Chapitre 19

6 minutes de lecture

Après l'assemblée, la Garde Royale avait envahi le Bar Laitier. Les spéculations et les boissons coulaient à flot jusqu'à ce que le bar soit rempli de chevaliers ivres chantant au milieu de la musique des bardes. Lavio et le capitaine savaient dès leur arrivée que sauver la garde royale de Lorule était une cause perdue. Même la raison de Lavio et l'autorité du capitaine ne pouvaient mettre fin au comportement grossier des chevaliers.

Il faisait encore sombre lorsque Lavio et le capitaine quittèrent le bar et retournèrent au château. Aucun des deux n'avait dormi de la nuit, mais ils n'étaient pas fatigués. Ils marchèrent ensemble dans un silence presque total à travers les bosquets à la lumière d'une lanterne. Lorsqu'ils atteignirent le château, ils furent à nouveau consternés de voir que la barrière magique était toujours là.

— Eh bien, je vois que la colère de Sa Majesté continue. Je me demande combien de temps il va continuer comme ça ?

La frustration dans la voix du capitaine était palpable même lorsqu'il expira doucement.

Lavio regarda pensivement la barrière.

— Je connais un moyen d'entrer. Il y a un réseau de catacombes sous le château. Il y a des trucs... intéressants là-bas.

— Alors tu vas entrer ?

— Ouais... Et puis je crois que je connais l'endroit idéal pour notre prisonnier, dit Lavio en désignant le tableau de chevalier qu'il trimballait depuis l'assemblée.

En vérité, il avait pensé le vendre aux enchères la veille au soir au bar rempli de chevaliers éméchés – s'en débarrasser et faire un profit en même temps. Mais, aussi tentant que cela puisse être, il était déterminé à s'assurer que la punition du chevalier soit appropriée, même s'il redoutait de devoir l'affronter à nouveau

— Alors, comment on entre ?

Lavio glissa le tableau sous son bras.

— Par le cimetière privé appartenant à la famille royale. Il y a un vieux donjon qui servait à enfermer les traîtres à la couronne. Enfin, plus vieux que vieux, en fait. Il est désaffecté depuis des siècles.

— Quel est ton plan si nous parvenons à entrer dans le château ?

— Je n'ai pas de plan. Je veux juste m'assurer qu'Hilda va bien.

Fayre se tenait debout sur un haut plateau aride, dominant la plaine de Lorule. Au loin, une aura multicolore entourait le château, qui illuminait le ciel avant même que le soleil ne se lève. Ainsi, le toit violet délavé du château et ses imposantes tours reliées par des passerelles extérieures étaient perceptibles même dans le brouillard.

Aussi tiré par les cheveux que cela puisse paraître, elle pria pour que ce soit un signe que Yuga avait une idée de ce que Koume et Kotake préparaient pour lui et la princesse. Un espoir insensé peut-être. Il aurait pu mettre la barrière en place pour bien des raisons.

Accepter le plan des deux sorcières avait été une erreur – bien sûr que c'était le cas. Fayre ne s'attendait pas à moins. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à la dernière chose que la vieille sorcière lui avait dite.

— Je n'aurais jamais imaginé que nous devrions intervenir pour que le destin se déroule comme il se doit, dit Koume après avoir révélé son plan.

Pour Fayre, cela semblait presque une prémonition. Elle ne voulait rien d'autre que tendre la main à son fils et le prévenir, mais ne savait pas comment s'y prendre sans attirer l'attention de Koume et Kotake. Les sorcières détenaient une magie noire terrifiante. Le lavage de cerveau n'était qu'un de leurs pouvoirs et elles étaient capables de choses bien pires. Étaient-elles plus puissantes que Yuga ? Fayre ne pouvait pas le dire. Mais... Malgré tout, elle devait trouver un moyen de le prévenir.

Elle regagna le village. Le soleil n'était pas encore levé, ce qui lui convenait parfaitement. C'était le moment de la journée où elle se sentait le plus vivante. Les autres sorcières, ses sœurs, dormaient probablement encore dans leurs huttes. Elle traversa les passerelles de bois sans avoir à faire attention où elle mettait les pieds ni à craindre de tomber dans les eaux troubles. Elle connaissait le chemin par coeur.

Au moment où Fayre s'apprêtait à entrer dans sa hutte, une voix l'appela de quelque part au loin.

— Eh bien, si ce n'est pas la plus belle femme du Marais des Démons !

La voix était définitivement masculine, quoique plutôt aiguë. Fayre s'arrêta net. Pendant un moment, elle se demanda si elle n'avait pas simplement imaginé, mais une silhouette apparut alors dans le brouillard dense du matin. Sa robe lui donnait une allure inimitable, et son bâton ressemblait à un pinceau. Son cœur bondit. Elle ne pouvait pas bouger, ni détacher son regard de lui.

— Yuga... Je ne peux pas... Je ne peux même pas exprimer... Je n'arrive pas à croire...

Les mots sortaient les uns après les autres, sans la moindre organisation.

Il la dépassait d'au moins trente cenitmètres. Quand était-il devenu plus grand qu'elle ? Son cœur se serrait à cause de tout ce qu'elle avait manqué.

— S'il te plaît, mon fils, entre. J'ai beaucoup de choses à dire.

Son fils sourit et secoua la tête.

— Viens avec moi. Je veux que tu sois un cadeau pour Sa Grâce.

— Un cadeau ?

— Je ferai de toi l'un de mes chefs-d'œuvre. Sa Grâce a hâte de te rencontrer.

— Q-quoi ? demanda Fayre, horrifiée.

De toutes les choses qu'il aurait pu lui demander, il voulait l'ajouter à la galerie d'art de la princesse ?

— Viens avec moi. Elles ne te feront plus jamais de mal.

Il tendit la main.

Fayre ouvrit la bouche pour parler mais se retrouva sans voix. Son fils l'avait vue souffrir et avait pensé à elle. Elle aurait pu pleurer si elle n'avait pas été sous le choc. Aussi déraisonnable que soit cette solution, c'était peut-être son seul moyen d'échapper à la colère de Koume.

Fayre fit un pas hésitant vers lui, lui prenant finalement la main.

— Yuga... Il y a quelque chose que tu devrais savoir.

Sa main se referma sur la sienne comme un étau, et son corps commença à se corrompre, faisant hurler Fayre de peur plutôt que de douleur. Son rire devint bien trop strident pour être celui d'un homme.

Elle haleta en réalisant son erreur, essayant de retirer sa main.

— Non, non !

— Fayre, traîtresse ! gloussa Koume, relâchant enfin sa prise mortelle sur la main de Fayre, lui faisant perdre pied.

Elle resta immobile pendant un long moment, attendant que sa déception et sa rage passent. Si elle ouvrait la bouche, elle était certaine qu'elle dirait quelque chose de si grossier que Koume ne la laisserait pas le regretter.

— Je voulais juste m'amuser un peu avec toi avant de t'expliquer davantage notre plan. Ce déguisement n'était qu'un entraînement. Ne t'inquiète pas Fayre, tant que tu coopères avec nous, tu reverras ton Yuga très bientôt.

Fayre ne répondit pas. Elle essaya de se calmer, car elle était certaine de lancer à Koume un regard de pure haine.

— Qu'est-ce qui se passe ? Tu ne veux pas voir le héros tomber après avoir humilié et presque tué ton fils ? Tu aimerais voir ça, n'est-ce pas ?

Fayre se leva. Elle ne pouvait plus cacher les doutes qu'elle avait cachés la dernière fois qu'ils avaient parlé.

— Comment va-t-il vaincre le héros ? Comment le pourra-t-il ? Tu ne te souviens pas de ce qui s'est passé dans la vision ? Ce plan est une condamnation à mort.

— Oh, stupide préoccupation maternelle. Ma sœur et moi avons foi en lui, et tu devrais faire de même. Et s'il devait tomber, tu serais la seule responsable.

Fayre se détourna de Koume, retenant son regard furieux. Elle était sur le point de rentrer dans sa hutte et de se retenir de claquer la porte lorsqu'elle entendit Koume parler à nouveau.

— Oh, et Fayre... Si tu dis un seul mot de notre plan à Yuga, ce sera la dernière fois que tu le verras. Interprète ça comme tu veux, ma chère.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Loumicrobes ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0