Chapitre 2 : L'illusion de contrôle (3/4)

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Le parfum du savon flotte dans l'air. L'eau s'écoule lentement, formant de petites vagues. Je me glisse dedans, sentant l'étreinte chaude et apaisante de l'eau qui m'enveloppe. Je ferme les yeux, me laissant submerger par la sensation. Ah, ça fait du bien... Le bruit de l'eau est comme un murmure rassurant, un souffle d'air léger dans un monde trop bruyant.

Il n'y a plus que moi et moi ici.

Je laisse mes pensées dériver, mais une force intérieure me pousse à revenir à la réalité. Je rouvre les yeux, les idées s'éclaircissent. Il est temps de faire un point sur ce qui s'est passé ces dernières vingt-quatre heures.

La journée d'hier avait commencé normalement, jusqu'à ce que je m'installe pour chercher un endroit où manger. C'est là que j'ai entendu cette voix. Cette fameuse voix. Je la connaissais, au fond de moi, mais il m'a fallu un moment pour en prendre conscience. Elle avait prononcé des mots que je n'oublierai pas : "Vallée des Roses". Quelque chose en moi a frissonné à ce moment-là. C'était... intrigant.

Ensuite, il y a eu ce moment où Chloé m'a quittée pour attraper son train. La voix est revenue, comme si elle m'appelait, à moi seule. Et là, elle a prononcé mon surnom, Mirète. Un surnom que seule ma famille connaît. Même Chloé ne l'a jamais entendu. Il n'y a qu'eux... Mais cette voix... Comment pouvait-elle savoir ?

Le dernier événement, c'est l'apparition de l'entité dans ma chambre. Je n'ai pas rêvé, non. Elle avait la même voix, et elle a chantonné cette mélodie que j'avais entendue auparavant. Mais ce qui m'a vraiment perturbée, c'est qu'elle a parlé de la lune. De la lune. Et si, au lieu d'une simple métaphore, la lune était réellement une personne ? Pas juste un symbole, mais un être tangible, un individu ? Peut-être que je vais trop loin... Mais quelque chose en moi me dit que je ne me trompe pas.

Et puis, il y a ce comportement étrange de grand-mère aujourd'hui. Une réaction... anormale. Je ne vais pas tout dévoiler, pas encore.

Un proverbe me traverse l'esprit : "Trop de hasard tue le hasard." Et je commence à croire qu'il y a trop d'éléments qui se croisent de manière inexplicable. Mais que cherchent-ils à me dire, exactement ? Une logique se cache peut-être derrière tout ça, ou peut-être que tout n'est que chaos.

Je décide qu'il est temps de sortir du bain. Même si l'eau est agréable, mon esprit est bien trop agité. J'éteins le robinet, la vapeur enveloppe la pièce, et je me lève lentement. L'air frais me saisit lorsque je m'habille rapidement.

En remontant dans ma chambre, je remarque l'heure. Il est déjà 11h30. Je devrais préparer quelque chose à manger avant de commencer mes études. Je descends à la cuisine et j'ouvre le réfrigérateur, scrutant les étagères.

– Bien, il va falloir que je fasse des courses, pour mon plus grand malheur.

Je traverse le rez-de-chaussée, sors dans le jardin et prends mon vélo. Le jardin est silencieux, les feuilles tombent doucement des arbres qui commencent à perdre leurs couleurs vives. Je me sens étrange en pédalant, un mélange de calme et de tension. Les rayons du soleil glissent entre les branches, éclairant le chemin devant moi.

La brise légère effleure mon visage alors que je traverse la rue, prenant la route qui mène au magasin. C'est un peu loin, mais j'aime bien ce trajet. C'est un moment où je peux penser à autre chose, sans pression. Les paysages me détendent.

J'arrive enfin au magasin, gare mon vélo dans le parking. Je vérifie que tout est sécurisé avant de partir. J'essaie de me concentrer sur la musique dans mes oreilles, de ne pas laisser l'anxiété me rattraper. Le magasin semble presque désert, et une petite part de moi s'inquiète. L'angoisse monte en moi à l'idée de me retrouver parmi des inconnus. Mais je fais un effort, comme d'habitude.

Je vais entrer, et je vais faire mes courses. C'est tout. Ce n'est pas grand-chose. Pourtant, à chaque fois que je mets un pied dans ce genre de magasin, je suis assaillie par une vague de stress. L'air froid du magasin me frappe en entrant, me faisant frissonner légèrement. Les lumières artificielles me semblent presque trop brillantes, comme si elles accentuaient chaque détail de mon visage, chaque geste maladroit. J'enfile mes écouteurs, augmentant le volume de la musique pour oublier un peu cette présence écrasante des autres. Les gens, leurs regards, tout ça... une illusion imposante. Mais qui me fait m'effacer, me perdre dans un tourbillon d'inquiétude. Je ferme les yeux un instant, comme si cela pouvait me protéger.

Si vous me demandez comment je me sens là, au centre du rayon, à cet instant précis, je vais vous répondre honnêtement. C'est lorsque mes yeux sont rivés sur le sol que j'ai l'impression d'être enregistrée, comme si tout ce que je fais, tout ce que je suis, était observé par des regards invisibles. Chaque mouvement, chaque geste est analysé, jugé. Et moi, je n'ose croiser leur regard, de peur que tout mon monde ne s'effondre. Je me cache dans l'anonymat des autres, j'essaye de me faire toute petite. Et pourtant, tout ce bruit autour de moi, ces voix, ces rires, ces pas précipités, me rappellent que je ne suis qu'une ombre parmi tant d'autres.

– Bien courage,

je me dis intérieurement.

– J'ai dit que j'allais me battre, je vais l'appliquer dans tous les coins de ma vie.

Cette fois, je vais me battre. Même si ça fait peur, même si c'est difficile. Aujourd'hui, c'est une autre étape à franchir. Je vais avancer. Pas à pas. Je respire profondément et me concentre. Je choisis mes produits, lentement, presque comme si je devais me convaincre à chaque fois. Un paquet de pâtes, une boîte de légumes, un peu de lait. Rien de bien compliqué. Mais chaque objet que je prends me coûte un peu d'énergie. Ma main s'arrête devant l'étagère de lait. Mon cœur bat plus vite. Je fixe la boîte un instant, mes doigts hésitant avant de la saisir, comme si ce simple geste pouvait déclencher quelque chose d'encore plus grand, plus irréversible.

Je lève brièvement les yeux, juste pour repérer l'étagère suivante. Et là, je vois tout autour de moi, les autres clients qui s'agitent, les caddies qui font des allers-retours. Un bruit incessant. Mais je m'efforce de ne pas prêter attention à tout ça. Je me force à continuer. Pas question de tourner les talons maintenant. De gré et de force, même avec un regard toujours fixé sur le sol, j'arrive enfin à la caisse. Le bruit du scanner me fait sursauter. Chaque bip me semble comme un rappel que je suis là, que je fais partie de ce monde. "Merci," murmuré timidement, "Au revoir." Les mots sortent presque tous seuls, comme si mon corps avait décidé de les prononcer sans trop que je m'en rende compte.

Je prends mon sac, et je sors enfin du magasin. L'air frais me frappe en pleine figure. Je respire profondément, et je me sens soudainement plus légère. L'extérieur est calme en comparaison, et l'air semble m'aspirer dans une bulle de tranquillité. Je me dirige vers mon vélo, me sentant presque un peu plus forte. Un petit pas. Mais un vrai pas. C'est bien, c'est un début. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est suffisant pour me dire que je peux le faire. Je me rappelle alors des mots de la fille d'hier : "Tu es plus courageuse que tu ne le crois." Ces mots flottent dans mon esprit, résonnent en moi. Et tout à coup, je sens une boule dans ma gorge. Les larmes montent, imprévues. Elles sont chaudes, et elles brûlent mes yeux, mais elles ne sont pas de tristesse. Elles sont de reconnaissance, de soulagement, d'émotion. Elle ne me connaissait pas, et pourtant, elle a vu. Elle a vu mes efforts, elle les a remarqués. Et ça me touche tellement. Ça me fait pleurer.

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