CAMILLE

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CAMILLE

 Je cris, à m'en casser la voix. Emma est collée à moi, et elle aussi hurle. Soraya, quant à elle, est mi sE devant nous deux, comme un bouclier devant un chevalier. Je ferme les yeux, pour oublier tout ce qu'il se passe. J'ai peur.

 — La suite de Fibonacci, où chaque nombre est la somme des deux précédents, croît de façon infinie mais prévisible. La suite de Fibonacci, où chaque nombre est la somme des deux précédents, croît de façon infinie mais prévisible. . .

 Je ne cesse de répéter cette phrase. Plus je la prononce, plus je me sens apaisé. Soudain, plus un bruit dans la salle. Je constate que le Docteur Martins est accroupie face à moi, et que nous sommes seulC

 — Camille. C'est terminé. Comment te sens-tu ? 

 — Fibonacci m’a aidé à me calmer.

 — Tant mieux. Tu devrais retourner dans ta chambre. Ce qui vient de se passer à été violent. Si tu as besoin de parler, n’oublie pas que je suis là.

 Je quitte la salle et me dirige vers le bureau des infirmières. Il n’y a personne. En attendant, je m’occupe en comptant le nombre de d’angle à 90 degrés présent dans la pièce.

 — Salut Camille. En quoi je peux t’aider ? me demande Marie.

 Je lui fais signe de se taire. Je ne veux pas qu’elle me fasse perdre le compte. J’entends qu’elle s’assoit et tape sur le clavier de son ordinateur.

 — C’est bon, j’ai fini. Tu peux me donner mon livre de maths avancé, s’il te plaît.

 — D’accord. Mais à condition que tu me le rende dans 30 minutes, et que tu me dises ce que tu comptais.

 — Je comptais le nombre d’angle à 90 degrés dans la pièce. Il y en à 56. Merci pour le livre. Je te le rend dans 30 minutes.

 J’agrippe le livre et cours jusque dans ma chambre, bousculant Magalie, qui sort de la salle TV.

 Une fois dans ma chambre, je ferme la porte, m’installe sur le fauteuil et pose mon livre sur la table, ou ma trousse et mes instruments sont déjà prêts, chacun à leurs places. J’ouvre mon livre et j’enchaîne les exercices. Conjecture de Goldach, trop facile. Les transformations de Fourier, mon point faible. Les espaces de Hilbert, un peu compliqué mais stimulant. Une voix tente de me sortir de mes mathématiques.

 — Camille, ça fais 45 minutes. Il faut que tu me rendes ton livre, s’il te plaît.

 Surpris, je regarde mon réveil. Je n’ai pas vu le temps passer et j’ai dépassé les horaires. Par chance, ça n’influe pas beaucoup sur la disposition de mes activités d’aujourd’hui.

 — Désolé Magalie. Comment tu vas ? Je t’ai entendu crier tout à l’heure, en salle d’art, pendant la crise de Peter.

 — Merci de demande Camille. Je n’ai rien. C’était juste un choc. Et toi, comment tu te sens à propos de tout ça ?

 — Pour être honnête, je me suis senti comme avant mon hospitalisation. Les maths ont pris toute la place dans ma tête je me suis mis dans une sorte de bulle, ou rien ni personne n’existait. Je me sens mal. La psy est encore là ? Je peux la voir ?

 Magalie réfléchis et hoche la tête.

  — Suis-moi. Je t’y emmène.

 Je referme ma trousse, replace chaque objet à sa place et me dirige vers l’infirmière, qui m’attend sur le pas de la porte. Je referme la porte de ma chambre, et suis Magalie. Durant le peu de chemin que j’ai à parcourir, je ne cesse de penser à Peter.

 — Comment va Peter ?

 — Pour le moment, il dort. Je pense que vous le reverrez demain. Il a besoin de se reposer.

 — Il s’est passé quoi ? Pourquoi il a réagi comme ça ?

 — Ça, Camille, seul Peter le sait, me dit Magalie, avec l'air démunie.

 Nous arrivons devant la grande porte double en bois du bureau. Magalie toque et ouvre la porte.

 — Excusez-moi de vous déranger, Docteur, mais Camille aimerait vous parler.

 Je ne parviens pas à entendre sa réponse mais l’infirmière me fais signe d’entrer. Je rentre mais reste sur le pas de la porte, désormais fermé.

 — Viens Camille, installe toi. Que se passe t-il ?

 Je m’installe sur un fauteuil à bascule gris. Je commence à me balancer.

 — C’est juste que je n’arrête pas de penser à Peter. A peine j’avais rendu mon livre à Magalie que Peter était dans mon esprit.

 — C’est normal. Ce qu’il s’est passé était très violent. La réaction de Peter, notre réaction, à Magalie et moi-même. Comment tu t’es senti ? me demande la psychologue, de sa voix d’ange.

 — Au début, j’avais peur. Le fait qu’il est failli blesser Soraya m’a terrorisé. Je me suis accroupi et mes mauvaises habitudes ont repris le dessus.

 — Comment ça ? demande t-elle, prête à noter dans son carnet.

 — C’est comme ci toutes les pensées liés au mathématiques que j’ai tenté d’enfermer cette semaine se sont échappés. Elles ont prient toute la place dans ma tête et c’était un bazar sans nom. Mais je n’avais plus peur. Je me suis comme avant d’arriver ici.

 — Et, tu trouves donc que ton comportement à changé depuis une semaine ?

 — Oui. Je pense moins aux maths mais il y a des choses que je ne peux pas m’empêcher de faire. Mais je me rends compte que Euclide et Newton prenaient trop de place dans ma vie.

 — Excuse moi Camille, mais qui sont Euclide et Newton ? De mémoire, il y avais une histoire de pomme qui tombe d’un arbre pour Newton, non ?

 Je souris. Elle a quand même quelques connaissances.

 — Oui, c’est ça. Newton est principalement connu pour “avoir” découvert la gravité et Euclide à inventé la division euclidienne, qui est maintenant enseigné au élève de primaire.

 Elle souris.

 — Bah oui. Qui ne sais pas ça.

 Nous nous mettons à rire. Le coin de sa lèvre d’envions 10 degrés.

 — Tu voulais me parler d’autre chose ? me demande t-elle, après avoir repris son sérieux.

 — Non Docteur, c’est bon. Comment vont Soraya et Emma avec ce qu’il s’est passée ?

 — Pourquoi tu n’irais pas leur demander ? Je suis sûre que ça leurs ferai plaisir.

 Je la salue et quitte son bureau, en direction du couloir des filles. Je croise d’autres adolescents dans les couloirs, qui me dévisagent. Lors de mon passage, j’entends des messes basses, mais je n’y prête pas grande intention. Je toque à la porte de la chambre d’Emma en premier. Soraya est sûrement enfermé dans la sienne et elle ne viendra pas m’ouvrir. Emma vient m’ouvrir la porte, les cheveux en pagaille, vêtu d’un vieux tee-shirt et d’un jogging.

 — Ah Camille, vas-y, entre. On discutait de Peter.

 Je la regarde d’un air suspect. On ? Je m’enfonce dans la chambre double qui a une vue sur le parc. Je suis surprise de découvrir Soraya installée dans un des lits.

 — Salut, lancé-je, timide.

 Ses joues se mettent à rougir. Je prends ça comme une salutation.

 — Je ne voulais pas vous déranger. Je venais juste prendre de vos nouvelles après l’activité de cet après-midi.

 — C’est gentil Camille. Installe toi, je t’en prie, m’invite Emma, en me désignant son lit. J’ai du mal à réaliser et à comprendre ce qu’il s’est passé. 2 minutes avant, il rigolait. Et, d’un coup, son regard a changé. Et toi, Soraya ?

 — D’après les infirmières, je suis choquée. Je ne peux m’empêcher de penser que j’ai rêvée.

 — Moi, interviens-je, je ne l’avais jamais vu comme ça. On est arrivé presque en même temps et on s’est tout de suite bien entendu. Mais j’avais du mal à comprendre pourquoi il était là. Il fais des blagues, souris, comme quelqu’un de normal.

 — Tu sais, ici, les sourires ne veulent rien dire. Généralement, les personnes comme Peter sont celles qui souffrent le plus. Celle qui aiment amuser la galerie et passe leur temps à sourire. Quelqu’un sait pourquoi il est là ?

 — Non, murmure Soraya.

 — Il m’a vaguement raconté, commenté-je. Il s’est disputé avec son frère et il serait devenu incontrôlable. Je pensais qu’il mentait ou qu’il minimiser, mais s’il a pété les plombs comme là, je comprends qu’il soit arrivé ici. D’après Magalie, il est en salle d’isolement, il dort.

 — Honnêtement, Peter me terrifie maintenant, intervient Soraya. Il aurait pu me blesser grièvement.

 — Moi, je n’ai pas peur, intervient violemment Emma. Bien que je ne sois ici que depuis peu, je sais que ce genre d’action ne définis pas une personne. J’avais une camarade de chambre, lors d’une précédente hospitalisation, qui était un peu comme Peter. Elle pouvais rire, faire des blagues, s’amuser, mais il lui arrivait de perdre le contrôle. Quand ça lui arrivait, elle tapait dans tous ce qu’elle pouvait. Lit, cadre, fenêtre, au point d’avoir les poings et la tête en sang. Les infirmiers avaient du mal à l’arrêter. Mais c’était quelqu’un que j’appréciais et avec qui je cohabitait. Et puis, d’après Camille, il n’est pas comme ça d’habitude. Selon moi, Soraya, tu devrais essayer de passer outre cet incident.

 J’appuie les propos d’Emma en secouant la tête de haut en bas. Je n’ai jamais autant entendu Soraya. Elle a une voix un peu aigu, mignonne.

 Alors que nous continuons de discuter de Peter, quelqu’un vient toquer à la porte. Marie entre.

 — Les filles, il est l’heure d’aller manger.

 Elle tourne la tête et me remarque. Une grimace apparaît sur son visage.

 — Camille, tu sais que les garçons n’ont pas le droit d’aller dans la chambre des filles. Allez au réfectoire, et je ne veux plus t’y reprendre, Camille.

 Je baisse la tête, honteux. J’avais complètement oublier cette règle le temps d’un instant. Je sors de la chambre, suivi d’Emma et de Soraya. Personne ne prononce un mot. Nous nous installons tous à la même table, pour la première fois. Soraya mange tout, en silence, comme à son habitude. Emma regarde son assiette, plongées dans ces pensées. Et moi, je ne peux m’empêcher de compter le nombre de pâtes que j’ai, malgré la faim qui me tiraille.

 — 26, 27, 28. . .

 — Camille, arrête de compter et mange, m’interromps Marie.

 — Je dois tout reprendre depuis le début, ralé-je.

 — Écoute, tu en es capable. Concentre toi sur ton assiette, et pas sur les quantités. Prends une grande inspiration, attrape ta fourchette et met la dans ta bouche.

 Je sens qu’Emma et Soraya me regarde. Emma entame une conversation.

— Depuis quand êtes vous ici ? Et pourquoi ? Si c’est pas trop indiscret.

— Moi, je suis arrivée ici il y a 3 semaines à cause de mon anxiété sociale, avoue Soraya, la tête regardant son assiette, comme ci elle avait honte.

— Moi, je suis arrivé en même temps que Peter il y a une semaine. J’ai des TOCs, comme vous l’aviez sûrement remarqué. C’est surtout avec les maths. Je compte tout ce que je peux, au point d’oublier d’aller au toilette et de manger.

— Waouh, s’exclame Emma. Moi, j’ai refais une tentative de suicide. C’est ma 3ème tentative. Visiblement, le bon Dieu n’en a pas fini avec moi, s’amuse t-elle.

 Il n’y a plus aucun froid entre nous. Nous discutons de nos passions, de notre vie à l’extérieur. Nous finissons de manger vers 19h30, et nous nous dirigeons vers un coin reculé de la clinique, à côté de ma chambre, avec une vue sur le parking du personnel. Nous nous installons sur les fauteuil et continuons de discuter.

 — Ça vous dis qu’on soutienne Peter ? demande Emma, avec une pointe de folie dans la voix et les yeux.

 — Bah ouais, mais Peter est en isolement. On ne peux pas aller le voir.

 — Pourquoi on ne lui laisserais pas des choses que l’on aime dans sa chambre. Avec un petit mot. Ça pourrais lui faire plaisir, non ?

 — J’ai une question, Emma, intervient Soraya. Pourquoi faire tout ça pour Peter ? C’est vrai, tu ne le connais que depuis cet après-midi, et il a fait sa crise.

 — Je sais mais il m’intrigue. Les garçons comme Peter souffrent énormément et je pense que ça peut lui faire du bien de sentir qu’on est là pour lui. Les petites attentions peuvent vraiment faire la différence.

 Elle sourit et regarde de nouveau dehors. J’acquiesce d’un signe de tête en direction d’Emma.

 Je retourne dans ma chambre, part à la recherche de quelque chose à lui donner. J’agrippe l’une de mes valises, et la jette sur mon lit, malgré le fait qu’elle soit légère. Je l’ouvre et découvre un poster du groupe préféré de mon frère, One Direction. Je dois avouer que l’affiche est très jolie mais j’ai horreur de ce groupe. Il me semble que Peter adore ce groupe, à disons 94%. Je me dirige en direction du bureau des infirmières, où Emma et Soraya sont là. Je me glisse entre elle deux, pour apercevoir Magalie, assis sur sa chaise de bureau.

 — Il se passe quoi ? demandé-je.

 — Magalie ne veux pas nous ouvrir la chambre de Peter pour déposer nos cadeaux.

 — Désolé, mais je ne peux pas. Si vous voulez, vous me les laissez et j’irai les déposer avant son retour. Pourquoi lui donner ça ?

 — On pense que ça peut lui faire du bien de sentir qu’il est pas tout seul dans cette épreuve. On c’est dit qu’il serait heureux.

 Je donne mon poster à Magalie, Soraya, une sorte de peluche ou de figurine, je sais pas trop. Emma se résigne à lui donner une bande dessinée. Nous avons tous noté un petit mot dessus.

 — Merci. Allez vous coucher maintenant. Il est l’heure. C’est très gentil de votre part et je vous assure que se sera dans sa chambre à son retour.

 Je la remercie, et nous retournons chacun dans nos chambres. Je laisse la porte entrebâillée, ferme les rideaux, m’allonge sur mon lit et plonge dans un sommeil profond.

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