien de particulièrement intéressant à voir. Mais c’était mignon, et en plus c’était au bord de la Nationale 20 et de l’autoroute pour la capitale. J’étais plus très loin du but. Tous les volets étaient fermés, c’était très lugubre.
Le ciel était bleu intense, sans nuage, j’avais jamais vu un ciel aussi dégagé qu’aujourd’hui, surtout que j’avais quitté le Loir-et-Cher sous l’orage. Je profitais de marcher un peu pour visiter. Là aussi, il y avait de très jolies maisons et je pense que c’était sans doute un village où il devait faire bon vivre avant, il n’y avait aucuns doute là dessus. Je m’installa ainsi dans une maison qui était rue de Chartres, au borde de la départementale menant à Pithiviers. Le propriétaire de la maison devait être un homme âgé qui était mort et je l’enroula dans un drap que je mis dans le coffre de la voiture pour aller le déposer dans un champ.
J’espérais pour cet homme que ce n’était pas le virus qui l’avait terrassé, mais que c’était une mort naturelle. J’espérais que des gens étaient encore restés dans cette zone d’exclusion, mais fallait pas que je me fasse trop d’illusions. Ce qui raviva rapidement mon espoir, ce fut quand j’entendis comme un bruit de moteur au loin. Sitôt que je l’entendis, je me mit à courir dans tous le village pour voir d’où ça venait et au fur et à mesure, le bruit continua de s’intensifier. Le bruit continua de se rapprocher rapidement jusqu’à ce que je vis passer au-dessus des toits un hélicoptère militaire avec deux soldats aux portes en train de passer non loin de moi. Les soldats m’avaient repérés, mais cela ne les fit pas plus que ça réagir.
Ils étaient en treillis, le canon de leur arme pointait vers le sol et ils n’avaient pas de casques. Simplement une paire de lunettes de protection. Je retournas alors à ma nouvelle maison pour la faire aérer à cause de l’odeur de renfermé mélangée à celle de macchabées. La nourriture, il y en avait très peu dans le frigo, fallait que je fasse le tri entre ce qui était encore bon et ce qui avait pourri. Je pense que dans les autres logements, ça serait pareil. Paris était à la fois loin et proche, je pense que j’en étais facilement à une centaine de kilomètres. D’un autre côté, je me sentais démoralisé, j’avais l’impression que cette quête n’avait aucun sens et j’avais presque envie de faire demi-tour pour traverser la frontière et me retrouver en Espagne. Mais de l’autre, je savais pas quelle était la situation dans le Sud. Peut être que des bombes nucléaires avaient été balancées là bas et que même si j’étais en zone irradiée, c’était possible que je sois plus en sécurité où il n’y avait encore rien eu.
D’ailleurs, dans un moment de rêveries où j’étais assis au comptoir de l’ancien bar du village, en train de boire une bière qui traînait dans un frigo, je me demandais ce qui se passerait une fois qu’il n’y aurait plus une seule personne vivante sur cette Terre. On lui avait fait pas mal de mauvaises choses à cette planète, on l’avait maltraitée, on avait expérimentée des choses terribles, on a été même pour nous-mêmes, êtres humains, une menace parce qu’on était très créatifs pour construire des armes capables de nous détruire. Et si demain l’Humanité toute entière venait à disparaître, on laisserait tous nos bâtiments à des espèces animales incapables de comprendre ce qui s’est passé et avec des installations, des monuments, des traces de notre passage qui finiraientt par disparaître à tout jamais. Si dans mille ou deux milles ans une civilisation extra-terrestre venait à découvrir notre planète, qu’est ce qu’ils penseraient de voir la Tour Eiffel à moitié détruite avec des lianes partout, la forêt recouvrant une partie de Paris, l’impossibilité de déterminer le tracé des autoroutes, des avions encore sur des tarmacs d’aéroports rouillés, des carcasses de voitures et des squelettes humains. Ca me semblait étrangement important ce questionnement.
Ma bière était fraîche, c’était agréable de se saouler avec. C’était d’ailleurs les derniers breuvages que je buvais. J’étais même en train de me demander dans quelle position trouveront les prochaines civilisations mon corps. Je serais devenu un squelette, ça c’était sûr.
Je retourna à mon vagabondage puis je partis m’installer sur le rond point menant vers l’autoroute pour admirer le coucher du soleil qui était jaune. Des nuages menaçant commencèrent à arriver. Il y aurait de nouveau de l’orage.
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