Chapitre 3 - Premières Constatations

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* EMILIE *

Maurice, un homme sec d’âge mûr, ancien collègue de feu son père, cheveux mi-longs grisonnants, tiré à quatre épingles avec son nœud pap’ et sa grande parka grise, inspecte du regard l’intérieur du café avant de la rejoint à la hâte à la table. Il est essoufflé, comme s’il avait couru un marathon !

« - Pffff, excuses-moi ma belle, lui dit-il en l’embrassant sur le front. C’est le bordel au commico

- Ah oui ?! Et pourquoi ça ?

- Bah, c’est à cause de… Tu le sais, non ? Ajoute-t-il en s’asseyant et en enlevant son chapeau. C’est pour ça que je suis là, je suppose.

- En effet, tu supposes bien !

- Bon. Que veux-tu savoir alors ?

- Eh bien, déjà, je ne comprends pas pourquoi tout ce remue-ménage pour si peu.

- Pour si peu ?? Tu ne trouves pas l’affaire étrange, toi ?

- Et qu’y a-t-il de si étrange ?

- Eh bien… Pour commencer, les deux policiers qui ont retrouvés les fugitifs étaient déjà passés dans ce quartier quelques minutes plus tôt, et n’avaient pourtant rien vu. Jusqu’à ce qu’on reçoive cet appel bizarre au standard… qui nous a indiqué le lieu exact où ils devaient se rendre pour y trouver les suspects ligotés. L’appel était anonyme, et la voix déformée, mais les détails étaient étonnamment très précis. Les flics assurent qu’ils avaient fouillé tous les environs avec leurs torches lorsqu’ils sont passés la première fois ! Et les liasses de billets étaient intactes, pas une en moins ! Sans parler de cette marque sur leur torse…

- Quelle marque ?

- Bah… Comment t’expliquer ? Ça ressemblait un peu à ça… »

Maurice lui prend son stylo des mains et dessine un triangle inversé, dont les deux angles du haut dépassent comme deux oreilles, sur sa serviette en papier.

« - Regardes. On dirait presque la marque d’un justicier… Genre un super-héros… Un peu comme Zorro… ou Batman, tu vois ?

- Hm. C’est possible oui… Mais c’est plutôt une bonne nouvelle, alors !

- Hein ?! Mais pas du tout ! Tu imagines ? Un mystérieux homme solitaire qui se fait justice lui-même ! C’n’est pas pour plaire au commissaire, ça… Il est sur les dents. Il veut à tout prix qu’on retrouve ce type.

- Mais… Je ne comprends pas… Il ne fait rien de mal, si ?

- Et à quoi servira la police si tout le monde peut se faire justice soi-même en toute impunité, d’après toi ??

- Roooh… Vous, les flics… Faut toujours que vous en fassiez des caisses…

- Déconne pas, Emilie. C’est très sérieux. Figure-toi que le procureur a même mis en place une sorte d’enquête interne parallèle pour démasquer ce mec.

- Ah, carrément ?!

- Ouais… Mais je compte sur toi pour garder cette info secrète.

- Et je mets quoi, moi, dans mon article, si je ne peux même pas évoquer ce que tu viens de me dire ?? s’offusque-t-elle en posant vivement son stylo à côté de son carnet de note.

- T’as qu’à faire comme les autres : Tu parles de l’affaire du cambriolage, et c’est tout.

- Super… Merci pour le scoop… ronchonne-t-elle en s’appuyant sur le dossier de la chaise, les bras croisés.

- Emilie, je n’rigole pas. Si jamais certaines infos confidentielles, que je te confie par respect pour ton père, se retrouvent diffusées dans ton magasine, je suis mort ! Je ne peux rien te dire de plus, de toute façon. On n’a pas grand-chose à propos de ce type.

- Qu’est-ce que vous avez exactement ? demande-t-elle en reprenant son crayon.

- Bah… Il y avait l’appel anonyme, mais évidemment, impossible de reconnaitre la voix… Trop déformée. Donc on n’est pas plus avancer de ce côté-là. Bref, la seule piste qu’on a, c’est cette marque. »

Il tapote vigoureusement son croquis de son index.

« - S’il commet encore un acte de super justicier, on la retrouvera sur d’autres affaires, j’en suis certain. Et moi, je serais à l’affût pour le choper. »

Elle tressaille légèrement, mais ne laisse rien paraître, continuant de griffonner dans son calepin sans relever la tête.

« - Et… tente-t-elle, pour faire diversion. Et moi, dans l’histoire ?

- De quoi, « toi » ?

- Tu vas me tenir au courant, j’espère ?! Tu m’as promis des infos, je te signale !

- Oui… Oui, bien sûr, je te tiendrais au courant. A condition que tu n’en divulgues pas trop dans tes articles, pour le moment. Tu auras l’exclusivité si on le démasque, je te le jure. Mais en attendant… Si jamais on remonte jusqu’à moi… Là c’est sûr, tu n’auras plus aucune info du tout ! Car je serais très vite remercié…

- Promis !! Tu me connais !

- Justement, oui… »

Elle lui décoche une moue boudeuse qui lui extirpe tout de même un rictus amusé.

« - Tu es comme ton père, ajoute-t-il avec un regard nostalgique. Fougueuse et intrépide.

- Je prends ça comme un compliment.

- Je suis sûr que tu vas enquêter de ton côté, n’est-ce pas ?

- Je suis une professionnelle, moi, Môssieur. Je vérifie toujours mes sources.

- Mouais… Ne prends pas trop de risques quand même, s’il-te-plait. Pour toi… Comme pour moi. Et je m’en voudrais s’il t’arrivait quoi que ce soit… J’ai promis à ton père de veiller sur toi, tu te souviens ?

- Ne t’inquiètes pas, je serais prudente. Comme d’habitude !

- C’est bien ça qui m’inquiète… »

* MARTIN *

Il a reconnu tout de suite l’homme qui l’a rejoint. C’est son indic’, un officier qui travaille au commissariat, et qui lui a permis d’écrire son article sur le mystérieux justicier. Que lui veut cette jeune femme qu’il ne connait pas ? Qui est-elle ? Pour qui travaille-t-elle ?

L’espace d’un instant, il lui a semblait apercevoir un badge de journaliste dans son sac à main, lorsqu’elle a sorti son petit carnet rose pour prendre des notes. Il croyait pourtant être le seul à s’intéresser à cette affaire. Espérons que Maurice ne lui en ait pas trop dit, pour qu’il garde le monopole de l’exclusivité, comme convenu. D’autant qu’il n’aime pas trop qu’une autre reporter se mêle de son enquête. Surtout quand il s’agit d’une femme aussi jolie. Après tout… Avec un minois pareil, elle pourrait avoir un avantage considérable sur lui, et obtenir des informations plus facilement en jouant de ses charmes. Ce serait déloyal, mais il comprendrait aisément le trouble qu’elle pourrait créer dans l’esprit d’un homme, même honnête… Il faut qu’il la surveille de près.

Surtout que sa réaction lui semble étrange, en plus de ça. Ou peut-être est-ce juste un bon self-control. En tout cas, elle n’a pas du tout paru perturbée par les révélations du flic, au contraire. Elle notait tranquillement dans son calepin, sans sourciller ni poser trop de questions. Pas du tout euphorique à l’idée de peut-être démasquer un super-héros des temps modernes… Pas comme lui, quoi.

Elle a cependant semblé quelque peu contrariée quand Maurice a insisté sur le croquis qu’il l’a vu gribouiller sur la petite serviette en papier. Son œil aiguisé de journaliste a parfaitement décelé ce soupçon de crispation sur son visage, et ce léger tressaillement de sa main droite, avant qu’elle ne reprenne son écriture comme si de rien n’était. Que cache-t-elle ?

* EMILIE *

Maurice continue sa plaidoirie sur les risques qu’elle prend en pourchassant seule ce fameux vengeur mystère, qui opère essentiellement la nuit qui plus est. Mais elle ne l’écoute plus. Elle est déjà loin dans ses pensées.

Pourquoi diable veulent-ils à tout prix démasquer une personne qui, à priori, souhaite simplement leur venir en aide ? Que demander de plus après tout ? Car en vérité, elle ne fait rien de mal, cette personne. Elle leur donne plutôt un coup de main, je dirais même ! Et en plus, sans commettre aucun délit, sans aucun dégât, ni matériel, ni humain. Alors… Anonyme ou pas, qu’est-ce que ça change ?

L’ébullition autour de cette affaire la contrarie quelque peu.

Bon… Cela dit, elle a pu constater qu’ils n’ont pas vraiment de piste concrète au sujet de l’identité du justicier. Et ça, ça la rassure. Elle va tout de même rester au plus proche de l’enquête, histoire de garder un œil sur l’avancée de leurs recherches, et de ne pas se laisser distancer.

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