Chapitre 33
Tristan réussit à éviter Marianne le reste de la semaine. Leur canapé était devenu son lit. À peine réveillé, il filait dans la salle de bain, prenait un petit déjeuner rapide, direction la faculté, sans attendre sa petite amie. En dehors des cours, il se réfugiait à la bibliothèque de l’université et lorsqu’il souhaitait s’accorder une pause, en fin d’après-midi, au bar de l’Écluse. Le soir venu, le couple dînait malgré tout ensemble. Leurs conversations se limitaient au strict minimum. Tristan décelait dans les yeux de son amie une rancune tenace et un agacement à peine dissimulé à la moindre de ses paroles. Il la voyait faire et défaire une armée de porte-clés d'animaux en scoubidous alignés sur la table du salon. Je préfère qu'elle passe ses nerfs sur eux en leur tordant le cou plutôt que sur moi, sourit-il amèrement.
Le vendredi matin, Zofia qui était arrivée en retard au cours de littérature américaine, s’assit à côté de Marianne, seule sur un banc. Apercevant Tristan à l’autre bout de l'amphithéâtre, elle comprit que la situation ne s'était pas améliorée.
Vers dix-sept heures, Tristan monta les marches qui le menait à son appartement. Il ne savait pas encore s’il aurait le courage de mettre à exécution la stratégie qu’il avait échafaudée depuis le début de la semaine. Il rentra et vit Marianne de dos, assise sur le canapé, un magazine dans les mains, imperturbable. Il se planta devant elle et lui annonça sans détour que demain, après sa journée de travail chez le disquaire, il attraperait le dernier train pour aller seul chez ses parents.
— Ils vont s’étonner de ne pas me voir, déclara Marianne distante.
— Je leur ai dit que tu étais malade depuis deux jours et que tu voulais te reposer. Mais comme ce week-end était le dernier où je pouvais récupérer les réservations du chalet pour les vacances…
Tristan décela un trouble dans ses yeux.
— Ça veut dire qu’on part comme prévu tous les deux à la montagne ? se radoucit-elle.
— J’en sais rien, répondit Tristan, d'un ton calme mais ferme .
— Comment ça t’en sais rien ? Ah bah super ! Remarque vu l’ambiance de merde depuis une semaine, ça ne me dit plus rien d’y aller. Fais comme tu veux, ne put-elle s’empêcher de répondre, en le regrettant instantanément.
Tristan ferma les yeux et serra les dents.
— Écoute Marianne, si c’est comme je veux, très bien. Je ne vais pas dire à mes parents que tu es grippée. Mais la vérité. Car à la montagne, je crois que je vais… Non, je ne crois pas, j’en suis sûr à présent. Je vais y aller seul. Ça va me faire le plus grand bien. J’en peux plus. J’ai besoin de respirer, tu vois.
Elle lui demanda s’il était sérieux.
— Me regarde pas comme ça, je ne déconne pas. Si, tu as raison je déconne, mais pour une fois, c’est moi qui décide de déconner. Et j’en ai très envie !
— Putain, j’y crois pas, tu dis n’importe quoi. Mais qu’est-ce qui t’arrive en ce momen t ? C’est Paul qui t’a retourné la tête ou quoi ? T’as rencontré une fille ?
— Moi, je dis n’importe quoi ? C’est bien la meilleure. Tu veux vraiment savoir ce qui m’arrive ? dit-il, plus déterminé que jamais.
Marianne le regarda droit dans les yeux, inquiète.
— Ah, tiens, au fait, j’ai croisé Tom à la bibliothèque.
Tristan reconnut dans la parade de Marianne un moyen de changer de sujet pour reprendre l’avantage.
— Tu entends ce que je te dis, Marianne ?
— Oui, je ne suis pas sourde. Je crois surtout qu’un week-end chez maman et papa va te faire le plus grand bien. Va respirer ailleurs puisqu’ici, tu étouffes. Et puis ça tombe plutôt bien puisque ce week-end chez tes parents, je n’y tenais pas vraiment. Zofia m’avait proposé d’aller voir le dernier film avec le beau Patrick Swayze, je n’ai plus qu’à accepter. Elle va être ravie.
Il fallait qu’elle ait le dernier mot. Il y était habitué.
— Moi aussi, je suis sérieuse. Ce week-end va te faire du bien. Quand tu reviendras, nous pourrons avoir une discussion calme et constructive.
— Si tu le dis… dit Tristan, dubitatif.
Il retourna dans la chambre préparer ses bagages.
*
En début de semaine, Paul téléphona à Tom pour lui annoncer qu’il partait le vendredi suivant, avec Tristan, une semaine à la montagne. Il fut surpris et un peu déçu. Il ne pourrait pas le voir durant tout ce temps. Paul avait plein de choses à lui raconter, pouvait-il passer le voir ? Tom lui proposa qu'il vienne chez lui.
À peine la porte franchie, ils se précipitèrent pour l’embrasser. Ces jours sans se voir avaient été trop long. Ils se jetèrent aussitôt sur le lit pour s’enlacer, très excités. Après une petite heure, Tom caressait le dos nu de Paul allongé sur le ventre. Sans le prévenir, il lui donna une petite claque sur les fesses.
— Allez debout, rhabillez-vous jeune homme, le temps que je prépare le dîner.
— Tu fais des spaghettis ?
— Sì, certo signore, buona pasta !
Ils passèrent une semaine tous les deux, à faire l’amour dès leur retour de la faculté. Quand il était dans les bras de Tom, Paul oubliait tout. Chaque jour, chaque minute passés à ses côtés l’émerveillaient. Il aimait la façon dont Tom lui caressait la peau, en la frôlant du bout des doigts, ce qui lui provoquait immanquablement de minuscules frissons. Il aimait, même s’il disait le contraire lorsque Tom se moquait de lui en ébouriffant son épi de cheveux. Parfois, Tom posait sa main sur son ventre, paume bien à plat. Il la laissait là toute la nuit, et au matin, Paul devait repousser très doucement le bras de son ami pour se lever. Il ne ressentait plus la gêne des premières fois quand ils jouissaient ensemble, les yeux dans les yeux. Faire l’amour avec Tom était une sensation si naturelle et si excitante qu’il avait l’impression qu’il ne se lasserait jamais de ce plaisir. Paul aimait les remarques taquines de Tom, ses petites manies quand il préparait minutieusement le petit-déjeuner, la façon dont il plissait ses yeux si expressifs ou encore lorsqu’il rattachait régulièrement, l’air de rien, le dernier bouton de son pull marine. Il chérissait leurs moments, tard dans la nuit, quand ils lisaient, allongés sur le lit ou sur le tapis, Tom la tête posée sur sa jambe. Paul se sentait libre de dire ce qu’il pensait vraiment avec lui, dans une simplicité déconcertante.
La veille de son départ, il lui confia ses doutes. Qu’allait penser Marianne quand elle apprendrait que, durant le séjour à la montagne, il avait pris sa place ?
— J’ai l’impression d’être lâche. Elle pense que je l’écarte de ma vie en ce moment. Heureusement que Tristan m’a facilité les choses. Avec elle, c’est différent. Elle est si impulsive et cassante, je ne sais pas comment la prendre. Elle est si fragile en réalité.
— On l’est tous, fragile. Chacun trouve sa manière de se protéger, c’est tout, répondit Tom.
— Je ne sais pas si je réussirais un jour à m’habituer à ton calme. Tu as toujours le mot pour dédramatiser les situations !
Leur conversation laissa la place à de nombreux câlins, comme si leurs corps savaient déjà qu’ils allaient devoir attendre une longue semaine avant de se retrouver. Tom alla chercher deux bougies qui l’alluma pour rendre sa chambre plus intime. Paul le regarda ouvrir le tiroir de sa table de chevet et en sortir une boîte de préservatifs ainsi qu’un tube de gel lubrifiant. Malgré le peu de lumières, Tom perçut le rouge de ses joues.
— J’ai pensé que ce soir, nous pouvions, enfin, si tu as envie…
Paul se jeta sur lui et le couvrit de baisers pour le remercier de lui avoir fait la proposition, lui, n’ayant pas osé le faire. Jusqu’à présent, il avait répondu à tous les jeux que lui avait suggérés son amant, mais sans aller jusqu’à cette pratique qu’il appréhendait beaucoup, du fait de son inexpérience. Tom l’avait rassuré en lui promettant qu’ils n’étaient pas pressés et qu’ils avaient tout leur temps pour se découvrir. Même s’il n’avait pas prévu de le faire pour la première fois ce soir, Paul était ravi de lui offrir ce moment, précisément ce soir.
Nu, Paul s’allongea sur le dos, très vite rejoint par Tom, nu lui aussi, qui pressa son sexe contre le sien, tout en le couvrant de baisers. Il finit par s’asseoir sur lui, en frottant délicatement ses fesses contre son sexe déjà bien dur. Il lui montra le préservatif et s’amusa à en faire un avion, ce qui ne manqua pas de les faire rire, malgré l’appréhension qui n’avait pas encore totalement quitté Paul. Tom finit par déchirer l’emballage. Il le regarda droit dans les yeux et déroula le préservatif sur le sexe de Paul qui se laissa faire. Il y déposa une noisette de gel ainsi qu’une autre sur son orifice. Paul ressentit le corps de son amant frissonner lorsqu’il accueillit sa verge peu à peu dans son entier. Tom émit un long gémissement et commença des va-et-vient de son bassin. Il sentit Paul se contracter. Il vint l’embrasser en le rassura qu’il se débrouillait parfaitement.
— Tu me fais du bien, continue comme ça, vas-y, lui murmura-t-il à l’oreille.
Paul finit par se détendre et lui sourire. La sensation de pénétration lui était totalement nouvelle et si agréable ! Il finit par prendre l’initiative et renversa son partenaire doucement sur le dos et revint en lui, accélérant le rythme. Tom ressentit son assurance et en profita de plus belles. Puis vint le moment où Paul le regarda intensément et l’avertit qu’il n’allait pas pouvoir se retenir plus longtemps. Tom eut à peine le temps de sourire qu’il sentit la jouissance de Paul en lui, avant qu’il ne se laisse retomber sur lui, reprenant son souffle. Tom lui demanda de rester en lui quelques instants, afin de profiter encore de cette sensation merveilleuse. Puis, Paul se retira doucement, s'allongea sur le dos, le visage en sueur, avec un sourire béat. Tom l'embrassa fougueusement, avant de revenir à califourchon sur lui pour inonder sans retenue le ventre de Paul. Ils restèrent un long moment l’un contre l’autre, mesurant ce qu’ils venaient de faire. Tom rassura de nouveau Paul qu’il avait aimé du début à la fin. Ce dernier ne put s’empêcher de rougir de nouveau, avant de l’assurer que ça ne serait pas la dernière fois qu’ils feraient l’avion tous les deux ! Tom rit aux éclats et lui proposa que la prochaine fois, c’est lui qui prendrait les manettes de l’appareil en lui donnant de petites tapes sur les fesses.
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