Chapitre 8

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Depuis leur plus jeune âge, Son Altesse l'avait encouragé à jouer le rôle du héros. C'était parce qu'il portait cette marque – la marque de la Triforce de la Raison. De nombreux héros légendaires de Lorule étaient liés à la vertu de la Raison d'une manière ou d'une autre. Hilda était très fière de ces vieux contes, soulignant souvent ses similitudes lorsqu'elle les lui lisait à haute voix. Les héros de Lorule manquaient parfois de courage, mais on les disait dotés d'une sagesse et d'une droiture au-delà de leur âge. Leur sens du bien et du mal était sans égal. Il s'y prêtait, même s'il n'avait jamais été complètement convaincu qu'il était fait pour être un héros. Et même s'il ne regrettait pas d'avoir cette marque sur la main, il avait toujours souhaité que la paix à Lorule dure éternellement. Il ne voulait pas penser à affronter les mêmes difficultés que ces héros du passé. Il détestait la confrontation et ne voulait pas se battre.

Lavio réfléchissait à ces légendes alors qu'il se dirigeait vers le bureau d'Hilda. Il était de bonne humeur, malgré ses inquiétudes. Obtenir un bref répit dans son entraînement pour parler à la princesse était toujours le bienvenu. Il aurait aimé avoir amené Shiro avec lui mais, après l'incident de la veille, il préférait être prudent. Il ajusta sa longue casquette violette et arrangea ses cheveux violet foncé avec ses doigts, avant de frapper.

— Vous pouvez entrer, répondit une voix douce mais sévère de l’autre côté.

En poussant la grande porte à deux battants, il vit la princesse regarder par la fenêtre. La lumière du soleil entrait dans la pièce, scintillant sur sa couronne alors qu'elle tournait la tête vers lui.

— Bonjour, Votre Altesse. Le capitaine a dit que vous vouliez me parler ?

Il sourit.

— Me voici.

— Salutations, Lavio. J'espère que tu vas bien.

— Je vais bien, répondit Lavio.

Il remarqua que son expression était aujourd'hui plus austère qu'elle ne l'avait jamais été.

— Et toi ?

— Moi aussi, mais…

Elle hésita un instant.

— Je vais te demander quelque chose, et je sais que je peux avoir confiance en toi, que tu seras honnête avec moi. Je ne serai pas en colère contre toi… Tu connais le bracelet de légende ? Tu… tu l’as, n’est-ce pas ?

Lavio baissa les yeux vers le sol.

— Oui… Je m'excuse, Votre Altesse.

Hilda sourit de soulagement.

— Tout va bien, Lavio. Je ne suis pas fâchée. Si j'y avais pensé plus tôt, je t'aurais donné le bracelet, mais est-ce que je peux te demander pourquoi tu l'as pris ?

— Votre Altesse... J'espère que vous ne me trouvez pas impoli, mais ce bracelet est la seule défense contre le bâton que vous avez donné à Yuga. Je veux dire, ne voyez-vous pas à quel point il pourrait être dangereux entre les mains de quelqu'un comme lui ? Déesses, Hilda... Ne voyez-vous pas qu'il n'est pas bon ?

Lavio attendait qu'Hilda le réprimande ou qu'elle ignore son avertissement comme elle le faisait toujours lorsqu'il disait du mal de Yuga.

Une expression de tristesse traversa ses traits, même s'il pouvait voir qu'elle faisait de son mieux pour le dissimuler.

— Je comprends.

Lavio n'en croyait pas ses oreilles. Yuga avait-il fait quelque chose pour qu'elle le questionne ?

— Si tu es d'accord avec moi, pourquoi ne fais-tu rien ? insista-t-il, de plus en plus inquiet.

— Que puis-je faire ? Quel mal a-t-il commis ?

— Il y a quelque chose de spécial chez lui… hasarda Lavio, même si c'était un euphémisme grossier. Dans le meilleur des cas, il n’est rien d’autre qu’un arriviste sans valeur, et je ne veux pas envisager ce qu’il pourrait être dans le pire. Vous m’écouterez sur n’importe quoi d’autre, pourquoi pas sur ça ?

— Tu penses qu'il en veut à la Triforce ? demanda Hilda.

Les yeux émeraude de Lavio s'écarquillèrent et il sentit son estomac se retourner. C'était comme si elle avait lu sa pire peur. Si quelqu'un voulait la Triforce, il viendrait d'abord pour lui et Hilda. C'était le pire scénario possible dans son esprit. Bien sûr, personne n'était plus susceptible de le faire que Yuga. Pour Lavio, Yuga était exactement le genre de personne qui essaierait de prendre le contrôle de la Triforce.

— Je pense que s'il en avait l'occasion, il n'hésiterait pas à te trahir pour ça, répondit finalement Lavio.

— Alors qu'est-ce qui l'en empêche ? Pourquoi ne l'a-t-il pas encore fait ? demanda Hilda.

— Tu sais pourquoi... Tu le sais mieux que quiconque. La porteuse de la Triforce de la Beauté n'a pas encore fait son apparition. expliqua Lavio. Mais, connaissant l'obsession de Yuga pour la beauté, il la chercherait en premier.

— Tu crois que le porteur de la Triforce de la Beauté est une femme ? demanda Hilda, intriguée.

— Je ne sais pas, ce n'est qu'une théorie. Une femme, un homme, en soi, ce n'est pas le plus important. Qu'y-a-t-il, Votre Altesse ? Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ?

— Je-je ne sais pas, je…

Elle fronça les sourcils. Son ton devint plus brusque.

— Je le pensais quand j'ai dit que je t'aurais donné le bracelet. Je pense que tu devrais le garder. Prends-en soin, sois discret et surtout, sois prudent. C'est tout ce que je voulais dire…

Pourquoi fait-elle tant de mystère ?

— Soyez prudente, Votre Altesse, dit Lavio.

Il se tourna pour partir, mais avant d'avoir pu atteindre la porte, il entendit Hilda émettre un petit rire doux-amer. Lavio se figea, regardant par-dessus son épaule.

— Tu sais, il était assez en colère quand il a remarqué la disparition du bracelet.

Un frisson lui parcourut l'échine, ne sachant pas comment réagir à son comportement qui devenait de plus en plus étrange. La princesse s'était déjà retournée pour regarder par la fenêtre.

Lavio était assis à un bureau dans l'unique pièce de sa petite maison. Le bracelet sur son poignet lui rappelait ce qui s'était passé plus tôt.

Il jeta un coup d’œil à son entrée de journal précédente.

Je n'ai pas pu lui parler aujourd'hui. Cet homme a presque transformé Shiro en tableau. J'espère qu'elle reviendra bientôt à la raison.

Il saisit sa plume et commença à écrire l'entrée suivante. Il aurait souri s'il ne s'était pas senti aussi nerveux.

Elle veut faire ce qui est juste. Je ne sais pas ce qui l'en empêche, mais la bonne nouvelle c'est qu'elle me laisse garder ce que j'ai pris.

Il retira la plume de la page, caressant Shiro du bout de l'index. Il écrivait toujours en termes vagues au cas où quelqu'un lirait son journal. Il retira le bracelet de son poignet et le remit dans sa cachette dans un tiroir.

Lavio ne connaissait que trop bien l'histoire du bracelet. Hilda lui avait lu la légende de nombreuses fois quand ils étaient petits. Le bracelet avait autrefois appartenu à un sorcier malfaisant qui avait trompé la matriarche de la famille royale. Lavio ne pouvait pas s'empêcher de comparer le sorcier de la légende à Yuga. Il avait un jour plaisanté à ce sujet avec Hilda alors qu'elle lui lisait l'histoire pour la énième fois.

— Je ne t'ai pas demandé ton avis, Lavio. Maintenant, écoute ! l'avait-elle réprimandé.

Cette histoire particulière de la déesse renaissante et du sorcier était sa préférée.

Lavio regarda autour de lui dans sa maison. Il devait mettre un peu d'ordre, mais il n'avait pas vraiment envie de faire le ménage pour le moment. Il se leva et s'étira. Shiro se posa sur son épaule.

— Eh bien, mon pote, allons au Bar Laitier. Je suis sûr que tu as besoin d'air frais après avoir été enfermé toute la journée, dit Lavio au petit oiseau bleu et blanc. Il se dirigea vers sa garde-robe et sortit une longue robe violette avec une capuche en forme de lapin qu'il avait confectionnée lui-même.

Malgré les rumeurs selon lesquelles un groupe de voleurs clandestins régnait en ville, Lavio se sentait relativement en sécurité. Le Bar Laitier lui offrait une occasion de socialiser en dehors du château. Mieux encore, Lavio savait que Yuga ne mettrait les pieds dans cet endroit pour rien au monde. Mais la princesse non plus. Lavio fronça les sourcils. Ils étaient vraiment à des années-lumière l'un de l'autre.

Le propriétaire du bar, Ingo, grommelait tout seul et séchait des cruches vides. Au fond de la pièce se trouvait une jeune femme à la longue queue-de-cheval rose. Un homme avec un sac sur la tête était assis non loin d'elle. Il y avait quelques femmes bizarrement vêtues assises autour d'une table. Charmantes et ressemblant à des sorcières, ces femmes étaient sûrement membres de la tribu entièrement féminine originaire du marais. Lavio avait entendu de nombreuses rumeurs à leur sujet - les sorcières du Marais des Démons. Les femmes riaient entre elles.

Il n'était pas difficile de repérer le capitaine avec ses cheveux magenta, son uniforme violet et son chapeau. Au fil des années d'entraînement, Lavio avait noué une sorte d'amitié avec son supérieur. Il souleva sa capuche de lapin et se dirigea vers l'homme, qui avait déjà bu la majeure partie de son lait.

— Lavio, pourquoi insistes-tu pour porter cette tenue ridicule ? Tu es un chevalier en formation après tout.

— Je ne sais pas, monsieur, c'est juste que ça me ressemble plus.

— Comme tu veux, alors.

Le capitaine haussa les épaules.

Lavio s'assit et commanda un pot de lait, posant un rubis rouge sur le comptoir. Ingo poussa un soupir et prit le rubis. Un instant plus tard, il posa un pot de lait sur le comptoir.

Entre deux gorgées, Lavio jetait des coups d'œil furtifs aux différentes femmes autour du bar, en particulier à leurs mains. Cela n'échappa pas au capitaine, qui eut un sourire sournois.

— Je sais ce que tu penses que je regarde – et je veux que tu l'oublies, déclara Lavio, sans perdre le rythme.

— Je n'ai rien dit.

— Tant mieux. Contrairement à toi, la princesse et moi croyons toujours que le porteur du troisième morceau de Triforce est quelque part, et j'ai bien l'intention de le retrouver, murmura Lavio.

Les bardes commencèrent à jouer une chanson, sur laquelle l'homme avec le sac sur la tête décida de composer ses propres paroles. Sa sérénade avinée semblait être destinée à la fille aux cheveux roses, qu'il appelait "ma voleuse". La voleuse en question se déplaçait, mal à l'aise, clairement agacée par cette attention non désirée. Lavio essaya de couvrir le chant de l'homme.

— Tu as eu des ennuis avec "l'ami" de la princesse récemment ? demanda le capitaine à Lavio.

Lavio cracha. Il savait exactement à qui le capitaine faisait référence. Raconter des ragots sur la princesse était le passe-temps favori du capitaine.

— Monsieur, vous ne pouvez pas parler de Son Altesse comme ça.

— Pourquoi pas ? Où qu'elle soit, il est presque toujours à ses côtés. Je dis les choses comme elles sont.

Lavio grimaça.

— Je lui ai demandé pourquoi Son Altesse lui avait donné ce bâton, et il m'a répondu "pour la protéger".

— De quoi la protège-t-il ? Des prétendants potentiels ? se moqua le capitaine.

Lavio ne rit pas. Cette pensée lui retournait l'estomac. Il ne commanda pas une autre tournée de lait de peur de s'attirer les foudres d'Ingo.

La "voleuse" se leva brusquement tandis que son admirateur continuait sa sérénade, se dirigeant vers la sortie.

— Hé, où vas-tu ? lui cria-t-il d'une voix chantante. — C'était juste une chanson !

Lavio et le capitaine sortirent du bar et commencèrent à parcourir le périmètre de la ville. Le doux parfum du printemps flottait dans l'air, même si le soleil se couchait dans quelques heures. Ils s'approchèrent de la partie nord de la ville. Shiro, qui était resté silencieux pendant toute la durée de leur passage au bar, commença à gazouiller frénétiquement. Le capitaine continua de parler. Il divaguait à ce stade, ne prêtant aucune attention au compagnon oiseau du jeune homme. Mais Lavio vit ce qui avait retenu l'attention de Shiro. À la lisière de la forêt, souvent appelée la Forêt de Squelettes, se tenait une silhouette vêtue d'une tunique violette délavée. La silhouette resta complètement immobile pendant quelques instants, et Lavio dut y regarder à deux fois. Est-ce qu'il voyait vraiment ce que qu'il croyait voir ? Puis la silhouette tendit la main. Elle semblait lui faire signe. Lavio ne pouvait pas être sûr de l'imaginer, mais la silhouette semblait plutôt squelettique.

Non...

Lavio fit semblant de ne rien avoir remarqué et détourna le regard. Il eut du mal à ralentir sa respiration en se demandant si la silhouette continuait à lui faire signe. Il essaya de se dire qu'il l'avait simplement imaginé et, quand il ne put plus se mentir à lui-même, que le capitaine était à ses côtés.

Alors qu'ils continuaient leur marche et s'éloignaient de la Forêt de Squelettes, Shiro se calma enfin. Mais Lavio ne pouvait pas oublier ce qu'il avait vu, et ce souvenir habiterait son esprit pendant de nombreuses nuits.

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