Une Histoire foudroyante

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En pleine fournaise, une fouine fort contrariée stoppa net sa fourgonnette remplie de fourmes d'Ambert près d'un fourré de fougères.

Affairé à enfourner une fougasse à la fourmi, un fourmilier entendit l'animal en furie fouetter fougueusement les innocents feuillus non loin de son logis. Excédé, le pâtissier grossier et fourbu sortit de chez lui en brandissant une fourchette au-dessus de sa tête.

  • N'as-tu donc rien d'autre à foutre pour te fourvoyer de la sorte ! Retourne donc d'où tu viens, pour l'amour de ton prochain ! lança-t-il à la fauteuse de troubles troublée.
  • Je cherche mon foulard en fourrure, murmura la fouineuse sans fourcher.
  • En effet ! cet accessoire est - ô combien ! - nécessaire en période caniculaire, ironisa le fourmilier en colère.

Tout en vociférant, l'antipathique animal échafaudait un plan pour chasser l'intruse de ses terres le plus rapidement. Habitué à manipuler son entourage, il le trouva aisément.

D'un ton radouci, il reprit :

  • Que je sois foudroyé sur-le-champ si je ne te rapporte pas ton précieux objet dès que je le verrai. Sois rassurée et rentre chez toi en petite foulée ; il est grand temps de te reposer. Tu es exténuée. De mon côté, je vais de ce pas poursuivre tes investigations, foi de mirliton.

Soulagée, la fouine, qui souffrait le martyre à cause d'une vilaine foulure à la cheville, ne se fit pas prier. Après avoir remercié le Ciel de cette aide providentielle, elle chemina, cahin-caha, en direction de son fourgon, stationné en contrebas. Ah ! si seulement elle avait pu enfourcher un quelconque engin motorisé pour rejoindre son véhicule, la distance à parcourir lui aurait semblé ridicule. Dans son malheur, elle pouvait toutefois s'estimer heureuse : un parfait inconnu se chargeait de fouiller à sa place dans cet immense espace. Avec un peu de chance, il retrouverait son cher morceau de tissu enfoui tantôt par un opossum, une belette ou un blaireau.

Au même moment, une sonnerie retentit : les minutes de la pâtisserie à la fourmi étaient comptées. Le fourbe fourmilier qui n'avait aucunement l'intention de partir en quête de l'étoffe perdue se pourlécha les babines. Avec mille et une précautions, il saisit la croustillante et appétissante galette toute fumante. Pressé de la déguster, il la posa délicatement sur le rebord de la fenêtre de sa salle à manger afin qu'elle refroidisse dans les plus brefs délais. Il projetait de la dévorer devant un poignant reportage sur les fourrières. Vraiment ! il ne regrettait pas sa récente installation champêtre. Certes, l'isolement lui pesait à certains moments, mais son nouveau milieu lui évitait bon nombre de situations périlleuses auxquelles ses cousins citadins devaient faire face. Avant de s'asseoir dans son rustique fauteuil en rotin, le fieffé menteur farfouilla à la recherche de la télécommande de son téléviseur dans un tiroir où régnait le plus grand des foutoirs. Il sourit en découvrant l'objet en question ainsi que celui de l'infortunée estropiée. Tout lui revint brusquement à l'esprit. Quelques jours plus tôt, lors de sa récolte hebdomadaire de fourmis rouges pour agrémenter ses desserts, il avait ramassé l'écharpe à moitié mitée. Tant pis pour la casse-pieds ! Son plaisir gustatif primait. Pourtant, il aurait pu aisément la lui rapporter. Toute boiteuse, l'enquiquineuse avait à peine parcouru trois cents mètres. D'ailleurs, il la voyait sans peine de sa fenêtre. S'il ne voulait pas se déplacer, il aurait pu tout aussi bien l'appeler. Cependant, il ne fit ni l'un ni l'autre. Avec un sadique rictus, il passa le foulard autour de son cou, puis alla, goguenard, fermer la porte du four comme il le faisait toujours. Pour une raison inexpliquée, en accomplissant ce geste des plus anodins, il se prit soudain une décharge électrique d'une extrême intensité. Dans un terrible fracas, elle le foudroya.

Effrayée par ce bruit de tonnerre alors que le ciel n'était pas couvert, la fouine se figea puis rebroussa chemin, aussi vite que le lui permettait son état de santé. Son bon samaritain courait peut-être un danger. Quand elle arriva près de lui, elle constata - mi-triste, mi-ravie - qu'il avait à la fois perdu la vie et retrouvé son joli foulard gris. Dès qu'elle l'aperçut, elle se souvint comment il avait disparu. Une de ses amies le lui avait offert à l'occasion d'un anniversaire. Joyeuse, elle s'était aussitôt empressée de le mettre, mais avait ressenti aussitôt en le faisant une désagréable sensation : il la grattait atrocement. Polie, elle n'avait rien dit. Patiemment, elle avait attendu le départ de ses invités pour s'aventurer en plein cœur de la forêt et le jeter dans le premier fourré.

Convaincue qu'une grande âme venait de s'envoler, elle se consola à l'idée que le bienveillant fourmilier l'aurait assurément hébergée en apprenant sa situation : une inondation venait d'emporter sa maison. Sans hésitation et pour lui faire honneur, elle prit la décision de s'installer dans sa demeure. Après avoir essuyé quelques larmes, elle claudiqua à nouveau vers sa camionnette, la gara devant son logement flambant neuf, puis déchargea les fourmes en pleine liquéfaction sous ce soleil de plomb. Elle les remisa dans le garde-manger de son feu bienfaiteur carbonisé, puis attrapa le gâteau encore tiède et le fourra d'un air gourmand avec l'un de ses fromages préférés. De là où il se trouvait à présent, le fourmilier gourmet ne lui en voudrait absolument pas de différer sa mise en terre pour une généreuse part de fougasse à la fourme d'Ambert !

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