Chapitre 3

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— Paul, attends !

Paul se retourna et vit à l’autre bout de la rue l’étudiant de tout à l’heure qui venait à sa rencontre. Il portait une longue écharpe de laine et un sac de toile kaki qu'il portait en bandoulière. Il lui montrait un gant de laine et lui donna.

— Tu l’as oublié sur le banc. Pour une sortie discrète de l’amphi, c’est raté, tu peux m’croire.

— Le professeur s’en est donc aperçu ?

Grand sourire de l’étudiant. Il lui tapota l’épaule droite.

— C’est pas grave, Durieux a l’habitude non ?

Hésitations.

— Oui... Peut-être... Merci pour le gant dans tous les cas.

— Tu fais quoi ce soir, je t'offre un verre ?

Il se surprit à accepter spontanément son invitation, mais son visage lui inspirait confiance. Il baissa la tête, le temps de remettre ses gants, quand il vit la main de l’étudiant s’approcher de la sienne pour la lui serrer.

— Enchanté Paul, moi c’est Tom. Viens, suis moi, dit-il.

Il esquissa un sourire devant son enthousiasme. Comment connaissait-il son prénom ?

La démarche tranquille et nonchalante de l’étudiant le ravit. Il ne put s’empêcher de penser à la valise qu’il n’avait pas terminée, à l’appel qu’il avait prévu de passer à ses parents à 19h, sans parler du film loué au vidéo club qu’il avait l’intention devisionner ce soir. Il regardait cet étudiant si enjoué, poursuivre sa conversation, admirant les traits avantageux de son visage.

*

— Et voilà, nous sommes arrivés, dit Tom.

Il franchit la porte vitrée toute embuée d’un café. Paul leva les yeux. Une devanture en bois, deux ampoules éclairant son nom gravé dessus, Le petit Marcel. La porte allait se refermer sur lui quand un homme assez grand, une cigarette aux lèvres, la retint et lui fit signe d’entrer. Il le remercia et la referma aussitôt pour ne pas laisser le froid pénétrer à l’intérieur. Il salua du menton les personnes assises à la table la plus proche de l’entrée, chercha Tom du regard et alla le rejoindre. Celui-ci était déjà penché au-dessus du comptoir et faisait la bise à une jeune femme brune, coiffée à la garçonne et à un jeune homme à la coupe soignée, en train d’essuyer un verre.

— Paul, je te présente Marie, la patronne du Petit Marcel et Lucas, son associé.

Spontanément, la femme le gratifia d’un sourire jovial. Ses yeux clairs papillonnaient pour l'accueillir. Le serveur posa sur lui un regard appuyé avant de lui offrir un charmant sourire, en annonçant :

— Bienvenue à toi ! Installez vous à la table du fond vient de se libérer. Tom, je t’apporte ton cocktail préféré, je suppose ?

Ce dernier approuva avant de filer à l’autre bout du café. Pour le suivre, Paul dut forcer le passage parmi les nombreux clients, s’excusa à plusieurs reprises.

Il arriva devant une petite table carrée au revêtement clair, disposée devant une cheminée murale décorative. Il s’assit sur une chaise grinçante. Sur la table, une petite bougie qui oscillait lentement, un cendrier, la carte des consommations et deux verres de bières vides. Il manqua de les renverser en enlevant son manteau et son écharpe. Il s’excusa à demi-mot, s’assit et finit par retirer ses gants. Tom s'amusa de sa maladresse. Paul réajusta machinalement le col de sa chemise. Tom posa sa main sur la sienne.

— J’ai toujours l’habitude de commencer par le cocktail de la maison, j’espère que tu aimeras.

Par réflexe, Paul, gêné, retira sa main. Il conserva un instant sa chaleur agréable. Il osa lui rendre son sourire. Je me fais un film, ou quoi ? Ce garçon est bien entreprenant. Personnellement, je n’aurais jamais osé.

Il n’avait jamais mis les pieds dans cet établissement. C’était un café de taille modeste, mais avec une certaine profondeur. Sur les murs, deux larges miroirs donnaient une plus grande dimension bienvenue. Plusieurs affiches publicitaires aux coins jaunis dont certaines lui rappelaient les anciens cafés parisiens du XIXème siècle. La touche rétro contrastait avec des tables en formica de différentes couleurs. Un peu défraîchies, certes, mais propres et entretenues. Elles étaient disposées très près les unes des autres. La clientèle s’entassait autour, assise sur des chaises métalliques ou en en bois et faisait monter les décibels facilement par des éclats de rire spontanés. Les conversations animées et bavardes apportaient au Petit Marcel une ambiance joyeuse et une bonne humeur contagieuse. Il constata rapidement la chaleur des lieux qui contrastait avec le froid extérieur, ce qui invitait chacun à se détendre.

Tant pis pour son film. Sa valise attendrait aussi. Lui qui ne s’était accordé des sorties que trop rarement depuis son entrée à la faculté, il était ravi d'être ici, de la tournure que prenait la soirée, avec le plaisir d’avoir en face de lui un jeune homme à son goût.

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