7 - “Les paroles ne salent pas la soupe”
Et c’est ainsi que s'amorça pour moi le début d’un entraînement intensif dans les cuisines de la petite échoppe de la veille, Akemi-san faisant office de professeur particulier.
Cette dernière maniait la louche aussi bien qu’elle maniait les mots, et l’entendre parler cuisine c'était comme écouter un poème de Victor Hugo. Je buvais chacune de ses paroles et observais chacun de ses gestes avec autant d’attention que d’admiration.
Elle m’enseigna l’art subtil de la préparation d’un bouillon daishi, comment bien choisir ses ingrédients… Le découpage du tofu et du wakame aussi avait son importance tout comme la cuisson des graines de sésame...
- Tu sais, me dit-elle, étudier la littérature m’a fait réaliser une chose : connaître simplement de bons mots n’a jamais fait un bon écrivain, de même connaître de bons ingrédients n’a jamais fait un bon cuisinier ; C’est l’art et la manière d’accommoder les mots entre-eux, de bien les doser, bien les assaisonner, qui donnera un texte facile à digérer ! La cuisine c’est de la po-é-sie !
Je relus l’inscription en français accrochée près du fourneau et me mis à songer d’un air amusé que si jadis Molière avait connu Akemi, peut-être se serait-il senti bien sot !
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