Chapitre 1 : La source de tous mes mots (2/4)

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(Elles quittèrent la salle, leur conversation s'effaçant peu à peu dans le brouhaha ambiant. Mira se retrouva bientôt à traverser le couloir animé de l'université,où les murs étaient ornés de fresques colorées représentant des scènes de vie étudiante. Les derniers rayons de soleil de septembre filtraient à travers les grandes fenêtres, projetant des ombres dansantes sur le sol carrelé. L'odeur du café fraîchement préparé se mêlait à celle des livres neufs, créant une ambiance vibrante et chaleureuse. Alors que je me dirigeais vers mon prochain cours, une vague d'émotions m'envahissait, mêlant excitation et appréhension. Le bruit des rires et des conversations résonnait autour de moi, me rappelant que chaque étudiant avait ses propres rêves et défis. Mon regard croisa celui de quelques camarades, leurs visages radieux, et je ne pus m'empêcher de sourire. En revanche, Chloé, à mes côtés, semblait plus préoccupée. Son désintérêt évident pour les cours ne la rendait pas inapte à la vie universitaire ; elle avait juste moins d'affinités avec les matières académiques. La cantine, au bout du couloir, était pleine à craquer de jeunes étudiants qui dévoraient leurs plats tout en discutant de tout et de rien. L'odeur des frites chaudes et des pizzas flottaient dans l'air, accompagnée des éclats de rire qui s'élevaient comme une mélodie. Je savais que la nourriture y était souvent plus chère que bonne, mais aujourd'hui, j'étais d'humeur à profiter de chaque instant, alors je préférais garder mes critiques pour un autre moment.)

— Alors, Chloé, qu'est-ce que tu veux prendre ? demandai-je en observant la panoplie de nourriture étalée sous nos yeux.

— Je ne sais pas, le choix est vaste, et je n'ai qu'un petit ventre... enfin, surtout un porte-monnaie vide, rempli à la sueur de mon front ! Il brille tellement que j'aurais préféré vivre ma vie à dormir et à manger comme un hybride paresseux, soupira Chloé, feignant de s'évanouir avant de se redresser avec détermination.

— Un trésor philosophique, tout ça ! Je vais choisir et réserver une assiette pendant que toi, tu te transformes en hybride mi-Chloé, mi-paresseuse, répondis-je en riant.

— Bien sûr, je vais faire ça tout de suite, alors, affirma Chloé avec un clin d'œil.

J'ai décidé de partir en quête de mon objectif : trouver un endroit convenable dans cette immense université pour m'installer dans la cour. J'ai laissé Chloé s'occuper de sa recherche de trésor pendant que je m'occupais de trouver une place idéale dans cette cour, qui, il faut le dire, était véritablement parfaite. Cette université était d'une beauté éblouissante, avec ses allées soigneusement entretenues et ses innombrables décorations florales, créant une atmosphère presque féerique. J'avais envie de pique-niquer, mais je n'avais ni couvert ni nécessaire. J'ai sorti mon livre du moment, *C'était juste une larme*, un récit captivant avec une héroïne passionnée. Chaque péripétie, chaque rencontre, chaque épreuve me touchait profondément, et je ne voulais pas quitter ce livre. Je le considérais comme une partie de moi, et j'étais un peu triste de voir que j'approchais de la fin.

Mais soudain, une voix magnifique retentit, semblant chanter une berceuse, et me coupa dans mon élan de lecture.

— Doucement... là... mystère... vallée de roses... entends-tu ?

— Qui chante ? C'est vraiment magnifique, je pense que ça vient du labyrinthe. Je devrais aller jeter un œil, dis-je, pleine de curiosité.

— Mira, je suis là ! cria Chloé, courant de manière mélodramatique vers moi tout en brandissant fièrement sa baguette de pain.

— J'ai trouvé mon destin, le voici ! ricana-t-elle de manière diabolique.

— Enfin, tu es là, Chloé. As-tu entendu cette berceuse ? demandai-je en touchant mes cheveux pour cacher ma curiosité. C'était vraiment une voix magnifique, mais elle me paraissait étrangement familière. Elle m'a rendue triste, et je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression de la connaître. Je dois être folle.

— La seule folle ici, c'est moi et personne d'autre ! Mais si tu as l'impression de connaître cette voix, il faudrait vraiment prendre ça au sérieux. Je ne sais pas si c'est délicat d'en parler, mais peut-être que ce déjà-vu est lié à tes parents. Tu devrais vraiment en parler à Mamie Langue de Bois. Tu te souviens des paroles ? répondit Chloé avec un sérieux inattendu.

— Oui, merci de prendre mes suspicions en considération. Ça m'étonne même que tu me croies du premier coup sans preuve, je te l'avoue, mais je vais lui en parler. Je pense que je ne me sens pas aussi mal pour rien. Je vais écouter mon instinct pour une fois.

Je soupirai longuement avant de reprendre.

— Je dois me reprendre, je vais pensée à autre chose pour oublier. Ah... il est bientôt l'heure de reprendre les cours( je regardi furtivement l'heure sur mon telephone). Ça te dit de jeter un œil à la bibliothèque après les cours ? proposai-je.

— Ah oui, tu as raison ! Il faut se presser. Avec plaisir, répondit Chloé.

Le cloître de l'université, baigné par une lumière douce de fin d'après-midi, semblait presque désert. Mira et Chloé marchaient côte à côte, leurs pas résonnant faiblement sur les dalles. Leurs discussions, pourtant fréquentes, s'étaient muées en un silence confortable. Mais bientôt, le moment de se séparer arriva.

— Alors, on se retrouve après ? demanda Chloé, un sourire effleurant ses lèvres.

Mira hocha la tête, hésitant à répondre. Elle savait que Chloé avait ce talent naturel de remplir le silence, mais cette fois, son amie semblait l'observer avec une pointe d'inquiétude.

— Tu vas où, maintenant ? Tu viens en cours avec moi ?

Mira secoua la tête, plus par réflexe que par véritable réflexion.

— Non... J'ai un autre cours. En amphi.

Elle évita le regard insistant de Chloé, qui savait lire entre les lignes mieux que quiconque.

— Ça va aller ? demanda-t-elle doucement.

Mira força un sourire.

— Oui, ça va. C'est juste un cours.

Chloé ne répondit pas tout de suite, mais posa une main sur l'épaule de Mira avant de s'éloigner.

— D'accord. Mais si jamais tu as besoin, tu sais où me trouver.

Mira la regarda partir, son cœur partagé entre gratitude et un léger pincement d'appréhension. L'amphithéâtre semblait immense. Les rangées de sièges, qui s'étendaient en demi-cercle autour de l'estrade, décuplaient la sensation d'espace et d'exposition. Mira sentit immédiatement une boule se former dans son estomac. Elle hésita un instant, scrutant la foule déjà installée, puis s'avança, choisissant une place au fond, loin des regards.

Sur l'écran, le titre du cours s'affichait en lettres imposantes : "La Boîte de Pandore et l'espoir : bénédiction ou malédiction ?"

Un soupir discret lui échappa. Ce thème ne pouvait pas mieux tomber, et pourtant, elle se sentait démunie. "Pourquoi faut-il toujours qu'on dissèque tout ?" pensa-t-elle, les bras croisés. Elle essayait d'éviter les pensées envahissantes, mais l'idée d'un débat public la glaçait.

Les murmures cessèrent lorsque le professeur entra. Il portait une veste en cuir noir qui tranchait avec l'image classique du pédagogue. D'un geste assuré, il posa son sac sur la table, ses lunettes légèrement de travers ajoutant une touche informelle à sa posture autoritaire.

— Bonjour à tous, lança-t-il, sa voix claire traversant la salle. Aujourd'hui, on va philosopher, et je veux entendre vos voix.

Il parcourut l'assemblée d'un regard acéré, ses yeux semblant chercher le moindre signe d'inattention.

— Voici ma question pour vous : l'espoir est-il un don des dieux... ou un fléau déguisé ?

Il marqua une pause, laissant ses mots s'infiltrer dans l'esprit de chacun.

— Prenez Pandore. Tous les maux du monde s'échappent de la boîte qu'elle ouvre par curiosité. Mais, au fond, il reste quelque chose : l'espoir. Certains disent que c'est un cadeau, la promesse d'un avenir meilleur. D'autres pensent que c'est la pire des illusions, un mécanisme cruel pour nous maintenir enchaînés. Alors... qu'en pensez-vous ?

Un étudiant leva immédiatement la main, un jeune homme blond au visage rayonnant d'assurance.

— Monsieur, l'espoir est évidemment une force positive. C'est ce qui nous pousse à aller de l'avant, à croire que demain peut être meilleur qu'aujourd'hui.

Le professeur hocha lentement la tête, un sourire légèrement ironique aux lèvres.

— C'est une belle réponse, commença-t-il. Mais laissez-moi vous poser une question : si demain n'était jamais meilleur ? Si l'espoir, au lieu de vous pousser à agir, vous enfermait dans une attente stérile ?

L'étudiant hésita, pris au dépourvu, mais une jeune femme, assise plus bas, intervint.

— Ce n'est pas l'espoir qui est le problème, mais l'attitude qu'on adopte face à lui. L'espoir, c'est une étincelle. Mais si on ne l'alimente pas par l'action, il s'éteint.

— Une vision pragmatique, répondit le professeur. Mais vous semblez oublier que l'étincelle peut aussi brûler, vous aveugler. Ne sommes-nous pas parfois prisonniers de nos propres illusions ?

Les échanges s'intensifièrent. Un étudiant, assis près de l'allée centrale, prit la parole d'un ton plus acerbe.

— Honnêtement, je trouve que l'espoir est une invention hypocrite. Il nous ment, nous fait croire en des choses impossibles. Combien de gens restent bloqués dans des situations toxiques parce qu'ils espèrent un changement ?

Cette déclaration provoqua une vague de murmures. Mira, elle, écoutait attentivement, son esprit en ébullition. Chaque argument résonnait différemment en elle, comme des pièces d'un puzzle qu'elle tentait désespérément d'assembler.

Le professeur balaya la salle du regard, puis fixa Mira.

— Vous, au fond. Vous avez l'air de réfléchir intensément. Partagez vos pensées.

Mira sentit son cœur s'accélérer, comme si on l'avait plongée dans l'eau glacée. Tous les regards se tournèrent vers elle. Elle baissa la tête, luttant contre une vague de panique.

"Pourquoi moi ?" pensa-t-elle, les mains moites. Elle sentit son souffle devenir court, mais une voix intérieure la poussa doucement : "C'est ton moment. Ils veulent savoir ce que tu penses. Alors dis-le."

Elle redressa les épaules, inspirant profondément avant de se lancer, la voix tremblante mais claire.

— Je pense... que l'espoir est comme un papillon.

Le professeur pencha légèrement la tête, intrigué.

— Développez.

Mira continua, sa voix gagnant en assurance à mesure qu'elle avançait.

— L'espoir se dissimule en une lueur fragile, peinant à déployer ses ailes. Mais cette lumière... elle peut être trompeuse. Comme si tout était prémédité : et si l'espoir n'était, finalement, que le pire des malheurs ? Non pas parce qu'il nous détruit immédiatement, mais parce qu'il nous pousse à croire que tout est réparable, alors que certaines choses ne le sont pas.

La salle était plongée dans un silence total.

— Jusqu'où laisserons-nous le papillon influer sur le monde et ses desseins ? L'espoir peut-il vraiment nous sauver, ou ne fait-il que prolonger notre agonie ?

Le professeur resta figé un instant, visiblement surpris. Puis un sourire sincère adoucit son visage.

— Voilà une perspective fascinante, dit-il avec calme, mais un enthousiasme contenu. Ce que vous soulevez ici ne se limite pas seulement à la mythologie ou à la philosophie. Vous touchez à une vérité humaine profonde : l'ambiguïté de l'espoir. Est-il une force de survie, ou simplement une illusion qui nous fait avancer malgré l'inéluctable ?

Il fit une pause, ses yeux observant les rangées d'étudiants comme pour leur laisser digérer les propos.

— Et c'est précisément ce qui rend le mythe de Pandore si intemporel. Il n'offre pas de réponse. Il nous pousse, chacun à sa manière, à questionner nos propres croyances, nos propres espoirs, et nos propres peurs. Philosopher, c'est accepter que le doute soit parfois plus fertile que la certitude. Merci pour votre contribution, mademoiselle.

Un silence chargé suivit, avant qu'un ou deux étudiants n'osent taper timidement des mains. D'autres suivirent, jusqu'à ce que l'amphithéâtre résonne d'applaudissements retenus mais sincères.

Mira baissa la tête, submergée par une chaleur étrange. Les applaudissements n'étaient pas pour une révélation brillante – son idée avait déjà été évoquée, d'autres avant elle avaient même formulé des arguments similaires – mais pour quelque chose d'autre. Le courage. La capacité d'avoir pris la parole face à cette marée d'yeux scrutateurs.

Alors que les étudiants quittaient l'amphithéâtre, Mira restait assise, encore absorbée par ce qui venait de se passer. Une fille passa près d'elle, déposant un murmure léger comme une plume :

— T'es plus forte que tu crois.

Mira releva la tête, mais la fille était déjà partie. Elle prit une grande inspiration et se leva lentement, ses jambes encore un peu faibles. En traversant les couloirs, Mira sentit le regard de quelques étudiants glisser sur elle, mais sans lourdeur ni jugement, juste une reconnaissance muette. Pour la première fois, elle n'avait pas peur d'être vue. Arrivée à la bibliothèque, le silence l'accueillit comme un refuge familier, mais cette fois, elle n'y entrait pas pour se cacher. Elle avait pris la parole, et ce simple fait avait laissé une trace, même infime, dans un monde qui continuait de tourner.

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