Chapitre 3: Fractures Invisibles (2/6)

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C’est pas vrai, on se fout de moi, c’est pas possible…

Ça confirme une chose : je ne resterai pas dans cette chambre une seconde de plus.
Mon cœur bat trop vite, mes mains tremblent de plus en plus, comme si toute la nervosité qui m'étouffe avait trouvé un exutoire dans ce mouvement décidé. J'ai pris le strict minimum, à peine un sac à dos, et j'ai quitté la maison en un instant, sans réfléchir. Je suis partie plus vite que je ne l'aurais imaginé, mais il était trop tard pour revenir en arrière. Je ferme la porte derrière moi, presque avec solennité. Dès que je suis dehors, l'air frais me frappe de plein fouet. Le vent siffle autour de moi, emportant mes pensées comme un tourbillon incontrôlable. Les bruits de la rue, les voitures qui passent à toute vitesse, ne font qu’amplifier mon sentiment d’isolement. Le vrombissement des moteurs se mélange au cri du vent, créant une cacophonie qui ne me rassure pas, bien au contraire. Les lampadaires sont disposés irrégulièrement sur le trottoir, leurs halos pâles diffusant une lumière presque clinique.

L'éclairage semble trop propre, trop froid, presque inhumain.

À chaque pas, je traverse ces îles de lumière, en observant les rares voitures qui dévalent la rue sans même me remarquer. Elles sont mes seuls compagnons, les lampadaires mes témoins silencieux. Je marche d'un pas décidé, mais je ne sais pas vraiment où je vais.
Je me force à avancer, à donner l'illusion de savoir où je me dirige, comme si cette action m'offrait un peu de contrôle. Mais c'est faux. Le but n'est pas de savoir où je vais, c'est de m'échapper, de fuir cette chambre, de fuir l'enfermement que je ressens. Peut-être que m'éloigner suffira à faire disparaître cette oppression qui me pèse. Je prends mon téléphone, mes doigts glissent hésitants sur l'écran. Je cherche son nom, je l'appuie. Les secondes d'attente paraissent une éternité. Enfin, la connexion se fait, et j'entends la respiration lourde de Chloé à l'autre bout du fil.
Un soulagement.

— Hmm, ça va ? T'es dehors à cette heure ?
Sa voix est fatiguée, et je l'entends à travers les bruits du vent, les moteurs des voitures qui défilent en arrière-plan.
— Tu vas bien ? Il est 4 heures, il s'est passé quelque chose ?

Je l'interromps avant qu'elle n'ait le temps de poser plus de questions.

Avant que tu me bombardes de questions, je voulais savoir si tu étais prête à m'accueillir chez toi ce soir, dans ton studio. Je sais que c'est tard, mais je te promets que je te dirai tout. Je... je te supplie de m'aider.

Un silence lourd s'installe de l'autre côté, mais je n'ai pas le temps de l'analyser.
Chloé finit par répondre, rapide et rassurante, presque instinctive.

— T'as pas à me supplier. Je viens te chercher. T'es toujours devant chez toi ?

Non, j'arrive. Je suis déjà proche de la gare. Merci vraiment de m'accueillir.
Pas besoin de venir jusque-là, je vais couper, mon téléphone va bientôt s'éteindre.

Le téléphone se coupe brusquement. Le souffle du vent semble plus oppressant. Le sentiment de solitude, plus lourd. Je devrais être rassurée d’avoir Chloé, mais un frisson me traverse. En rangeant mon téléphone, je me remets à marcher. La gare est proche. Je le sais. Pourtant…
Chaque pas semble plus lent, plus pesant. Les bruits de la rue deviennent étouffés, comme si la ville elle-même se refermait sur moi.

Chaque lampadaire semble me suivre comme une ombre silencieuse.

Et soudain…Un détail change. Quelque chose, à peine perceptible, mais suffisant pour que mon cœur se serre. Une présence. Là. Je relève la tête. Sous la lumière lunaire, une silhouette. Un homme… ou quelque chose d’autre. Immobilité étrange. Son visage, levé vers le ciel.

(Maintenant que j’y pense… cette chose regardait aussi la lune depuis ma fenêtre.)

Un frisson glisse sur ma peau. Ce moment… Il est irréel. La silhouette se tient, éclairée uniquement par la lueur pâle de la lune. Elle ressemble à un spectre, immobile, sans me remarquer. Je devrais passer sans regarder. Mais c’est impossible. Il me hante déjà.

Il reste là, dans la lumière lunaire, comme une ombre qui refuse de partir.

Plus je m’approche, plus… Son visage devient familier.
C’est… le professeur de philosophie.

Où l’avais-je déjà vu ?
Je ne trouve pas le nom. Mais cette figure m’obsède.

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