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Sur les lignes courbes d’un erg roux, le cherghi, par pudeur, s’est éclipsé. Sifflant du nord, par delà le désert et les mers chaudes, les plaines arides et les vallons enneigés, un chant funèbre s’élève, pleure des fils assassinés. Entre deux gémissements caverneux assourdissants, une bise claire, glacée comme une plainte, essaime, d’un crissement blanc à peine audible, quelques graines de rosée.
À l’ombre d’une crête, deux perles d’eau se dessinent. Elles courbent le temps et réfléchissent le monde, hésitent, s’animent et glissent, caressent deux boutons d’ademïome fraîchement éclos. Les deux belles défroissent leurs pétales un à un, offrent aux vents leur chatoiement pastel et les tendres replis de leur cœur parfumé. De leur coupe délicate transpire et coule la fragrance entêtante du pollen.
Soudain troublé, le cherghi se bourrasque, frôle et embrasse leur robe délicate, s’embaume et s’abreuve du parfum obsédant, puis se dérobe. Il fuit en vrilles au-dessus des bancs de sable crépitant de chaleur, gagne la ville désolée où il répand son butin honteux.
Ce matin comme tous les autres, le soleil triste coule rouge et trouble le gris du ciel. Le cherghi l’ignore, entonne le chant du désert, murmure à la poussière de gratter les murs, de battre les volets clos et les portes scellées. Les bâtisses lui répondent, vibrent en chœur et se fissurent délicatement. Le pollen infiltre son parfum dans les lézardes d’une maison assoupie, enveloppe et pénètre ses occupantes.
Là, bercés par la mélopée sourde, deux embryons roses somnolent dans leur matrice. Ils s’agitent, s’éveillent, goûtent le parfum d’ademïome ensorcelant. Alors, avec une délicatesse extrême, le bouton de leur sexe se fend et se détermine. Elles, seront. Elles flottent en silence, veillent au gré du fluide amniotique et contemplent, à travers l’enveloppe de chair, la lueur filtrée de leur toute première journée dans ce monde en suspens. Maintenant. Les femmes.
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