Nicole, tu es toujours là
Ce matin, j'ai eu envie de t'appeler et je me suis souvenue que ce n'était pas possible, puisque le cancer t'a enlevée il y a un an et demi.
J'ai pensé que tu méritais que je parle de toi, de la merveilleuse personne que tu es toujours dans mon cœur, de ce que tu m'as apporté pendant toutes ces années.
Nous nous sommes rencontrés en 1999. Je commençais ma thérapie sur mon passé. Le psychothérapeute avait mis en place un groupe de personnes qui avaient vécu les mêmes souffrances. Le lieu était chez toi, dans une des petites dépendances que tu prêtais. Je ne t'ai aperçue, ce jour-là, que quelques minutes, le temps d'aller aux toilettes. Ton regard, ton sourire pour nous mettre à l'aise, étaient significatifs de la personne que tu es. Au départ, ce n'était que pour une journée, puis ce fut sur un week-end. C'est ainsi que nous avons pu faire réellement ta connaissance, puisque nous dormions chez toi. Nous avons pu apprendre à te connaître. Et tu es devenue pour moi, une mère, une sœur, une amie.
À l'époque, mon fiancé et moi, nous commencions juste nos fréquentations. Nous apprenions à nous connaître. Même si onze ans nous séparaient, il était mûr pour son âge, à peine vingt-et-un ans. Tu étais très étonnée de sa façon de me voir, malgré les souffrances passées. Tu étais aussi inquiète, car tu te demandais comment il allait pouvoir supporter mes crises. Serait-il capable de les gérer, de m'aider à me relever, de me comprendre et surtout m'aimer malgré tout ? Je comprenais tes inquiétudes, puisque ton mari venait de te quitter parce qu'il ne supportait plus tes larmes et ton mal-être. Mais, comme je te l'ai rappelé souvent, mon futur époux n'était pas à l'image de ton mari. Il m'a choisi avec tous mes bagages. Quelques mois plus tard, tu as rejoint notre groupe, avec d'autres membres du tien. Ces week-ends thérapeutiques étaient forts en souffrances, mais nous nous soutenions tous. Il y avait la grande table, de nourriture. On se goinfrait : il fallait bien combler !
En août 2000, nous nous sommes mariés. La thérapie a continué deux ans, puis, au fur et à mesure, le psychothérapeute a mis fin au groupe. Nous étions au bout du chemin. Il fallait maintenant avancer individuellement, et en couple. Ce que nous avons fait, en passant toujours les week-ends chez toi. Ta commune s'appelait « Étables », et mon mari aimait dire que nous allions à « l'écurie », parce que ta maison était grande, et avec les dépendances cela faisait un U. C'est vrai que ça faisait un peu penser à un château avec ses écuries.
Nous avons passé des moments inoubliables. En fait pendant quinze ans, nous avons passé toutes nos vacances chez toi. Les petites comme les grandes.
Tu as été une maman, quand je suis tombée enceinte. Évidemment, je ne pouvais pas avoir une grossesse normale. À la première visite à l'hôpital, la première décision des médecins était de pratiquer une IVG, car mon taux de protéinurie était au-dessus de 4 mg. En fait, après un régime hyper-protéiné, j'ai un rein qui a fait des gloups, enfin un petit gloups, car je faisais un syndrome néphrotique. En fait, mon rein, au lieu de filtrer 0,10 mg de cochonneries, en laissait passer 4,80 mg. Ce n'était pas une maladie du rein, mais un dysfonctionnement qui pouvait nuire au fœtus, mais aussi à moi, car je risquais une pré-éclampsie. Je faisais des allers-retours à l'hôpital tous les quinze jours, entre la gynécologie, et la néphrologie. Chaque fois, je partais la veille de mes rendez-vous, chez toi, ma Fleur. On papotait toute la soirée, et, le lendemain, quand tu le pouvais, tu m'accompagnais. Tu as considéré mon Loulou, comme ton petit fils, même si parfois tu ne comprenais pas notre façon de l'éduquer. Pour toi, un enfant devait rester à sa place d'enfant, et ne pas faire ses propres choix dans n'importe quelle décision. Alors, que pour nous c'était différent. Nous lui parlions normalement, comme on le ferait pour nous. Nous répondions à toutes ses questions, même si parfois ce n'était pas évident. Il a très vite mûri, et avait la capacité de comprendre l'ironie. Cela lui valait de se faire reprendre. On disait de lui qu'il était insolent, mais non. Il n'a jamais eu sa langue dans la poche, et nous l'avons toujours aidé à s'exprimer sur tous les sujets qui pouvaient l'inquiéter. Il était capable de tenir une conversation avec des adultes. Et pour certains, c'était déstabilisant.
Tu as, toi aussi, commencé à avoir de grandes discussions philosophiques avec lui, sur bien des sujets. Si tu savais comme il était heureux quand nous lui disions que nous allions chez toi. Il courait dans tes bras, à peine la voiture arrêtée. Il a fait sa première chute dans tes escaliers, tu as eu si peur, comme nous d'ailleurs ! Il a toujours sa petite cicatrice sur la lèvre.
Quelques années après, c'est toi qui m'as accompagnée pour l'annonce du cancer. C'est dans tes bras que j'ai versé mes premières larmes. Tu as été là, encore et toujours jouant ton rôle de « maman ». Pour la première opération, c'est chez toi, que mon Loulou est resté. Tu as joué ton rôle de grand-mère. Et pour les six autres opérations, il ne voulait être qu'avec toi. Chaque fois que je partais, je te disais toujours que j'avais peur de ne pas revenir, et toi tu me répétais qu'il n'y avait pas de raison. C'est vrai, je suis toujours revenue.
Puis, tu es devenue plus distante, nous demandant de ne pas venir, car tu étais sur un travail particulier, et tu ne voulais pas être dérangée. Nous avons respecté ton choix. Mais vois-tu, aujourd'hui, je le regrette. On aurait dû venir quand même. Forcer le passage, pour comprendre pourquoi tu refusais nos visites. J'aurais voulu être là pour toi, ma Fleur. Te soutenir comme ta fille que j'étais. Je t'aurais accompagnée jusqu'au bout.
Mais non, tu as voulu combattre le cancer à ta façon. Une méthode, dite révolutionnaire en Allemagne, qui consiste à jeûner pour retarder la croissance de certaines cellules cancéreuses aussi efficacement que la chimiothérapie…
Malheureusement, ce ne fut pas le cas pour toi. Je n'ai pu te voir, que quelques jours avant que tu nous quittes pour toujours. Je me souviendrais toujours, de ton regard quand tu m'as entendu te parler. Ton sourire de me savoir là, tout près de toi. Même si tu n'avais plus de force pour te lever, tu m'as serré dans tes bras. J'ai pu te dire combien je t'aimais, que tu allais me manquer. Tu vois, aujourd'hui encore, tu me manques tellement ma Fleur. En fait, tu nous manques tous les jours. À chaque vacances, chaque fête…
Ma Fleur, ma Nicole, et comme mon Loulou t'appelait « Tantine Nitole », cela te faisait rire, sa difficulté à dire les « c », qu'il remplaçait par les « t ». Il faut que tu saches que :
« Tous ces mots accrochés l'un à l'autre sont là pour te faire connaître. Que tu ne restes pas une inconnue, car tu es et resteras une PERSONNE INOUBLIABLE !!! »
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