Elle semblait magnétique, chatoyante. Elle s’était installée près de moi admirant le luxueux panoramique. Elle s’agrippait à mon bras, à la recherche d’une marque de réconfort. Elle était vraiment belle à ce point du jour. Plutôt au fait de la nuit. Je n’osais plus la questionner sur sa tragédie. Je la sentais ailleurs, mais tellement plus détendue.

Quel était donc son pouvoir ? Le moindre affleurement se faisait écho et parasitait ma tête de désirs licencieux. Je la sentais malmener mes addictions d’un souffle, d’une secrète évanescence au-delà d’un soupir, ou simplement d’un mot. Et dans ses intentions hautement révélées, elle était en train de me donner le vertige de l’amour et requérait mon besoin de charnel.

Je la regardais en dérive. Hypnotisante. Hypnotisée. Le regard tendre que je lui lançais s’était transformé en regard pénétrant, presque insolant d’assurance tant j’avais affolé, je ne sais comment, ses alarmes. On s’était malmené sans s’en rendre compte et nous avions l’occasion de nous posséder. Le regard affûté, je contemplais ses courbes avec une satisfaction justifiée. Pourquoi elle ? Il y a quelques heures, elle n’existait pas. Qu’importe.

Elle se détacha de moi et fila vers le coin bar. Derrière sa silhouette assise sur le tabouret, habillée de ma chemise blanche d’homme, les jambes enlacées dans une féminité savamment calculée, il émanait d’elle une beauté peu conventionnelle. Ses verts éclats ne me lâchaient pas. De ce regard intense qui déshabille une âme, de ce regard troublant qui invite à l’amour.

En moi, le jeune trentenaire, elle me trouvait un je-ne-sais-quoi de sexy dans mon allure, mes yeux obscurcis par les années de mystère jalousement gardé, mon visage buriné par des blessures physiques et morales, mais masquées d’un halo de tendresse. Elle me trouvait peut-être séduisant, énigmatique, tantôt rêveur, tantôt pragmatique. Des nuances d’humanité pour un soupçon de froideur diabolique.

Ce qu’elle ne savait pas encore, c’est que j’avais surtout ce pouvoir de réveiller des immoralités latentes. Abigaël attendait peut-être qu’un homme vienne déverrouiller ses égarements érotiques. Et, elle était tombée sur moi.

Je mourais d’envie de l’honorer, mais je me devais de rester tout en contrôle indécent. De frôlements magnétiques en décharges électriques, l’éconduire, la conduire. L’habiller du regard pour la déshabiller de mes mains et redéfinir les contours de sa raison. Voilà donc mon approche. À cet instant-là, elle basculerait dans une volupté trouble où elle exhiberait ses inhibitions.

Abigaël me fixa longuement. Elle devait se demander à quel jeu je me prêtais quand je fis courir mes iris pervertis de noirceur sur le galbe soyeux de ses jambes juste voilées de nylon. Ils se promenaient, se posaient, puis semblaient s'infiltrer entre ses cuisses, à la recherche de quelques égarements de sa part.

Nous passons notre vie à désirer. À désirer surtout ce qui nous fuit et qui ne nous paraît désirable que pour cette seule raison. Et cette pensée nous obnubile. Et elle, elle n'allait pas fuir ce qu'elle désirait.

Elle n’avait nullement besoin de mon invitation pour croiser et décroiser dans un ballet savant ses jambes, jouer des ombres empourprées des jeux de lumière de la chambre à peine éclairée. Ses effluves érogènes embourbaient mon esprit au même rythme que les effluves d'alcool qui consumaient ses dernières réticences.

Elle se prenait à son propre piège, caressait le haut de ses cuisses, son regard en surplomb au-dessus de son verre. Elle serait presque prête à les entrouvrir, m’offrir le délice de l'inconnu à explorer.

—Tu es très belle quand tu désires. Lui murmurai-je à l'oreille.

Le trouble jeté devint un flou sensuel et je capturai ces instants volés, tandis que ses yeux envoyaient des suppliques. Elle était venue dans mon antre, et j’allais la posséder avec un subtil dosage de fougue et de tendresse. Mes lèvres distilleraient de délicieux supplices qui la feraient frémir.

—Comme tu peux le constater, je suis prête à accepter tout ce que tu veux. Je veux m’offrir à toi, mais ne me fais pas languir. Mon corps réclame du plaisir et tu vas me le donner.

Ses mots ne me faisaient pas peur. Je m’approchai plus encore. Elle sembla déjà défaillir de désir alors que la partie était à peine engagée. Elle décroisa ses jambes comme pour mieux me faire visualiser ses fantasmes. Ses gants de rose, fort joliment dessinés, glissaient toujours le long de ses cuisses tandis qu’elle accentuait l’ouverture. Mes mains se joignirent aux siennes pour continuer cette exploration en duo. Dès lors je l’envoûtai d’un regard prégnant, ma bouche alla à la rencontre de la sienne.

Des mots chargés de sensualité s’échappaient de part et d’autre. Et cette passion verbale déclencha le feu dans son bas-ventre. Impudique, elle se dévoila un peu plus. Le souffle court et le cœur battant, elle supplia :

—Caresse-moi.

Des doigts agiles la faisaient soupirer. Impudemment, ils sillonnaient les courbes de la belle rousse qui se tendait tel un arc. Sa bouche mordit ma lèvre inférieure, témoin de sa gourmandise. Puis elle s’abandonna à nouveau, lorsque je l’embrassai dans le cou, sur ses lèvres, sur sa poitrine, sur son ventre. Plus j’allais à la rencontre de son puits d’amour et plus elle hoquetait.

—J’ai envie de toi ! Lâchait-elle.

Elle se balançait à coups de reins vers l’avant alors que je continuais à la fouiller. Elle était définitivement prête pour l’amour. Elle serra d’un coup ses cuisses sur mes doigts séquestrés dans son jardin secret. Puis elle commença ses va-et-vient furieux. Elle ruisselait de désir. Mon tactile était trempé dans sa chair bénie, chaude, humide, palpitante.

Ses seins pointaient fièrement d’excitation sous la chemise blanche et son souffle devenait saccadé, court, rauque. Ma main libre malmenait sa poitrine. L’autre s’activait dans sa moiteur tandis que sa langue violait ma bouche. Sa fureur d’aimer devenait incontrôlable. Lorsque mes doigts agacèrent sa perle, elle poussa un cri de satisfaction avant de s’écrouler dans mes bras sous l’onde déferlante.

Ses baisers répétés étaient des assauts de remerciements. Puis elle s’attendrit. Elle prit le temps de reprendre son souffle et un semblant d’esprit tout en me cajolant. Le répit fut de courte durée. Elle se pencha afin d’offrir sa poitrine entièrement à ma vue. Des joyaux lourds dont je ne me lassais pas. Puis elle se retourna, ondulant sensuellement des hanches, puis relevant la chemise blanche dévoilant un peu plus le haut de ses cuisses avant d’exhiber sans pudeur l’arrondi d’un fessier tentateur. Elle se frottait à moi et n’eut pas de mal à sentir mon émotion. La bosse prometteuse la captiva et, à coups d’affleurements, elle taquina mes désirs emprisonnés dans le tissu.

Je la saisis par la taille, ma main droite remontant entre ses seins vers son cou. Elle esquissa un sourire provocateur et sa main glissa le long de mon torse avant d’atteindre la proéminence qu’elle entreprit de caresser. La toile de mon pantalon se tendait plus encore. Je lui rendis la caresse à travers sa fine dentelle et taquinai une nouvelle fois l’orée de sa grotte d’amour. Son regard se mua et le vert de ses yeux semblait s’injecter de furie perverse. De hoquètements en gémissements, Abigaël ruisselait et me fusilla de ses iris lorsque d’une délicate manœuvre, je déclenchai des spasmes de jouissance. Tremblante, elle me fixait, annonce prometteuse d’une folle suite.

Je l’amenai vers le lit d’un pas mesuré. Elle retira la chemise qu’elle m’avait empruntée et la posa sur une chaise à proximité.

—Je peux garder cette chemise ? Elle me fera penser à toi lorsque tu seras loin. »
—Dans ce cas, oui, je te la donne.
—J'aime bien, car elle a été portée par toi et je sens ton odeur mélangée à la mienne.

Cet entracte était une aubaine de la regarder sans artifices. Elle était vraiment belle. J’avais envie de me jeter sur elle, mais la raison m’ordonnait de patienter encore un peu avant le nouvel acte. Je lapai ce qui restait de mon verre de cognac tandis qu’elle dansait lascivement devant moi, avec pour seul rempart sa dentelle inutile.

Le temps d’un sourire, je me levai et entrepris avec Abigaël un corps-à-corps voluptueux. Elle encadrait mon visage de ses gracieux gants de rose et m’embrassait à pleine bouche. Je m’emparai de ses fesses et la plaquai contre moi. Ses seins s’écrasaient sur mon torse à présent dénudé. Elle pouvait sentir la puissance de ma fougue et de mon désir renaissant après la courte pause. Je la retournai promptement embrassant sa nuque, soufflant le chaud dans son cou.

Ses bras glissaient le long de mon corps et elle basculait la tête en arrière pour mieux apprécier le brasier que j’allumais au creux de son épaule. Elle se donnait sans retenue, oubliant ses déboires et je lui murmurai ce que j’allais lui faire présentement.

—Monsieur est ambitieux à ce que je vois.

Sur ce, elle défit mon pantalon et libéra l’objet de sa convoitise. Elle approcha son visage, le regarda avec approbation et commença à l’embrasser. Puis elle fit jouer sa langue avant de le prendre en bouche. La sensation était exquise et elle s’appliquait à sucer avec passion.
Quand elle me sentit prêt elle se releva. Elle grimpa d’elle-même sur le lit, se mit à quatre pattes et me tendit son cul de soie. Le désir sauvage cognait sur mes tempes. Ses fesses me plaisaient terriblement. Elle se cambra un peu plus et mes mains en caressèrent le contour divin, avant que l’une d’elles ne s’abatte sur l’arrondi postérieur.
Elle tressauta. Son excitation était au diapason avec la mienne et elle m’implorait.

—Prends-moi toute entière !

Son corps brûlant vibrait de chaque effleurement initiatique, de chaque baiser provocateur, de cette langue qui visitait ses dunes. Je la mangeais, la dégustais, la buvais. Haletante, elle s’exprimait en gémissements, en cris rauques et en tête détournée. Ce qu’il y avait de bon devenait délectable. Son impudeur était orgasmique. N’y tenant plus, elle plaqua sa croupe contre mon mat et s’y empala. Je caressai ses cheveux puis son échine avant de saisir ses hanches et d’imprimer ma cadence. La coquine semblait possédée et criait son plaisir sans retenue.

Nous nous donnions l’un à l’autre. On se détachait, on se ressoudait avec tendresse, avec passion. Ce qu’il y avait d’animal s’était peu à peu estompé. Elle s’était retournée pour s’installer sur moi. Elle m’embrassait langoureusement tandis qu’elle se contorsionnait afin que mon mat visite les moindres recoins de sa grotte. Elle balançait ses hanches sensuellement, maîtrisant toute tentative prématurée d’orgasme. Nos bouches se quittaient peu, nos mains partaient en explorations, cherchant une prise, laissant une empreinte sur le charnel.

—J’adore ! Soupirait-elle. Ses mots entrecoupés de souffle court me cajolaient et renforçaient mon excitation venue à son paroxysme.

La voix syncopée, les yeux mi-clos, je me laissai emporter par sa chorégraphie reptilienne. Elle se redressa, majestueuse, affichant ses seins fiers et augmenta les coups de reins ravageurs qui m’obligèrent à me redresser. Les mèches folles occultaient son vert regard. Je l’embrassai avec une volupté toute exquise, alternant douceur et gourmandise. Elle ondula sur moi et je sentis sa chair vibrer.

À cet instant, nous étions en symbiose. Mais Abigaël ne tenait plus. Et moi guère plus. Elle plaça une accélération foudroyante qui fit monter la sève puis se contracta brusquement. Je libérai à cet instant toute la jouissance retenue tandis qu’elle se convulsait en spasmes.

Nous nous écroulâmes sur le côté, corps tiédis et tremblants d’orgasme. Ma main caressa son visage tandis qu’elle se rapprochait pour se blottir dans mes bras. De longues minutes s’écoulèrent. Entre satisfaction, confusion, et tentative de reprise d’esprit, nous cherchions une suite à cette séquence torride. Abigaël se leva, prit la bouteille de champagne offerte par l’hôtel et me rejoignit.

—A notre rencontre Alessandro !

—A ton nouveau départ.

Nous nous regardions sans mot dire. Nous ne savions plus si c’était ce que nous avions fait qui était gênant, ou le silence en lui-même. Je désamorçai la situation.

—Que comptes-tu faire ?
—Je crois que je vais t’écouter. Je vais reprendre mon train, retourner au Havre, faire du grand ménage dans ma vie …
—A la tienne !
—Ensuite, je vais m’accorder une pause, voyager et voir ce que je veux vraiment faire.
—Et toi ?
—J’expédie mes affaires courantes ici, le mariage bien entendu et je retourne à New-York.
—Tu vis là-bas ?
—En grande partie, mais je voyage beaucoup.
—Qui sait, je te recroiserai un jour.
—Je croyais que tu ne voulais plus me voir... » Glissais-je malicieusement.
—Entre ce qui se dit et ce qui se fait. Et après cette mémorable nuit, j’ai peut-être envie d’avoir d’autres souvenirs de toi, avec toi, en dehors de ta chemise…

Elle accompagna ses mots d’un baiser appuyé et nous nous endormîmes dans les bras l’un de l’autre. À mon réveil, Abigaël avait disparu. C’était ce qu’elle avait convenu. Elle avait néanmoins pris soin de laisser un mot sur le coussin d’après l’amour.

« Mon cher Alessandro,
J’ai encore ton goût d’alcool, de sexe et de cigarette. Ta bouche, avec tendresse et voracité, a su déverrouiller mon fort intérieur. À un moment où je me perdais dans les méandres de ma vie, à un moment où je sombrais dans les limbes, tu es apparu et tu as, par je ne sais quel artifice, trouvé les mots pour me redonner courage et force.
Notre nuit a été glorieuse, fantastique, la plus inattendue, et peut-être la plus belle à mes yeux. Je te garde près de mon cœur. Au plaisir de se croiser.

Affectueusement

Abigaël Quinn

PS : pour ton information, je suis écrivain à temps plein. Je me suis ri de toi, mais je n’en étais pas moins admirative. J’écris des polars romancés depuis trois ans. Je t’ai laissé un cadeau dans ta valise. Et je vais m’inspirer de toi pour mon nouveau roman. Merci pour tout et bonne lecture. »