Prologue

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La princesse héritière de Lorule observait la salle de bal bondée. Elle avait les cheveux violet foncé et les yeux cramoisis caractéristiques d'innombrables générations de la royauté lorulienne. Un jeune homme d'à peu près son âge se tenait à ses côtés. Ses cheveux arboraient une teinte semblable à ceux de la princesse, mais ses yeux étaient couleur d'émeraude.

— Lavio, s'il te plaît... Profite du bal... l'invita la jeune femme.

— Vous avez consacré beaucoup d'efforts à l'organisation de cet événement. Vous devriez vous amuser également, Hilda. Votre Altesse.

— J'attendrai… jusqu'à ce qu'il arrive. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de penser que son cycle de réincarnation est peut-être terminé…

Sa voix tremblait alors qu'elle trébuchait sur ses mots. Cela mit la puce à l'oreille de Lavio. Il n'avait aucune idée de ce dont elle parlait, mais quoi qu'il en soit, cela l'avait clairement affectée, et ses motivations secrètes commençaient à se révéler.

— Jusqu'à ce que qui arrive ?

— Tu ne t'en souviens pas, mais… ça changera bientôt.

C'était une remarque désinvolte, mais assez énigmatique pour lui couper le souffle. Lavio s'éloigna avec un sentiment d'inquiétude. Il aperçut le capitaine de la garde dans la foule et se dirigea vers lui.

L'homme, plus âgé que lui, le salua et lui sourit de manière rassurante. Il avait sans doute vu cet air décousu sur le visage du garçon.

Lavio fronça les sourcils et prit un ton conspirateur.

— Capitaine… Puis-je me confier à vous ? Promettez-moi de le garder pour vous ?

Les yeux du capitaine s'illuminèrent quand il perçut le sérieux de la demande de Lavio.

— Bien sûr !

— D'accord, mais pas ici. Suivez-moi.

Lavio et le capitaine sortirent de la salle de bal et se dirigèrent vers le hall, qui était désert. Les lourdes portes décorées étouffaient les bruits de la foule et la musique. Les deux hommes se placèrent devant un tableau ancien représentant une femme de la royauté.

— La princesse a dit quelque chose de très étrange… Il semblerait qu'elle ait organisé tout ce bal comme une ruse pour essayer de trouver quelqu'un qui n'existe pas. Comme vous le savez, elle n'a épargné ni dépense ni effort pour inviter tout le monde dans le royaume. Ajoutez à cela le fait qu'elle est obsédée par les légendes anciennes et, pire, j'ai le soupçon qu'elle y croit réellement. Je veux dire... Personne n'a cru que les membres de la famille royale descendaient d'une déesse pendant des siècles. C'est sûrement du pipeau, après tout. Et maintenant, j'ai cet horrible présentiment. Je ne peux pas l'expliquer, mais...

— Oui, c'est très étrange, en effet... acquiesça le capitaine. Cela me rappelle...

Il sourit.

— Je l'ai souvent observée complètement fascinée par ce tableau...

Le capitaine fit un signe de tête en direction du portrait derrière eux.

La gravure sur le cadre était effacée depuis longtemps, mais le tableau lui-même représentait une femme d'une beauté saisissante, aux traits prononcés et aux cheveux orange ondulés. Ses yeux cramoisis à couper le souffle n'étaient pas sans rappeler ceux de la princesse que Lavio connaissait, mais... N'y avait-il pas une autre raison pour laquelle ce portrait lui était familier ?

— Tonton Lapin...

L'espace d'une seconde, il vit une jeune fille rousse en robe royale l'interpeller. Ses yeux écarlates et insondables brisent toutes ses barrières. Elle portait beaucoup trop de maquillage pour une enfant. Probablement l'œuvre de son père, se dit Lavio.

Et puis le moment s'estompa en un instant, le laissant avec un sentiment de confusion et d'émerveillement.

— Lavio ?

— Oh…

Le garçon revint brusquement à l'instant présent.

— Ce n’est rien, capitaine.

— Tu es resté là, bouche bée, pendant un moment.

— Ouais... dit Lavio, essayant encore de se rappeler ce qu'il avait en tête un instant auparavant, mais il avait déjà oublié.

Probablement l'œuvre de son père... Les mots étaient là s'il mettait son esprit à rude épreuve, mais ce n'étaient que des mots, sans contexte. L'écho d'une pensée d'il y a longtemps.

C'était comme si son esprit lui-même était vieux de plusieurs milliers d'années. Il n'avait jamais ressenti cela auparavant. Cela ne lui convenait pas, surtout quand il pensait au comportement récent d'Hilda. Était-ce ainsi qu'elle se sentait en permanence ? Cela le rendait fou.

— Comme je le disais, avant ton apparente erreur cérébrale, ce tableau représenterait une princesse qui aurait vécu il y a dix mille ans, continua le Capitaine. Je pense que ce sont ses traits uniques qui font que tant de gens croient aux légendes de sa beauté et de son pouvoir extraordinaires, jamais vus auparavant. Difficile de dire si elle a vraiment existé ou si elle n'est pas juste une légende destinée à inspirer les princesses loruliennes…

Le capitaine s'interrompit, reportant son attention sur un homme étrange qui venait d'entrer dans le hall.

L'homme en question avait une démarche singulière, féminine et prétentieuse. Il s'arrêta devant le tableau et le regarda pendant un long moment, comme s'il ne voyait pas le capitaine et le jeune chevalier.

— Quel chef-d’œuvre à couper le souffle… dit l’homme, d'une voix non moins étrange, aiguë et mélodieuse.

Lavio s'éclaircit la gorge, déjà déconcerté par l'apparence et l'attitude pompeuse de l'homme.

— Et qui êtes-vous, au juste ? Vous avez une invitation ? Vous êtes un peu en retard.

L'homme leur jeta enfin un coup d'œil par-dessus son nez élégamment long.

— Oui, j'ai une invitation, espèce d'affreux gribouillage, et non, je ne suis pas en retard ! J'arrive pile à l'heure ! lança-t-il, ses lèvres rouges formant un sourire narquois.

Il se retourna brusquement, ses épaisses boucles oranges se balançant d'avant en arrière sur ses épaules alors qu'il se dirigeait vers la salle de bal.

Le capitaine et Lavio se regardèrent, sans voix.

— Ce type a vraiment l'air de prendre à cœur la légende de cette princesse. La ressemblance est troublante, plaisanta le capitaine.

Lavio fronça les sourcils.

— Ouais, un drôle de personnage… Plus flippant que drôle, en fait.

En entrant dans la salle de bal, l'homme étrange se fraya un chemin à travers la foule. Les gens se retournèrent à son passage. Ils semblaient scruter son apparence excentrique, mais séduisante. La foule s'écarta pour révéler la princesse. L'apercevant, elle resta immobile, comme figée. L'homme continua à avancer vers elle. La musique dans la salle de bal se fit plus forte, la sortant de sa transe momentanée. Elle se tourna enfin vers lui, ses jambes tremblaient.

La foule, captivée les regardait, avec attention. C'était la première fois que la princesse bougeait de son siège depuis le début du bal. Son souffle s'arrêta un instant et elle tendit la main. Ses lèvres lavande s'ouvrirent pour dire quelque chose, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. L'homme sourit et s'agenouilla pour lui embrasser la main.

— Votre Grâce.

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