Chapitre 3: Fractures Invisibles (5/6)

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La lumière était éteinte, et dans l'obscurité, Chloé était allongée sur son lit. Moi, enroulée dans ma couette, j'étais sur mon matelas au sol. Le silence de la pièce était apaisant, mais mes pensées tournaient en boucle. Puis, je l'entendis, sa voix calme et douce.
— | "Je ne sais pas ce que tu vis, mais je veux juste que tu te souviennes que je suis avec toi. Je te croirai et je te soutiendrai, peu importe la situation. On a tendance à l'oublier quand on est triste et seul face à ses combats. Mais je suis vraiment là."

Ses mots résonnaient encore dans mon esprit alors qu'elle s'endormait, son souffle devenant plus régulier. J'étais tellement fatiguée, mais je ne pouvais m'empêcher de murmurer, presque inaudiblement, un simple "Merci". Avant même que je puisse fermer les yeux, un voile de sommeil m'envahit et je me perdis dans un rêve étrange.

Je me retrouvai dans un lieu inconnu, entourée de roses. Elles s'étendaient à perte de vue, et le ciel, d'une beauté irréelle, semblait danser, ses couleurs tourbillonnant en spirales comme un ballet lumineux. L'atmosphère était apaisante, presque magique. Le parfum des fleurs emplissait l'air, et je ressentais une étrange sérénité. Mes pieds m'emportaient sans que je le veuille, et j'avais envie de courir, de me perdre dans cette mer de roses qui semblait ne jamais se finir.

Au loin, je vis une maison, perchée sur une falaise. Elle était majestueuse, mais son aspect ancien me perturbait. L'inclination de la falaise rendait la maison presque irréelle, comme un décor figé dans le temps. Attirée par la beauté du lieu, je m'approchai et décidai de m'allonger près de la maison, me laissant envelopper par la douceur des roses. Mais en m'allongeant, je me rendis compte trop tard qu'elles avaient des épines. Une douleur aiguë me fit sursauter, et je me redressai brusquement, ma peau marquée de petites blessures. La douleur, pourtant étrange, ne semblait pas me déranger autant que ce que je ressentais au fond de moi.

Je me mis à pleurer sans comprendre pourquoi. Mes larmes coulaient, mais au fond, je ne savais pas si c'était de la douleur physique ou émotionnelle.
— | "Mais qu'est-ce qui m'arrive ?" murmurai-je, mes mains tremblantes, mes blessures à peine visibles mais si réelles.

Je n'étais plus une enfant, je le savais, mais en même temps, je n'avais pas l'impression d'être tout à fait moi-même. Un sentiment de confusion m'envahit, alors que mes yeux se baissèrent sur mes mains. Elles étaient petites, comme celles d'un enfant, et mes cheveux avaient grandi, tombant autour de mon visage, bien plus longs qu'ils ne l'étaient dans ma réalité.

Alors, comme une vision qui surgit du néant, une femme apparut, courant vers moi avec un visage flou, presque irréel. Elle m'appelait, inquiète.
— | "Chérie, où es-tu ?"

L'homme, qui semblait être son mari, se tenait un peu plus loin, dans les champs, occupé à faire quelque chose que je ne pouvais pas clairement distinguer.
— | "Ah, mais elle était juste à côté de la maison, occupée à jouer avec sa poupée, il y a quelques instants." dit-il d'un ton un peu distrait.

Je le regardais, confus. Qui étaient-ils ? Leur présence était étrange, presque décalée, leurs vêtements semblaient venir d'une autre époque, et leurs visages restaient flous, comme figés.
— | "Elle est là-bas, je l'entends pleurer," dit la femme, inquiète, avant de se précipiter vers moi.

Dans une fraction de seconde, ils étaient là. La femme, sans un mot, me prit dans ses bras.
— | "Ma chérie, tu as mal ? Pour tout. Je t'avais prévenue, c'est dangereux ici, surtout ta santé fragile. Viens, tout doucement..."

Elle me berça dans ses bras, chantant une berceuse que j'avais l'impression de connaître. Ses paroles m'étaient familières, et un profond sentiment de sécurité m'envahit.

La berceuse :
"Doucement, doucement, la nuit se referme,
Les mystères s'éveillent et les lumières s'éteignent.
Dans la vallée des roses, écoute le vent,
Il murmure des contes d'un autre temps.
La maison brille d'une lueur éthérée,
Ses fenêtres reflètent les mondes oubliés.
Entends-tu les voix qui chantent doucement ?
Elles t'appellent à travers le courant du temps.
Triste temps, doucement la nuit..."

Je fermai les yeux sous l'effet de sa voix apaisante. Tout semblait s'éclaircir, mais je ne comprenais pas pourquoi tout me paraissait si familier. Elle me portait, me transportait, et je n'avais plus mal. Ses paroles, son geste, tout semblait m'envelopper dans une douceur infinie.
— | "Non, je ne pleurerai plus, et surtout, ça ne me fait plus mal."

— | "Oh, ma fille est tellement courageuse." dit l'homme en souriant, admiratif.
— | "Bah oui, je suis courageuse," répondis-je, ma voix pleine d'une fierté naïve.

Ils rirent tous ensemble, une douce complicité flottant dans l'air, alors que je me sentais pour la première fois en paix, comme un enfant retrouvé.
— | "Tu es courageuse, ma Lys."

Je me figeai. Lys ? Qui était-ce ? Ce nom... c'était le mien, mais en même temps, il me paraissait si étranger. J'avais l'impression que ce n'était pas moi qui parlais. Que se passait-il ?
— | "Dire que malgré la maladie, tu arrives à marcher, à bouger partout, à ne pas avoir peur, comme à l'époque... Il a vraiment tenu sa promesse. Je ne m'y attendais pas."

Elle caressa mon visage d'un geste tendre, mais qui me perturba étrangement. Pourquoi ce geste m'émouvait-il autant ?
— | "Maman, tu es ma maman, n'est-ce pas ?" demandai-je, une inquiétude dans la voix.
— | "Oui, ma puce, je suis ta maman."

Je sentais mes larmes couler à nouveau, mais cette fois, elles étaient différentes. C'étaient des larmes de soulagement, d'une douceur inexplicable.
— | "Maman, ne me laisse pas ! Papa, ne me laisse pas !"

Mais, alors que je les serrais dans mes bras, l'image commença à se déformer. Les contours se brouillèrent, et l'ambiance se fit de plus en plus floue. Les voix s'éloignaient, et je me sentais glisser hors de ce monde, loin d'eux.
— | "Ne me laisse pas là-bas, ne me laisse pas seule là-bas !"

Les derniers mots s'éteignirent dans un souffle, et je m'éveillai soudainement. Les larmes avaient inondé mes joues, et je me retrouvai de retour dans la réalité, le visage immergé dans mes draps, le cœur battant la chamade.

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