Chapitre 2 : L'illusion de contrôle (2/4)

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Au lever du jour, je me réveillai en sursaut. Les rayons du soleil caressaient mon visage, mais je restais figée, hantée par l'impression que ce que j'avais vécu venait de se produire. Mon cœur battait à tout rompre, mes mains tremblaient, et une boule d'angoisse écrasait ma poitrine.

Je savais ce qui allait arriver. L'air semblait se raréfier autour de moi, mes pensées s'emballaient. Mon souffle devenait court, saccadé, incontrôlable.

Soudain, Mamie entra dans la pièce. Elle me regarda une seconde, et son expression changea immédiatement.

— Oh ma chérie... Respire doucement. Inspire... voilà, comme ça. Maintenant, expire. Encore une fois. Inspire...

Sa voix calme et rassurante guida mon souffle, mais mon esprit restait embourbé dans la panique.

— Je... je ne peux pas... Mamie, j'ai l'impression que je vais mourir...

Elle s'agenouilla près de moi, prenant doucement mes mains dans les siennes.

— Non, ma chérie, tu ne vas pas mourir. Ce n'est qu'une crise. Écoute-moi. Je suis là, je te tiens. Tu n'es pas seule, Mira. Continue de respirer avec moi. Inspire... expire.

Petit à petit, le poids sur ma poitrine se dissipa. Mes tremblements se calmèrent, mais des larmes silencieuses coulaient sur mes joues.

Mamie m'essuya doucement les joues, avant de prendre mon visage entre ses mains.

— Tu veux m'en parler ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

J'hésitai, un nœud se formant dans ma gorge. Je ne savais pas si je devais tout lui dire. Ce que j'avais vu n'avait rien de rationnel, et je ne lui avais toujours pas parlé de cette voix. Punaise, c'était la même que celle de cette chose. Mais qu'est-ce que c'était au juste ?

Mamie semblait lire dans mes pensées.

— Tu sais, peu importe ce que c'est, je ne te jugerai jamais. Si tu n'es pas prête à en parler, ce n'est pas grave. Mais sache que je suis là. Toujours.

Sa sincérité m'arracha un sanglot.

— Non... je vais te le dire. Je sais que si je ne t'en parle pas maintenant, je n'aurai jamais le courage de le faire.

Je pris une profonde inspiration avant de me lancer, choisissant mes mots avec soin, bien qu'ils semblaient vaciller sous le poids de mon propre doute.

– Tout a commencé quand je suis allée me coucher. Je ne sais pas si je rêvais ou si j'étais éveillée, mais je sentais une présence dans la pièce. Quelque chose... ou quelqu'un... était assis au bout de mon lit.

Mamie ne disait rien. Elle écoutait attentivement, ses mains toujours posées sur mes bras pour m'apporter du réconfort.

– Je n'arrivais pas à bouger. C'était comme si mon corps m'avait abandonnée. Seuls mes yeux fonctionnaient, et je pouvais voir cette... cette ombre, assise là, en face de la fenêtre. Elle avait une forme humaine, mais ce n'était pas humain. Il n'y avait ni visage, ni traits distinctifs, à part cette bouche. Un sourire... large, effrayant. Et elle... elle chantonnait quelque chose, comme une comptine.

Je marquai une pause pour respirer, mais Mamie ne me pressa pas.

– Puis, elle a tourné la tête vers moi. Même sans yeux, je savais qu'elle me regardait. Elle m'a observée pendant ce qui m'a semblé une éternité, avant de se pencher vers moi et de... de me parler.

Mamie fronça légèrement les sourcils, son expression oscillant entre surprise et inquiétude.

– Elle avait une voix que je connaissais. Une voix que j'avais déjà entendue quelque part, et c'est ça qui m'a glacée. Elle m'a dit des choses... étranges. Elle m'a demandé ce que je pensais de la vérité, de la lune... et ses mots n'avaient aucun sens. Puis, elle s'est approchée encore plus et a murmuré quelque chose à mon oreille.

Ma voix trembla légèrement.

– Elle m'a dit... 'Ma puce, ma mirète, jusqu'à où comptes-tu ignorer les signes ?'

Mamie retira lentement ses mains de mes bras. Je la regardai enfin dans les yeux, et je vis son visage perdre toute couleur.

– Mamie... est-ce que ça va ?

Elle cligna des yeux, comme pour chasser une pensée trop lourde.

– Euh... Ma chérie, je vais bien. Je vais juste... sortir un moment, mais ne t'inquiète pas, ce n'est rien, vraiment. Je reviens vite.

Avant que je puisse protester, elle se leva précipitamment et sortit de ma chambre presque en courant.

Je restai assise sur mon lit, les bras autour de mes genoux, à regarder la porte que Mamie avait refermée derrière elle. Pourquoi avait-elle réagi comme ça ? Elle, qui n'était jamais du genre à fuir les conversations, semblait soudain troublée... comme si ce que je lui avais raconté n'était pas une surprise pour elle.

Mon esprit s'emballait. Est-ce qu'elle savait quelque chose qu'elle ne voulait pas me dire ? Et si oui, pourquoi ? Mamie était toujours honnête, même dans les pires situations. Alors pourquoi cette attitude ?

Je soupirai, m'allongeant sur le lit tout en fixant le plafond, cherchant à apaiser mes pensées. Mais elles s'entremêlaient, rebondissant entre ce que j'avais vécu, la réaction de Mamie et cette voix... cette voix familière qui m'avait murmurée ces mots étranges.

C'est alors que mon téléphone, posé sur ma table de chevet, se mit à vibrer. Le bruit me tira brusquement de mes pensées. J'attrapai l'appareil et vis le nom de ma meilleure amie s'afficher sur l'écran.

– Salut, Mira ! Comment tu vas ?

Sa voix chaleureuse était un baume sur mes nerfs à vif.

– À ta voix, je devine que ça ne va pas trop. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je soupirai.

– Rien de grave... enfin, je crois. Une sorte de paralysie du sommeil, j'imagine. Je t'expliquerai ça plus précisément quand on se verra.

Il y eut un silence de son côté, puis elle reprit d'une voix plus douce :

– J'en conclus qu'aujourd'hui, tu ne viens pas en cours ?

– Non... je ne suis vraiment pas en forme. Je vais rester à la maison. Merci de t'inquiéter pour moi.

– Mais c'est normal, tu sais ! Repose-toi bien et prends soin de toi, d'accord ? Reviens-nous en forme, Mira.

– Merci. Bisous.

– Bisous.

Je raccrochai, déposant le téléphone sur la table de chevet, avant de laisser échapper un long soupir.

Je fermai les yeux un instant, espérant que cette simple pause m'apaiserait, mais rien n'y faisait. Tout en moi criait que quelque chose n'allait pas. Mon regard se tourna vers la porte que Mamie avait franchie un peu plus tôt.

Pourquoi avait-elle pâli à ce point en entendant mon récit ? Qu'est-ce qu'elle savait, ou soupçonnait, pour réagir ainsi ?

Je me rallongeai, essayant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Mais une seule question résonnait dans ma tête, encore et encore :
Et si Mamie me cachait quelque chose ?

Est-ce que je suis vraiment en train de suspecter ma grand-mère ? Suis-je une fille ingrate, à chercher des mystères là où il n'y en a peut-être pas ? Après tout, c'est elle qui m'a recueillie après la disparition de mes parents. Elle a tout fait pour combler le vide qu'ils ont laissé. Elle m'a même offert Pitbull comme compagnon, voyant que j'avais du mal à me faire des amis à cause de mon anxiété sociale. Elle m'a tendu la main à chaque chute, ne manquant jamais un seul événement me concernant, tout en me poussant à me dépasser, jour après jour. À dépasser cette peur de l'autre.

Mais je ne peux pas ignorer que sa réaction était étrange. Elle savait exactement de quoi je parlais, et la peur dans ses yeux ne m'a pas échappée. Si je me trompe, je m'excuserai, front contre le sol, si nécessaire. Mais je refuse de vivre dans l'incertitude. Je ne veux plus avoir de regrets.

Je t'aime, grand-mère. J'aime cette tranquillité, ces moments partagés, nos rires et notre complicité. Mais tu m'as dit hier que je devais me battre, et c'est exactement ce que je vais faire. Je vais trouver cette vérité, de gré ou de force.

Avant tout, je crois qu'un bon bain me ferait du bien.

Je descends à la cuisine et j'aperçois le vide dans la pièce, une sensation de solitude. Elle doit être partie tôt ce matin, ne voulant probablement pas que je l'interroge ou que je creuse davantage dans ses secrets. J'appelle néanmoins :
– Mami, j'ai besoin de te parler... Mami ?
Silence. Elle n'est pas là.

Je soupire, me dirigeant vers la salle de bain. Je dois me détendre, ne pas laisser mes pensées m'envahir. Une pause, juste un instant.

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