Lettres : A toi...
Comment me permettrais-je de t'appeler papa, ou père, alors que tu as perdu ces droits !
J'ai toujours voulu garder de toi de bonnes images, mais il n'y en a pas. Je ne veux pas te pardonner, car ce que tu as fait est impardonnable. Ces images sont toujours dans ma tête, tes mains sur mon corps. Ton sexe de tueur de jeune fille. Je te déteste tellement.
En écrivant ce texte, j'ai compris que je voulais à tout prix te donner une place. Mais tu ne peux pas l'avoir. Tu es nocif, pervers, sans-cœur.
Ce soir-là, tu es venu à la maison. Nous étions en train de regarder la télévision. Tu nous as tous examinés, sans rien dire, puis tu t'es tourné vers moi, et tu m'as dit que j'avais jusqu'à la fin de l'année pour quitter la maison. Tu as jeté ta grenade. Il y a eu un silence complet. Personne n'a compris. Personne n'a rien dit. Moi non plus, car jamais je n'aurais imaginé cela. Puis tu as tourné les talons et tu es parti comme tu étais arrivé. Tu as osé me jeter parce que tu ne pouvais plus te voir en face de tes responsabilités. C'était plus facile de me virer, que d'essayer de te racheter. Je te revois encore, debout, balançant ces mots, avant que tu n'en aies plus le courage. Tu espérais me faire partir pour que ta copine de l'époque vienne. Mais ce que tu ne sais pas, c'est qu'elle n'a jamais eu l'intention de venir. Elle me l'a dit plus tard. Elle avait trouvé cette option, sachant que tu aimais ta fille, et que tu ne la mettrais jamais à la porte. Mais elle ne savait pas que je n'avais plus de valeur à tes yeux. Honte à toi ! Ton plan a échoué, car elle n'est jamais venue, et elle t'a quitté.
Pourquoi, quand je travaillais, en juillet et en août, prenais-tu mes paies, alors que tu la laissais aux garçons ? Pourquoi leur avoir payé leur permis de conduire et pas à moi ? Je ne le méritais pas, c'est ça ? Étais-je si sale, si inutile ? Très certainement, je n'ai pas été à la hauteur de tes attentes, mais c'est toi, qui en es responsable. Oui, tu es responsable. En y réfléchissant, je m’aperçois que tu n'as jamais eu avec moi un rôle de papa. Ou peut-être quand j'étais très jeune. Tu m'as mise sous ta coupe. Je devais rester à ma place de bonne à tout faire. Te souviens-tu que je l'avais écrit sur la porte de ma chambre, le jour où j'ai avalé les cachets que maman prenait pour sa dépression ? Déjà, à l'époque, je ne supportais plus ma vie.
Réduite au ménage, aux repas, gérer les petits, cela t'arrangeait bien ! Maman était toujours malade, dépressive au fond de son lit. Hospitalisée, quinze jours tous les trois mois, car elle prenait trop de médicaments, pour ne pas t'entendre lui crier dessus, et sur nous. Tout était sujet, à te mettre en colère.
Je me souviens des moments ensemble, quand on allait faire, les courses, ou au marché, ton comportement, tes gestes, la façon dont tu me faisais des bisous,ce n'était pas des gestes d'un père à sa fille, mais d'un pervers envers une adolescente, et plus tard envers une jeune fille. Cette façon de me caresser le visage parfois, surtout mon nez. Je ne le supportais pas. Ta façon de me laver quand j'étais petite, sur mon sexe, où tu restais un certain temps à passer le gant. Le soir, venant me dire bonne nuit, parfois tu me tirais les poils du sexe en rigolant, me disant que je devenais une jeune femme. Tout ça, tous ces gestes déplacés que tu as eus sur moi, cela s’appelle de la pédophilie.
As-tu fait du mal à un autre que moi ? Si mon dernier petit frère est schizophrène, essayait-il de cacher des choses horribles que tu lui as faites ? J'ai du mal à imaginer qu'il n'y a que son passé médical et le rejet de ses frères qui l'on rendu comme ça. D'ailleurs, n'as-tu pas fait comme pour moi, en le rejetant, et en demandant l'abandon de ton rôle de père en le mettant sous tutelle ?
Oui, tu es un monstre ! De tout ce que tu as fait, je ne suis pas coupable, je suis une victime, et cette victime se relève, comme le Phénix, car il est hors de question que tu gagnes. Tu es le perdant, dans tout ce que tu as fait. Aujourd'hui, tu vis seul, abandonné par tes enfants. Tu as protégé tes fils, mais qui s'occupe de toi ? Celui qui a le plus grand cœur qui soit. Celui que tu as fait coucher au sous-sol avec sa fille de cinq ans, parce que ta copine ivrogne avait ses fils à la maison. Avec toutes les chambres qu'il y avait, tu aurais dû trouver une place digne pour ton fils. Et pourquoi ? Parce qu’elle faisait le ménage, enfin, un semblant de ménage, tes repas, ton petit déjeuner au lit tous les matins. Voilà, tu avais trouvé une bonniche de remplacement. Et pour garder ça, tu n'as pas hésité à rabaisser ton fils, et ta petite fille.
Combien de fois as-tu pris dans tes bras tes petits-enfants ? Tu ne les voyais que comme des objets encombrants, bruyants. Je comprends pourquoi tu passais tout ton temps au jardin. Tu pouvais être au calme.
Eh bien, aujourd'hui, tu l'as, le calme, car tu es tout seul.
Tu as voulu me couper les ailes à l'époque, pour que je ne parte pas. Pas de permis, pas de voiture, pas de possibilité de partir. Tu gardais à la maison ta fille-femme-bonniche. Malheureusement, le jour où tu m'as violé, tout s'est écroulé et tu as eu peur de mon regard.
Je te le répète : tu es une ordure. Tu as tout manigancé depuis le début. Je le ressens en moi, c'est fort, mais ce n'est pas destructeur, au contraire, ça me rend plus forte, car c'est moi qui gagne !
Alors, voilà, aujourd'hui, en cet instant, je te considère comme mort.
Je suis orpheline de parents, mais j'ai ma famille, formidable, des amis merveilleux, des collègues que j'apprécie beaucoup, un travail valorisant. Alors, oui, je suis heureuse, et je continuerai à me battre pour ce bonheur, car oui, je suis une guerrière.
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