Chapitre 1 : La source de tous mes mots (1/4)
Septembre est arrivé sans que je ne lui ouvre la porte. Mais c'est toujours ainsi, n'est-ce pas ? Septembre est le début d'un cycle, tout comme le nouveau compte à rebours d'une année pour trouver mon chemin... ou pour tenter de retourner sur mes pas, sans vraiment voir que les années filent entre mes doigts.
Le premier septembre 2018 marque le début de ma deuxième année à l'université. Un nouveau cycle, une répétition, une autre chance de recommencer. J'entre dans cette nouvelle année comme on entre dans un livre déjà feuilleté, en espérant y découvrir de nouvelles pages.
Je suis assez littéraire, c'est vrai. Ce matin, mon premier cours me semble presque familier, presque rassurant. Après de longues et merveilleuses vacances passées à la plage, je me retrouve ici, entre quatre murs, les pensées qui vagabondent.
C'est ma manière à moi de façonner mes souvenirs : les modeler à l'image des sentiments qui m'inondent, les rendre plus doux, plus beaux, plus vivants que la réalité. Mais maintenant, il est temps de revenir à cette réalité, aussi inconfortable soit-elle. Et je le sais... je devrais me bouger un peu, me forger de nouvelles amitiés.
Ah oui, parce que je ne vous l'ai pas encore dit, mais je suis un cas... presque à la limite de l'irréel. Ma timidité prend tellement de place que je n'ose jamais me lier aux autres, ni même discuter. C'est inconfortable. Pourquoi ? Aucune idée."
"Peut-être que je suis simplement née ainsi. Peut-être que quelque chose a changé en moi il y a longtemps, mais quoi qu'il en soit, cela me suit partout, comme une ombre. C'est ridicule, non ? Mais pour moi, c'est un vrai défi. Ça devrait être plus facile... pourtant, ça ne l'est pas."
"Hier, par exemple, j'ai réussi à discuter avec le boulanger pour acheter des baguettes. Pour des gens aussi parfaits et impeccables que vous, ça doit sembler insignifiant. Mais pour moi, c'était une victoire. Une petite bataille gagnée dans la guerre que je mène chaque jour avec moi-même."
"Ne vous inquiétez pas, vous ne pouvez pas attraper la 'Mirraïte' en croisant mon regard. Je plaisante... enfin, à moitié. Parce qu'à l'intérieur, c'est une autre histoire. Je peux passer des heures à débattre dans ma tête, à dérouler des pensées infinies, mais quand il s'agit de tenir une conversation avec le commun des mortels... c'est une tout autre aventure. Une aventure où, bien souvent, je perds le fil.
(Une personne s'avança de derrière et chuchota à l'oreille de Mira.)
— Je vois que ma chère chaise pliante n'a même pas daigné me jeter un seul regard.
(Mira sursauta, les yeux écarquillés, avant de reconnaître la voix familière.)
— Chloé ! Tu m'as fait peur ! (Elle se retourna, son cœur battant, hésitante à exprimer sa surprise.) Franchement, tu pourrais dire bonjour comme tout le monde... Mon cœur ne tiendra pas si tu continues à me surprendre comme ça.
(Elle esquissa un sourire nerveux, ses doigts jouant avec une mèche de cheveux, trahissant son anxiété.)
— Désolée... J'ai encore été un peu trop loin ? (Chloé sourit, amusée, mais une lueur de regret dans ses yeux.) Promis, je ferai plus attention... pour l'instant.
(Mira secoua la tête, évitant le regard pétillant de Chloé. Elle aurait aimé répondre avec un brin de sarcasme, mais les mots restaient bloqués dans sa gorge.)
— Hmm, bref... comment as-tu trouvé le cours aujourd'hui ? (demanda Mira, cherchant un sujet plus neutre pour apaiser son esprit.)
— Honnêtement ? (Chloé soupira longuement, levant les yeux au ciel.) Mon cerveau voulait suivre, mais mon corps a fait défection... (Elle passa une main sur sa nuque, laissant transparaître sa lassitude.)
(Mira arqua un sourcil, l'air dubitative.)
—Mais...En fait, c'est l'inverse dans l'expression. Tu vois à quel point je suis crevée ?
— Je ne comprends toujours pas pourquoi tu vas en soirée la veille de la rentrée. (Elle parla doucement, presque comme si elle s'excusait de poser la question.)
— Oh, tu sais, on n'a 19 ans qu'une fois... (Chloé esquissa un sourire espiègle, sa voix prenant une teinte sarcastique.) Il faut bien vivre avant que la vie nous rattrape avec ses « grandes responsabilités », non ? Mais bon, parfois je me demande si je ne devrais pas être un peu plus sérieuse. Peut-être que dans dix ans, je regretterai d'avoir pris tout ça à la légère.
— Oui, peut-être... (Mira baissa les yeux, incertaine de quoi dire.) Mais... tu sais, tu seras une quadragénaire épanouie, j'en suis sûre. (Elle releva les yeux, cherchant à se rassurer tout autant que Chloé.)
(Chloé éclata de rire, la chaleur de son sourire apaisant un peu Mira.)
— Toi et ton sérieux, je te jure. T'inquiète pas pour moi, Mira. (Elle leva les mains avec un geste désinvolte.) Si je deviens une quadragénaire un peu paumée, au moins j'aurai des souvenirs à raconter. Et franchement, je préfère ça que d'avoir passé ma vie à tout prévoir sans jamais rien vivre.
(Elle s'appuya légèrement contre le dossier de sa chaise, l'air plus posé.)
— Vieillir, ce n'est pas si effrayant que ça. Chaque ride, c'est une histoire, un moment qu'on a traversé. Je me dis que tant que je peux me regarder dans le miroir et me dire j'ai vécu comme je voulais, ça ira. Et si jamais ça ne va pas ? Eh bien, il sera encore temps de changer.
(Mira esquissa un sourire, admirative. Chloé avait une façon unique de relativiser les choses. Elle aimerait être aussi légère parfois, mais au fond d'elle, l'idée de ne pas savoir où elle allait lui faisait peur.)
— Tu sais, Chloé, des fois je t'envie. (Elle marqua une pause, baissant légèrement la voix, troublée par ses propres pensées.) Ton aisance, ta façon de surmonter des défis que je n'oserais même pas imaginer... (Sa voix se fit presque un murmure.) Je ne sais pas si c'est ma timidité qui m'a toujours barré la route, ou si c'est moi. Et je me demande parfois si je pourrais un jour parler à quelqu'un avec confiance, sans cette peur constante d'être jugée... les yeux dans les yeux.
(Chloé l'interrompit doucement, son ton rassurant mais ferme.)
— Mira, je t'arrête tout de suite. Tu n'as aucune raison d'avoir honte. Ça fait des années qu'on se connaît, et même si je ne comprenais pas tout au début, j'admire vraiment tes efforts. Je veux dire, ton combat est tellement différent du mien parce qu'il porte sur quelque chose qui, pour moi, est inné. Mais ça ne rend pas ta lutte moins légitime.
(Elle fit une pause, cherchant les mots justes, son regard posé sur Mira.)
— Qui de mieux que soi-même comme pire ennemi, hein ? Depuis qu'on est petites, je t'ai vue te battre pour t'adresser aux autres. Tu échoues, puis tu essaies à nouveau. Encore et encore. (Elle sourit tendrement.) Je te vois comme une vraie battante, même si tu ne t'en rends pas compte. Tu as gagné des batailles, Mira, même si tu préfères ne pas les voir. Tu es un exemple pour moi. (Chloé ajouta, sincère.) Je suis là pour toi. Je serai toujours là. Alors quand tu te sens mal, parle-moi. Même si tu veux juste passer du temps sans rien dire, je suis là. Après tout, je suis Chloé, ton amie.
(Mira demeura silencieuse, le poids des mots de Chloé résonnant en elle, une chaleur étrange mais réconfortante envahissant sa poitrine.)
— Je... je ne comprends pas...
(Chloé, avec un sourire doux, poursuivit.)
— Tous les mots ont un sens, mais parfois leur destination prend plus de temps à parvenir à quelqu'un qu'à un autre.
(Elle esquissa un sourire, se préparant à dévoiler davantage.)
— Tu as décidé de m'ouvrir ton cœur, alors je ferai de même à mon tour... Je suis sûre qu'après huit ans, je t'ai donné l'image d'une fille sûre d'elle, toujours prête à dégainer son arme contre n'importe quel ennemi. Mais parfois, c'est juste ma manière de masquer mes blessures, mes chagrins, mes peurs. Je me cache derrière ce masque pour éviter de faire une introspection. J'ai peur de me confronter à moi-même, ce que toi tu fais chaque jour avec aisance. J'ai peur de parler à cœur ouvert. Je préfère me cacher sous le masque du clown que d'être juste Chloé. Je sais que l'abandon de ma mère a beaucoup contribué à cette peur, mais je te fais une promesse : je me battrai aussi. Je ferai en sorte de devenir une source de motivation pour toi.
(Mira sourit, touchée.)
— Je suis heureuse de m'être ouverte à toi, Chloé. Ça fait du bien de pouvoir partager comme ça de temps en temps.
(Elle continua, sincère.)
— Je suis du même avis. Je n'aurais jamais pensé que tu portais quelque chose d'aussi lourd en toi. Je suis vraiment une piètre amie, je suis désolée.
(Chloé secoua la tête, la douceur dans sa voix.)
— Ne t'excuse pas. J'ai décidé, en tant qu'adulte majeure et vaccinée, de garder cela pour moi. Mais le fait que tu t'es ouverte m'a donné le courage de le faire à mon tour.
(Mira acquiesça, reconnaissante.)
— Et ça, c'est le plus beau cadeau que tu puisses me faire.
(Chloé, souriante, ajouta.)
— C'est incroyable, on n'a jamais autant parlé à cœur ouvert alors qu'on se connaît depuis huit ans. C'est sûrement la magie du stress de la rentrée
(Mira se mit à rire, mais avec une note d'inquiétude.)
— On en reparlera lors du stress des examens, si l'effet sera le même.
(Chloé fit une grimace, amusée.)
— Oh non, pourquoi me rappeler ces souvenirs traumatiques, Mira ? Je m'en suis à peine remise. La seule chose que je veux délier durant les examens, c'est mes neurones.
(Mira, moqueuse, rétorqua.)
— Il faudrait que tu arrêtes de passer tes nuits en soirées si tu veux qu'il t'en reste durant les examens.
(Chloé éclata de rire, taquinant Mira.)
— Je ne te connaissais pas avec un tempérament aussi moqueur, ma chère chaise pliante des montagnes.
(Mira sourit, feignant l'indignation.)
— Arrête avec ça, on va nous entendre.
(Elles éclatèrent de rire, le son léger de leur complicité flottant un instant dans l'air. Alors que l'échange s'estompait, une chaleur agréable envahit Mira. Elle jeta un regard vers Chloé, qui semblait aussi détendue que jamais, avant de réaliser qu'il était temps de partir.)
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