Chapitre VI - "Tests"

6 minutes de lecture

 Une petite heure après notre sortie du restaurant, nous avions eu le temps de faire le tour des magasins que l’Académie proposait. Le regard fuyant des autres élèves et Ryoushi nous avait rapidement ramenés à la réalité. Le havre de paix représenté par le restaurant de Yae allait probablement être un endroit important pendant les prochaines semaines. Nous étions tous les deux seuls dans l’ascenseur qui nous emmenait au premier étage. Entièrement composé de verre, ce dernier offrait une vue prenante sur l’ensemble du rez-de-chaussée. La clochette indiqua l’arrivée de l’ascenseur à sa destination. Nous fîmes un pas pour sortir de la bulle vitrée et tombâmes des nues, particulièrement surpris par l’espace lugubre dans lequel nous venions d'entrer.

 Rien à voir avec le palier inférieur. Ici, on ressentait complètement la pression de la guerre pour la survie de l’humanité qui s’opérait à New Haven. Les personnes qui marchaient affichaient un air sérieux, déterminé. L’étage étant bien moins éclairé que le précédent, le ton plus gris dans lequel reposait la scène sous nos yeux nous fit frissonner. Sur la gauche, non loin de la sortie de l’ascenseur, une fille d’une vingtaine d’années avait démonté ce qui ressemblait à un PTRD-41 grandement modifié et en nettoyait le canon. Deux autres Ryoushi passèrent devant nous, vêtues d'un camouflage urbain et équipés d’un FAMAS et d’un SPAS-12. Celle de droite replaça d’un petit mouvement du poignet une sacoche de grenades qui glissait sur son épaule. Les bruits des discussions et des rires avaient été remplacés par les sons métalliques des équipements et des armes, et par les grincements des chariots remplis de matériel militaire.

 À côté de l’ascenseur, une petite pancarte indiquait le plan de l’étage. Le bureau de notre ancienne professeure se trouvait près de l’angle du bâtiment, à seulement quelques pas. Sur le chemin, le regard des autres Ryoushi, qui jusque-là avait ressemblé à de la crainte ou à de l’inquiétude, s’était métamorphosé pour devenir une contemplation fixe et provocatrice. Tout en marchant, je remarquai que nous avions uniquement croisé des femmes depuis notre entrée à l’Académie. Malgré la foule, je n’arrivais à me souvenir d’aucun visage masculin.

“ Je n’ai vu aucun garçon cet après-midi… “

Oria: “ Tu ne te rappelles pas ? Mme Himura nous avait expliqué que pendant les premières années de l’Infection, il n’y avait quasiment que des hommes qui rejoignaient l’Académie. Si je me rappelle bien, avec le retard technologique et le manque de connaissance sur les Yajuu, au départ ça avait été un massacre. Je pense que l’Académie doit désormais limiter le nombre d’hommes pour éviter qu’il y ait des problèmes de natalité. “

“ On a parlé de ça en cours ? “

Oria: “ T’écoutais vraiment rien… C’est étonnant que tu n’aies pas eu plus de punitions… “

 Je soupirai lourdement. Alors que je pensais que nous étions les seuls à discuter de tout l’étage, une voix féminine me parvint, provenant de la porte du bureau où nous avions rendez-vous. Malgré la douceur usuelle du timbre d’une fille d’une vingtaine d’années, la voix avait un ton puissant. La personne que l’on entendait crier à travers la porte fermée avait manifestement de nombreuses protestations à faire et ne laissait pas le temps à notre ancienne professeure de parler. D’un coup, le silence se fit et je pus difficilement entendre la voix de Mme Himura rétorquer d’un ton calme à son interlocutrice. Après un court moment, la porte s’ouvrit brutalement et une Ryoushi sortit de la pièce.

 Ses poings serrés et son pas rapide me laissèrent penser qu’elle n’avait pas réussi à obtenir ce qu’elle voulait de son entretien avec la commandante. Malgré sa frustration, elle dégageait une certaine forme d’autorité. Les traits fins de son visage, soulignés par la couleur rosée de ses yeux, démarquaient une expression à la fois stricte et délicate. Une légère cicatrice parcourait verticalement son oeil gauche à travers le sourcil et le haut de la joue. La vitesse à laquelle elle marchait faisait flotter ses longs cheveux châtains cendrés, dont une petite barrette carrée formait une couette sur le côté gauche de son crâne. Elle portait une chemise claire sous un épais gilet à capuche noir. Sa jupe courte plissée, ses collants hauts et ses bottes à lacets étaient assortis à la couleur de son gilet. Le tout était sublimé de quelques bandes de couleur ambrée au niveau de ses chaussures, de la petite sacoche attachée à sa taille, d’un brassard à son bras gauche et d’un petit foulard autour de son cou. Je la suivais du regard tandis qu’elle s’éloignait dans les couloirs sombres du premier étage. Intérieurement, je me questionnai sur ce sentiment étrange que je ressentais en la regardant, c’était comme si…

Oria: “ Oui, bon, elle est très jolie mais tu es vraiment obligé de la regarder comme ça ? Décidément, le fait qu’il n’y ait que des filles ici risque d’être plus embêtant que prévu. “

“ Hein ? Ah, oui, enfin non… Bref, dépêchons nous… “

Oria me suivit dans la pièce en soupirant. Le bureau, plus petit que je l’aurait imaginé, était relativement simple. Seules une plante dans un angle de la pièce et un armoire emplie de livres multicolores se présentaient comme décorations. Mme Himura était assise dans un grand fauteuil derrière un vieux bureau en bois. En nous voyant arriver, elle décroisa ses bras et se leva en haussant la voix.

Sonia: “ Parfait, vous arrivez pile au bon moment. Je dois partir en réunion d’urgence avec les autres commandants. “

Oria: “ Qu’est-ce qu’il se passe ? “

Sonia: “ Des classes 5 qui se regroupent dans une zone au sud, ça ne vous concerne pas vraiment, nous ferons passer les infos nécessaires. Bref, rentrez dans cette cabine un par un. “

En appuyant sur un bouton de son bureau, Mme Himura fit émerger du centre de la pièce une énorme machine cylindrique. Une fois complètement sortie du sol, une porte s’ouvrit et notre commandante nous demanda d’y entrer. Je fus le premier à m’avancer. La machine se referma et, après un jet d’une substance volatile inconnue, me fit une prise de sang et passa sur mon corps une multitude de scanners laser. En un rien de temps, un petit avertissement sonore me prévint de la fin des tests et je pus sortir de la machine. Oria rentra aussi dans la machine et passa les mêmes analyses. Une fois sortie, elle s’adressa à Mme Himura.

Oria: “ Pourquoi est-ce qu'on doit passer des tests ? “

Sonia: “ Ils évaluent vos capacités et vous attribuent une arme en conséquence. “

Elle se pencha pour récupérer les papiers qui étaient sortis de la machine et les plaça dans deux pochettes déjà bien remplies, qu’elle nous tandit.

Sonia: “ Vous trouverez là-dedans toutes les informations nécessaires sur l’Académie, votre chambre, l’attribution de votre arme et l’équipe que vous allez intégrer. Je vous conseille de vous reposer dans votre chambre et de bien lire ce dossier d’ici la fin de la soirée. Bien, je dois y aller, si vous avez des questions supplémentaires, adressez vous à votre chef d’équipe. D’ailleurs, Haru, tu l’as déjà croisée si je ne me trompe pas… “

“ Quoi ? Comment ça ? “

J’ouvris le dossier pour y jeter un coup d’oeil. La description de ma future équipe se trouvait aux pages seize et dix-sept. Sur les quatres photos, une retint particulièrement mon attention. Rin Kurayami, il s’agissait de la fille au caractère trempé qui venait de sortir du bureau quelques instants plus tôt. Dans sa description, une note me perturba… ‘ Haine invétérée envers les Hybrides ‘. Je regardai Mme Himura d’un air interrogateur, mais elle me répondit par un sourire, avant de m’indiquer d’un ton moqueur.

Sonia: “ Bon courage ! “

Puis elle sortit de la pièce. Sur le moment, je n’avais pas su quoi dire… Je comprenais maintenant la raison de son entretien avec Mme Himura et son expression frustrée lorsqu’elle était sortie de la pièce. Oria, qui n’avait pas compris le sujet de mon interrogation, se pencha sur la feuille dans mes mains. Surprise à son tour, elle me regarda, inquiète.

Oria: “ Tu penses que ça va aller… “

“ Pas trop le choix je suppose. Je me dis que si ils m’ont mis dans cette équipe c’est qu’ils ont une bonne raison de le faire. Je te propose qu’on aille à nos chambres pour le moment et qu’on essaie de prendre contact avec nos leaders. “

Oria: “ Tu as quelle chambre ? “

“ B8 apparemment, et toi ? “

Oria: “ B14. On ne doit pas être loin l’un de l’autre. Allons-y ! “

Annotations

Vous aimez lire Lucas Cellarier ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0