Chapitre 12

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Lavio appuya la tête contre la porte, s'efforçant de distinguer la conversation étouffée de l'autre côté. Une boule s'était formée dans sa gorge, mais il n'osait pas avaler de peur d'émettre le moindre son.

Il avait aperçu la princesse et décidé de la suivre. Elle était entrée dans la chambre de Yuga avec une boîte à musique dans les mains. Toute cette situation avait déclenché une sonnette d'alarme dans la tête du jeune chevalier. Que faisait la princesse ? Il s'en voulait un peu d'écouter aux portes, mais c'était sa méfiance envers Yuga qui l'empêchait de s'éloigner. Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi il ressentait cela pour Yuga. C'était plus que les nombreux défauts de caractère du sorcier et son apparence assez rebutante, conclut Lavio. Même si s'il devait exprimer ce qu'il en était, il serait perdu.

De l'autre côté, il entendait Hilda parler à Yuga. Elle semblait essayer de garder un ton autoritaire, mais plus elle parlait, plus sa voix tremblait.

— Je veux que tu quittes mon royaume et que tu ne reviennes jamais. Pars... Avant que je sois obligée de faire quelque chose que je ne veux pas faire.

Lavio n'arrivait pas à y croire. Il avait toujours espéré qu'elle suivrait ses conseils, il éprouvait donc une certaine satisfaction personnelle à écouter Hilda dire à Yuga de partir. Pourtant, ces circonstances étaient inquiétantes. Yuga avait des pouvoirs terrifiants. Entrer dans ses appartements avec la nouvelle de son renvoi définitif était l'une des choses les plus effrayantes que Lavio pouvait imaginer, mais Hilda semblait complètement aveugle à tout danger. Si quelque chose arrivait à la princesse à cause de son avertissement, il ne se le pardonnerait jamais.

Je suis désolé Hilda. Je ne voulais pas que tu fasses ça toute seule, mais que puis-je faire ?

— Est-ce que le rongeur a encore rempli ta tête de ses bêtises ? La voix de Yuga était plus claire que celle d'Hilda.

Le visage de Lavio devint brûlant de colère.

— Ma décision est ferme, Yuga. Pars !

Hilda éleva la voix puis la baissa.

— L'alternative est la mort.

La mort?

Un sentiment de malaise l'envahit. Hilda avait-elle pris ses paroles trop à cœur et était-elle allée trop loin ? L'effroi de Lavio grandissait, il se demandait s'il y avait quelque chose de plus dans la situation que Hilda lui cachait.

— J'ai prêté serment à la famille royale – à vous. Je ne partirai pas. Votre Grâce… Je vous aime trop pour partir.

Les yeux de Lavio s'écarquillèrent, un sentiment d'engourdissement émotionnel l'envahit. Puis il devint livide.

C'est un mensonge ! Prions pour que ce soit un mensonge... Ne le crois pas, Hilda !

Hilda resta silencieuse pendant ce qui lui sembla une éternité. Lorsqu'elle reprit la parole, sa voix était presque un murmure, ce qui rendait ses mots inintelligibles pour le garçon. Il s'efforça d'entendre. Yuga prit un ton plus doux, d'une manière dont il ne s'adressait qu'à Hilda. Parfois, ils parlaient si doucement que même la faible mélodie de la boîte à musique pouvait couvrir leur échange.

Quelqu'un d'aussi égoïste que lui ne peut pas ressentir l'amour. Il l'utilise juste pour obtenir ce qu'il veut... Que prépare-t-il ?

Et puis, après que Yuga l'eut calmée, on aurait dit qu'il lui racontait une sorte de légende... Non, pas n'importe quelle légende... C'était celle de la déesse et du roi démon. Il y avait des différences avec la version que Lavio avait entendue en grandissant, mais il savait au fond de lui que tout était vrai. Il ne pouvait pas s'empêcher d'écouter, ni de trembler. À ce stade, il ne savait pas si c'était à cause de sa colère intense ou de sa peur. Bien qu'il ne perçoive que quelques bribes de la conversation, il en avait assez entendu. Plus il en apprenait, plus il se sentait malade. Il y avait un bourdonnement distinct dans ses oreilles.

C'est pire que ce que je pensais. Oh déesses, c'est bien pire... Ce n'était pas seulement le fruit de mon imagination... Yuga est le roi démon réincarné et le porteur de la Triforce de la Beauté ? Comment est-ce possible ?

Cependant, Lavio ne parvenait pas à surmonter le sujet principal de la diatribe de Yuga : son obsession bizarre pour Hilda.

Avec la façon dont Yuga parle, c'est presque comme s'il était... jaloux de moi ? Le capitaine avait raison à propos de Yuga.

Le capitaine plaisantait souvent sur les intentions de Yuga envers la princesse, et cela mettait toujours Lavio très mal à l'aise. Dans son esprit, Yuga était rebutant, tant par son apparence que par sa personnalité. Lavio ne pouvait pas imaginer que Yuga ait des sentiments romantiques pour qui que ce soit.

Lavio, enfin, sentit le besoin de s'éloigner de leur conversation, se sentant complètement dégoûté par l'aveu de Yuga. Yuga avait été sommé de partir, et d'une manière ou d'une autre, cette sangsue avait réorienté la conversation en son prétendu "amour" pour la princesse. Cela rendait Lavio tellement malade qu'il s'en voulait d'écouté. Après tout, il n'était pas un cinglé qui écoutait la princesse tout le temps, il était juste un serviteur loyal qui voulait assurer le bien-être du royaume et de la princesse.

Lavio avait l'impression de couler au fond du lac Lorelle. Ayant entendu assez de choses pour avoir envie de passer le reste de sa vie au Bar Laitier, il s'éloigna de la porte et commença à marcher dans le couloir aussi silencieusement que possible, puis il s'arrêta. Un silence s'était installé dans la pièce depuis la dernière fois qu'Hilda avait parlé. Lavio commença à transpirer, se demandant ce qui se passait. La princesse était-elle en sécurité ?

Je devrais faire quelque chose. Si je n'étais pas si lâche, j'irais là-bas.

Lavio ne put se résoudre à faire demi-tour. Il avait toujours été sur ses gardes en présence de Yuga, mais il n'avait jamais eu aussi peur du sorcier qu'à présent. Puis, entendant la porte s'ouvrir brusquement, Lavio se retourna brusquement. Il lui sembla que l'air autour de lui était soudain devenu très, très froid. Les yeux sombres et menaçants de Yuga se fixèrent sur les siens, puis le sorcier commença à avancer vers le garçon à toute vitesse, son bâton à la main. Sous les longues manches de Yuga, Lavio aperçut la Triforce sur sa main, brillant avec une intensité terrifiante.

— Non, non, non, non... Lavio recula, le cœur battant, avant de se retourner et de s'enfuir.

— Yuga, attends ! Où vas-tu ? cria Hilda au sorcier.

— Regardez, Votre Grâce ! Le rongeur nous espionne depuis tout ce temps !

Lavio se précipita dans le couloir aussi vite que ses jambes le lui permettaient, se maudissant tout le long du chemin. Non seulement il avait écouté aux portes, mais il avait laissé le bracelet chez lui. Comment avait-il pu être aussi négligent ?

Plusieurs domestiques commencèrent à remarquer la poursuite. Quelques-uns s'arrêtèrent pour regarder, leurs visages déformés par la surprise.

— Que se passe-t-il ? cria quelqu'un derrière Lavio alors qu'il se faufilait entre des serviteurs surpris, avec Yuga à ses trousses.

Alors que Lavio s'approchait du hall d'entrée, il se retourna pour voir que Yuga le poursuivait toujours. Il descendit l'escalier principal, perdant presque pied en avalant les dernières marches.

Yuga agita son bâton semblable à un pinceau, et une barrière multicolore se forma sur les fenêtres et les portes, bloquant tout moyen de fuite. La magie ondulait contre les sorties d'une manière presque surnaturelle, comme de la peinture coulant vers le haut. Elle baignait le grand hall d'entrée dans un déluge de couleurs sombres et émettait un bourdonnement sinistre.

— J'ai piégé un rat à visage humain ! J'ai piégé un rat à visage humain ! chantonna Yuga.

Son rire aigu résonna dans le hall, plongeant Lavio dans une véritable panique, comme s'il avait de la glace dans les veines.

Je ne suis pas prêt pour ça. J'ai BESOIN de ce bracelet si je veux avoir une chance.

Lavio se demandait s'il était était prêt à se battre.

— Je n'aime pas du tout gaspiller ma magie avec toi, mais tu ne me laisses pas le choix. Tu ne feras rien d'autre qu'une tache grotesque sur le mur. Là où lu as toujours eu ta place !

— Yuga, arrête ça ! cria Hilda du haut de l'escalier.

Elle était essoufflée à force de le poursuivre.

N'ayant nulle part où courir, Lavio dégaina l'épée attachée dans son dos, la tenant devant lui de manière défensive.

— Je ne veux pas me battre contre toi, Yuga ! supplia Lavio.

— Pas besoin de te battre, si tu restes immobile comme un bon petit rongeur. Cela ne te prendra qu'une seconde, dit Yuga en s'approchant.

Il tapota le manche de son pinceau contre sa paume. Lavio recula et se rendit compte qu'il était coincé contre un mur.

Pendant ce temps, un petit groupe de serviteurs et de chevaliers en formation s'était rassemblé dans le hall.

Le sorcier déclencha une explosion de magie colorée. Lavio tomba au sol, esquivant l'attaque de quelques centimètres.

— Tu es trop rapide, rongeur ! grommela Yuga, invoquant un autre type d'attaque.

Un puissant choc électrique frappa Lavio par derrière, le faisant tomber à genoux, le souffle court.

Il peut faire sortir des choses du mur... Je dois aller au centre de la pièce , pensa Lavio.

Lavio se prépara à esquiver une nouvelle attaque du sorcier artiste. Au lieu de cela, Yuga invoqua des soldats pour encercler Lavio. Le chevalier vêtu de violet se figea. Il s'agissait de copies faites à son image. Elles le fixaient avec des sourires artificiels, troublants, et des yeux verts vides. Lavio lutta pour se tenir en place et empêcher ses genoux de trembler.

— Juste un aperçu de ce à quoi ressemblera ton portrait ! J'espère que ça te plaît ! se moqua Yuga.

Ça y est... Je n'y arriverai pas. D'un instant à l'autre, je serai transformé en graffiti vivant.

Yuga gloussa en regardant le garçon se recroqueviller.

— Ne devrions-nous pas aider ? demanda l'un des chevaliers en formation.

— Je… j’ai trop peur, répondit un autre, embarrassé par son aveu.

— Cela semble être une affaire personnelle. Il vaut mieux les laisser se battre, a déclaré un troisième.

— O-ouais... Tu as raison. Attendons le capitaine...

Ce sont des lâches... Tout comme moi... Non... La lâcheté n'aide personne. Désormais, je refuse d'être cette personne.

Lavio ferma les yeux et tendit son épée. Il pivota, tranchant les apparitions qui l'entouraient d'un mouvement rapide. Après avoir éliminé ses sosies démoniaques, il leva son épée vers Yuga, qui éclata de rire

— Pathétique...

Il invoqua un autre éclair. Cette fois, Lavio s'éloigna du mur avant que l'explosion ne puisse lui fracasser le corps dans une douleur atroce. Il se força à rattraper le sorcier et le percuta. Yuga trébucha, puis se redressa pied en grognant de frustration.

Au centre de la pièce, Lavio poussa un soupir de soulagement. Au moins, il était à l'abri des attaques de Yuga. Pourtant, il ne voulait pas sous-estimer complètement les capacités de Yuga. Il lança un sourire narquois au sorcier.

— Alors les déesses t'ont choisi pour porter la Triforce de la Beauté ? Elles doivent être aveugles ou avoir un sens de l'humour malsain... Peut-être les deux ?

— Quoi-quoi ? bégaya Yuga. Comment oses-tu ! Tu vas payer pour ça !

Yuga tapa du pied avec colère, libérant une impulsion d'énergie autour de lui. Des flammes colorées et rageuses jaillirent de chaque mur de la pièce – comme si l'invocateur ne retenait rien. Pourtant, les attaques n'avaient pas la portée nécessaire pour atteindre Lavio. Les spectateurs hurlèrent en trouvant un endroit plus sûr où se tenir.

Yuga avait arrêté son attaque et avait commencé à marcher comme s'il préparait son prochain coup. Lavio remarqua alors que les flammes du bâton de Yuga s'étaient éteintes. L'artiste regarda le pinceau doré, l'irritation se lisant sur ses traits pâles.

— Peu importe ce que tu fais, Yuga. Le héros de Lorule finit toujours par te vaincre, n'est-ce pas ?

Aussi terrifié qu'il soit, il aimait pousser Yuga à bout. Si le sorcier avait des complexes, Lavio était certain de les comprendre maintenant.

— Oh vraiment ? Si tu es le héros de quelqu'un, c'est celui des pauvres rubis pris au piège dans les portefeuilles des autres ! lança Yuga avec un ricanement.

— Tu as fini, Yuga. Je ne vais pas te combattre. Tu vas partir maintenant, comme Son Altesse te l'a dit.

Lavio avait toujours la main crispée sur son épée.

Les serviteurs et les gardes chuchotaient entre eux, échangeant des regards confus.

— C'est fini quand je dis que c'est fini !

Lavio lança un regard noir au sorcier excentrique.

— Clown idiot...

— Allez, rongeur, combats-moi ou éloigne-toi comme le lâche que tu es !

Yuga s'avança vers le garçon.

Refusant de reculer, Lavio envoya son épée en frappe diagonale vers Yuga, en guise d'avertissement plutôt que d'attaque.

Yuga tenta de bloquer l'épée avec son bâton, mais la force du coup lui fit perdre prise. Le bâton s'écrasa sur le sol en pierre, mais Yuga réagit à peine, continuant d'avancer vers le chevalier. Lavio balança à nouveau son épée. Cette fois elle effleura le bras du sorcier, juste au-dessus de son poignet. Yuga poussa un cri, plus de surprise que de douleur, alors que le sang commençait à couler de la blessure.

Son trop comprende comment, Lavio réussit à garder son sang-froid. Dans d'autres circonstances, il se serait effondré et se serait excusé à maintes reprises pour avoir blessé quelqu'un. Bien qu'il soit un chevalier en formation, l'idée de voir du sang couler dans la violence était quelque chose qu'il voulait éviter à tout prix. Il essaya de rationaliser son changement d'avis. C'était plus qu'une simple colère justifiée et de la légitime défense, se dit Lavio.

Je ne peux plus me cacher la tête dans le sable, sachant que j'avais des raisons de me méfier de lui depuis le début. Mes inquiétudes ont toujours été fondées. Il ne fait que la tromper, manipuler son cœur. Je ne peux plus laisser cela se produire...

Le sorcier continua à tenir son bras blessé avec incrédulité. Pendant un bref instant, ses yeux sombres se remplirent de désespoir. Puis il jeta un regard courroucé dans la direction de Lavio.

— Je ne perdrai pas contre toi ! Je ne peux pas !

Les paroles de Yuga ont semé la peur chez Lavio. Il resssentait toute l'étendue de sa haine.

Il ne va pas reculer... Il ne reculera jamais parce qu'il...

Lavio ne voulait pas admettre que Yuga se battait pour l'amour d'Hilda. Même s'il savait qu'il devait mettre un terme à l'implication de Yuga dans la vie de la princesse.

Et s'il lui faisait du mal au moment où elle le rejettera à juste titre ?

— Yuga ! S'il te plaît... S'il te plaît, arrête ! cria à nouveau Hilda, toujours debout en haut des escaliers.

Yuga se tourna vers elle, ses épaisses boucles rousses tombant en cascade sous le mouvement rapide. C'était exactement l'occasion dont Lavio avait besoin s'il voulait mettre un terme à ce combat. Il ferma les yeux, serra le manche de son épée et chargea vers son adversaire distrait, pointant son épée vers le dos du sorcier. Le jeune chevalier en formation se prépara mentalement au son écœurant du métal lacérant la chair et les os.

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