2 – Des guerriers ou des pères Noël ?

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J’en reviens pas. On a eu toutes les peines du monde à ce que Léonie décroche du barbu en cuir, et voilà qu’à peine sortie du camion, elle a couru à sa recherche. Je me suis tapé le front quand elle m’a crié pourquoi. Et voilà que ce soir, elle est bien sagement attablée à côté de lui. J’y retrouve aussi nos gars de tout à l’heure, la dame Mathilde et d’autres que je connais pas encore. Ils sont tous là sous cette tente toute blanche à manger et boire, des bières pour certains, aussi joyeux que des vikings. Oui c’est ça, ils me font penser à des vikings. Sans les coiffures bizarres et avec des logos sur leurs vêtements à la place des tatouages.

Moi, pour pas la laisser toute seule avec eux, je reste debout à deux pas de la table à me chauffer au brasero. Cette chaleur m’attire comme un papillon. J’ai jamais autant aimé la chaleur que depuis qu’on en a retrouvé. Et je suis là, tout propre, aussi propre que les habits que je porte. Moi aussi j’ai eu droit à la douche. Une rapide et tiède, mais on m’a promis que je pourrai en reprendre plein plus tard, quand ils nous auront trouvé un foyer. Je me rappelais plus que j’avais la peau si douce.

J’ai comme dans l’idée que j’ai bien fait de rester, car voilà celle qui nous a débusqués. Les autres, je m’y suis habitué, mais cette pseudo-femme, j’étais pas pressé de la revoir. En même temps… Je la croyais plus grande que ça. Ils la dépassent tous.

Son bâton est calé dans son dos, comme l’épée des guerriers dans les films. Elle a aussi une ceinture avec des flingues et des couteaux. Pas des couteaux qu’on met sur la table ! Et j’avais pas remarqué, mais ça a pas l’air d’être des gants en laine qui dépassent de ses manches. Ou alors une laine rudement raide et noire. Y a donc pas que son œil qui fait robot. Comme si Terminator et Sarah Connor avaient fait un bébé. Ou qu’un chara-design de manga s’était éclaté sur elle.

Au début, elle fait pas attention. Elle pose son assiette, s’installe à côté d’une autre femme avec les cheveux noués en queue de cheval et commence à manger sans dire un mot à personne. L’une à côté de l’autre, on dirait deux sœurs. Une normale et une chelou.

Je remarque qu’ils sont tous en train de s’échanger coups d’œil et coups de coude autour de la drôle de femme, y compris sa copine qui hausse les épaules, du style c’est habituel.

— Elle a pas vu ? demande celui qui s’appelle Bruno.

— Non, répond Yacine assis juste en face d’elle. Elle est encore dans les nuages, tu la connais maintenant… Ça va, Tara ? Pas trop dur, cette journée ?

— Mmh… Hein ? Tu…

Le joli tableau un peu sur sa gauche, elle pouvait pas les louper longtemps. Sa fourchette en l’air, les yeux écarquillés, elle frise sur le barbu qui vient encore de donner un bout de pain à Léonie. Pas trop, car on nous a dit d’y aller doucement comme on n’a pas bien mangé depuis trop longtemps. Et ma Léonie qui glousse en s’agrippant à son bras !

— Ah, je crois qu’elle a bugué ! s’amuse Yacine.

Les autres se bidonnent.

L’étrange femme finit par mettre sa fourchette à la bouche, comme si de rien n’était.

— j’avais dit que c’était dangereux, ces p’tites choses ! dit-elle comme une évidence.

Ils s’esclaffent tous en cœur. Sauf cette Tara. Et le barbu qui lui fait un sourire jusqu’aux oreilles, avec les yeux écarquillés.

— Toi alors !

— Avoue que c’est mignon, intervient Yacine. Mais au fait, Bernard, pourquoi elle te colle comme ça, la gosse ?

— Je sais pas. Je dois lui rappeler quelqu’un.

Là, j’interviens. Ça m’amuse plus.

— C’est parce qu’elle croit que c’est le père Noël. Mais ça se peut pas.

— C’est pas vrai, me répond Léonie toute revèche. C’est le père Noël, j’te dis !

— C’est vrai que t’as les cheveux qui ont blanchi dernièrement, c’est p’t’être ça ! dit Bruno.

Mais je m’arrête pas pour autant. Même si je sais même pas pourquoi je suis en colère.

— Le père Noël, il existe pas !

— T’es méchant !

Je fous Léonie en rogne, mais je m’en fout. Je veux pas qu’elle s’accroche comme ça. On sait jamais.

Les adultes, ça les a calmés direct. Ils sont tous sur moi, à me fixer. Sauf une. Encore la même. Elle continue de s’occuper de sa gamelle, avale une bouchée, une autre. Puis sa voix brise le silence installé.

— Il a raison le gamin. Bernard, c’est pas le Père Noël. Enfin, pas celui qui amène des cadeaux aux enfants… C’est un autre. Un père Noël un peu particulier. Celui-là, il sent le vieux cuir. Et sa hotte, il l’attache à son cheval à moteur, et avec il sauve les gens…

Avec son œil pas net, j’arrive pas à savoir si c’est du lard ou du cochon. Je parierais plutôt qu’elle se fout royalement de ma gueule.

— N’importe quoi ! que je la défie.

— Si, je t’assure ! qu’elle me répond en s’adressant enfin à moi, sans pour autant s’arrêter de bouffer. J’ai été dedans. J’étais dans un sale état quand il m’a récupérée, bien pire que tes amis et toi…

— Oh, ben v’là qu’il est tout ému, notre Nanard ! se moque gentiment Bruno.

Le Bernard en question s’essuie le coin de l’œil.

— Ben toi, quand tu fais un cadeau… Merci Tara.

— De quoi ? qu’elle s’étonne.

— Tara, c’est beau ce que t’as dit, intervient la nénette qui lui ressemble.

— Ah bon ? C’est juste la vérité…

— Ça fait combien de temps, déjà que t’es avec nous ? Bien un an ?

— À peu près, depuis que le bordel a commencé… Ça passe vite…

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