Le feu lui brûlait l’esprit, la consumait toute entière. La fumée environnante l’étouffait, dans quelques minutes, elle le savait, elle ne pourrait plus respirer. En revanche, la voix de son ami résonnait à ses oreilles comme une symphonie lointaine.

— Ne te retourne pas, on s’en sortira. Cours !

Cours. Ne te retourne pas.

Le brouillard gris l’empêchait cependant d’avancer. Elle était prise au piège. Paniquée, elle observa les environs, s’apprêtant malgré tout à remarcher sur ses pas. Elle ne pouvait pas les abandonner, c’était impossible.

— Sophie ? Sophie !

Elle se leva subitement en sursaut, en entendant cette autre voix. Son front été mouillé de sueur et elle haletait, ses yeux se faisant suppliants.

— Qu’est-ce que…, balbutia t’elle.

— Tu as encore fais ce cauchemar, n’est-ce pas ?, lui demanda sa mère de sa voix douce.

Le regard de Sophie fixa un point dans le vide, sa vision s’embrumant. Par réflexe, elle saisit Ella, son éléphant bleu en peluche, sans lequel elle ne pouvait dormir sans.

— Oui…, je ne voulais pas… je ne voulais pas…, répéta t’elle.

Pour oublier, elle fut tentée de fixer le plafond cristallin et étoilé, aux tons bleus et violacés, quand son père l’a prit dans ses bras.

— Personne ne te fera de reproches, Sophie. Personne. Et sûrement pas eux, chuchota t’il.

Personne.

Des larmes embrumèrent les yeux de la jeune femme. Pourtant, elles refusèrent de couler. Elle se devait d’être forte. Pour eux. Pour ceux qui avaient disparus.

***

Everglen, c’était un lieu que Sophie appréciait tout particulièrement, notamment car celui-ci lui permettait de ne plus y songer, de se laisser aller. Très grande propriété en cristal, la lumière du soleil s’y reflétait pour y apercevoir quelque chose de bien plus lumineux.

Quelque peu apaisée, avec la douce brise qui berçait ses longs cheveux, ainsi que sa conscience, la jeune femme s’approcha de la demeure et n’eut pas le besoin d’ouvrir la porte. Sa meilleure amie l’y attendait déjà.

Avec sa chevelure chocolat, parsemée de reflets rouges et ses yeux bleu-vert, Biana avait un charme indéniable, le reste de sa famille l’exprimait très bien également. Son sourire disparut néanmoins quand elle vit les larges cernes sous le regard de Sophie.

— Je suis désolée, lâcha t’elle.

Sophie haussa un sourcil. Pourquoi s’excusait-elle ? S’il y avait bien une personne qui devait être désolée, ce n’était pas son amie, mais plutôt elle-même.

Mais envers qui ? Là était la question. Ceux qui étaient morts ne pouvaient revenir à la vie, même avec des excuses. Ils n’en avaient plus besoin, ils s’en moquaient. Elle lâcha un long soupir, extrêmement lasse.

— Ne le sois pas. J’y ai l’habitude, pourtant, ce n’est pas l’envie qui me manque d’arrêter de compter les jours depuis qu’ils ne sont plus ici.

Biana lui adressa un sourire compatissant.

— Rentre, je t’en prie. Fitz se trouve dans le salon.

Sophie s’efforça de lui rendre son sourire, bien qu’elle était si épuisée après cette nuit, qu’elle pouvait s’écrouler d’une seconde à l’autre.

La propriété était encore plus jolie de l’intérieur. Tout était en cristal, certes, cependant, il y avait quelque chose de spécial, que la jeune femme avait du mal à expliquer.

Elle souhaitait voir son ami, toutefois, une autre envie dissimulée réapparut alors. Elle interrogea sa meilleure amie.

— Alden… se situe dans son bureau, je suppose ?

Biana acquiesça d’un hochement de tête.

— Il se fait énormément de soucis pour toi tu sais. Ta santé le préoccupe beaucoup. Tout comme maman d’ailleurs.

Cela n’étonnait nullement Sophie. Les parents de ses amis la considérait comme leur fille, tant et si bien qu’elle venait très souvent leur demander conseil, à Alden notamment. Elle ne savait pas trop ce qu’elle ferait sans eux aujourd’hui.

— Je vais y aller, lança t’elle.

À moitié chancelante, elle s’accrocha à la rambarde de l’escalier pour éviter de lâcher prise et gravit l’étage pour arriver au deuxième.

Malgré les nombreuses portes, elle n’eut aucun mal à trouver celle du bureau d’Alden et fut soudain prise d’une migraine, qu’elle s’efforça de dissimuler quand elle toqua.

— Entrez, fit une voix masculine à l’accent si particulier, reconnaissable entre milles aux oreilles de Sophie.

La jeune femme pénétra dans le vaste bureau d’Alden, ce dernier étant assis dans son fauteuil noir. Cette pièce avait une atmosphère particulièrement douce et apaisante et Sophie ne sût dire si c’était l’aquarium circulaire y était pour quelque chose ou si c’était simplement l’homme qui l’a mettait aussi à l’aise.

Alden se leva de son siège et s’approcha de la jeune femme, posant ses mains sur ses épaules. Les cernes bien marquées sur son visage ne lui avait pas échappé.

— Je te présente… mes plus sincères condoléances, Sophie, lâcha t’il. Ils… ne le méritaient pas.

— C’est ce que je me dis chaque jour, rétorqua t’elle en haussant les épaules.

Sa nonchalance aurait pu être confondue avec de l’insensibilité, mais elle-même savait que ce n’était pas le cas. Combien de fois s’était-elle mis en tête de trouver un moyen pour remonter le temps ?

L’homme la serra un instant dans ses bras. Combien de minutes passèrent, avant qu’il ne la lâche ? Dix, quinze ? Sophie n’en savait rien. Ce qu’elle pouvait dire en revanche, c’était que ce contact, bien que sans doute anodin, lui avait fait le plus grand bien.

Alden passa une main dans ses cheveux noirs et fixa la jeune femme, avant de se caler dans son fauteuil. Sophie finit par l’imiter.

— Le Conseil… ne s’est donc toujours pas prononcé sur la question ? l’interrogea t’elle.

L’homme la regarda pendant quelques minutes. Il lâcha un soupir et se leva, pour observer l’aquarium, tournant ainsi, le dos à la jeune femme.

— Non. Et d’après eux, cela n’est pas pour rien. Ils te tiennent personnellement responsable de l’accident qui s’est produit cette nuit là.