Chapitre 8 : Chloé (bis) - La dispute

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Rachel m’avait exceptionnellement déçu. Je sortais enfin avec elle. Elle m’avait eu à sa façon, mais au fond rien n’avait changé. Avec Aaron dans les parages, je me sentais condamné. Même si elle m’aimait à sa manière, je resterai toujours le numéro deux.

Je me rendais compte que ce n’était pas elle que j’aimais, mais l’image que j’en avais gardé. Je fendis la foule en direction du bar, à la recherche d’un second souffle. Je ne voulais pas créer plus de tension. Mes erreurs de jugement avaient faussé la donne.

—Je suis vraiment désolée…

Je voulais la croire.

—N’ai-je jamais été l’ami, puis l'amant que tu voulais ?
—Pourquoi me tortures-tu ainsi ? Laissa-t-elle échapper.
—Quoi ? Moi, je te tourmente depuis quelques semaines à peine quand toi, tu m’as tourmenté pendant quinze ans !
—Tout ça, parce que je n’ai pas couché avec toi à cette époque ? Tu es gonflé ! Finalement, c’est arrivé ! Tu te prends pour qui ?
—Comme quelqu’un qui s’est fait allumer pendant très longtemps et qui peut à présent se la raconter un peu.
—C’est moi qui chauffe ? Je me suis jetée dans tes bras d'entrée et tu m'as repoussé !
—Et maintenant tu vois ce que ça fait au final …

Une main s’abattit sur ma joue.

—Gifle de fillette !

La seconde arriva, plus violente. L'assemblée assistait à ce dénouement sans mot dire.

—Je m’en vais.

Je liquidai mon verre et pris la direction de la sortie.

—C’est ça ! Va-t'en comme d’habitude !
—Je ne te fuis pas, je retourne à ma belle vie !
—Amuse-toi bien !

Je commençais à détester ce que j’étais devenu. Mes paroles n’avaient pas de sens.

—Tu restes accrochée à tes illusions perdues. Tu ne peux pas te forcer pour quelqu’un qui te fait du mal. Rachel !

Ses yeux furibonds me dévisageaient.

—Il faut se donner les moyens pour se faire aimer d'amour et non de querelles. Il ne s’agit pas d’un jeu, mais de ta propre vie.
—Qu’en sais-tu toi ? Et où vas-tu ? Tempêta-t-elle.
—Loin de toi !

Elle se mit à laisser échapper des larmes. Au fond, elle savait qu'elle s'était laissée déborder par l'attitude de Aaron et avait pris une décision controversée et irréversible. Il avait assisté à la scène, planqué derrière son verre de bière. Il la rejoignit.

J’écourtai l’entrevue avec Rachel. Mais, en bon Yankee, Aaron voulut défendre l'honneur de son ex-copine, ou plutôt le sien. Un blocage de crochet et une entorse au poignet plus tard, il gisait sur le parquet se tordant de douleur. Entre consternation et stupéfaction, Rachel s’approcha de lui pour le rassurer. L’assistance restait médusée devant le spectacle pitoyable que nous leur offrions.

—Pourquoi es-tu revenu dans ma vie sérieusement Ale ?

—Je ne sais pas. C’est toi qui es venue frapper à ma porte !

—Je te trouvais changé…

—Ah oui, c’est vrai, l’ancien moi n’était pas suffisamment bien à tes yeux…

—On en a déjà parlé…

—Alors arrête de remettre ça sur le tapis ! L’ironie de cette situation, c’est que ça a commencé ici, et ça se finit au même endroit. Bref, je m’en vais.

Je pivotai les talons.

—C’est ça ! Va-t’en ! De toute façon, il n’y en toujours eu que pour elle !!

Ses paroles retentirent dans la pièce. Je cherchais à comprendre. Son regard accusateur montrait du doigt Chloé. La surprise devenait double.

—Ne me dis pas que tu n'as jamais couché avec elle. Et regarde ses yeux. Es-tu aveugle à ce point ? Je n'ai jamais vu un tel amour dans un regard.

Chloé écarquilla ses yeux, mise en un instant sous les projecteurs de la piste de danse. Je cherchais à comprendre mais je n’avais pas les mots. Je ne me sentais pas bien. Je fis ce que je savais faire de mieux. Partir. Je n'avais envie de voir personne.

Pour la première fois, j'avais fait du mal à quelqu'un. J’avais, sans le vouloir, causé du tort à Rachel. Un système d'auto-défense pernicieux s'était déclenché naturellement, par instinct de conservation.
Elle n'était pas mon trophée. J'avais été le sien. Et finalement, nos nuits avaient achevé un cycle qui avait commencé quinze ans plus tôt.

Allan tenta bien de me retenir, mais la soirée était définitivement finie pour moi. Arrivé près de la sortie, je fis volte- face.

—J’ai peut-être dit et fait des choses stupides et j’en suis désolé. On ne m'a toujours vu que comme le meilleur ami de quelqu’un. Le fait est que j’ai peut-être peur. Peur d’être moi-même, peur d’être à chaque fois juste cet ami, car j’en voudrai toujours plus.

Son expression se radoucit un peu.

—Et, voilà qu'arrive le jour où je pouvais enfin m'exprimer avec toi. J'ai été naïf de croire que tu étais mieux que les autres femmes. Tu étais importante à mes yeux. Je me suis égaré dans ta discorde avec ton ancien mec. Voilà ce que cela nous coûte.

Sur ce, je m'enfonçai dans la nuit, en quête de clairvoyance.

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